Bruxelles, 06-07/03/2012
L’Union européenne est en plein désarroi – financièrement, économiquement et socialement. La crise de la dette souveraine ne montre aucun signe d’apaisement, l’économie entre à nouveau en récession et l’impact social de la crise est évident : chômage, inégalités et insécurité augmentent et les citoyens continuent de souffrir des retombées d’une crise financière et économique dont ils ne sont pas responsables. Les prévisions économiques de la Commission européenne, déjà médiocres lorsqu’elle a publié le deuxième Examen annuel de la croissance (EAC)[[L’Examen annuel de la croissance 2012 publié le 23 novembre 2011 se compose de la Communication EAC et de 4 annexes : le Rapport sur l’état d’avancement de la stratégie Europe 2020, le Rapport macroéconomique, le Projet de rapport conjoint sur l’emploi et un rapport sur les « Politiques fiscales propices à la croissance appliquées dans les États membres et à une meilleure coordination fiscale dans l'UE ».]] en novembre 2011, se sont encore détériorées avec la prévision d’une nouvelle contraction de l’économie dans la zone euro en 2012.
Le chômage en Europe reste historiquement et obstinément à un niveau élevé. En décembre 2011, le taux de chômage de l’UE-27 était de 9,9%, représentant plus de 23,8 millions d’Européens sans emploi. Le taux de chômage des jeunes était de 22,1%, soit près de 5,5 millions de personnes de moins de 25 ans, en augmentation par rapport aux 21% de l’année précédente à la même période. Pour ajouter à ce sombre tableau, il est probable que le nombre de personnes proches du seuil de pauvreté, qui s’élevait déjà à 23% de la population européenne en 2010, n’ait augmenté et n’aille encore empirant. Le Rapport 2011 sur l’emploi et l’évolution sociale en Europe (ESDE – Employment and Social Developments in Europe 2011)[[Employment and Social Developments in Europe 2011, Commission européenne 15.12.11 http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=6176]] confirme que la tendance générale en matière d’inégalités reste à la hausse, même dans les États membres traditionnellement égalitaires. Pratiquement un Européen sur 10 qui ont un travail risque de basculer dans la pauvreté parce qu’il ne dispose pas d’un salaire décent lui permettant, à lui et à sa famille, de vivre dans la dignité. L’écart entre la part salariale et la part du capital dans le revenu national s’est également davantage creusé.
Récession et chômage en hausse ne sont pas les seules inquiétudes. L’absence de processus démocratique au niveau européen, illustrée par la récente approbation du pacte fiscal, sape le modèle d’intégration européenne. Ceci aura de graves conséquences sur notre tissu social. Les droits des travailleurs, les systèmes de négociations collectives existants de longue date, les institutions de dialogue social ainsi que l’acquis social européen sont victimes des marchés financiers et des mauvaises politiques de l’UE.
L’Examen annuel de la croissance 2012 échoue à affronter la réalité et à proposer une solution crédible à la crise du chômage et de la croissance
Globalement, l’analyse de la CES de l’Examen annuel de la croissance 2012 montre que, malgré un langage plus nuancé sur l’assainissement budgétaire et l’inclusion, bienvenue dans les priorités pour 2012, de la lutte contre le chômage et des conséquences sociales de la crise, les messages clés restent inchangés : austérité budgétaire, réformes structurelles du marché du travail (en particulier l’ajustement des coûts du travail pour corriger les déséquilibres macroéconomiques), achèvement du marché unique impliquant une accélération supplémentaire de la libéralisation des services, des entreprises de réseau et des services publics, et promotion des accords de libre-échange. Pour l’essentiel, les recommandations politiques de l’EAC sont contradictoires et, sous la pression des marchés financiers et des propositions de la Troïka, les orientations politiques en faveur de l’austérité prévaudront sur celles en faveur des questions sociales.
Le sommet informel du Conseil européen du 30 janvier a débouché sur l’approbation du « pacte fiscal » et sur une déclaration d’orientation du Conseil sur la croissance et l’emploi avant le Conseil européen de mars. Pour la CES, il s’agit toutefois d’une nouvelle occasion manquée : malgré certaines indications d’un engagement en faveur de la lutte contre le chômage des jeunes, les dirigeants européens ne sont pas parvenus à formuler des propositions convaincantes face aux défis de la croissance et de l’emploi.
La dégradation de la situation sociale et de l’emploi et la nécessité de briser cette spirale négative sont reconnues dans le Rapport conjoint sur l’emploi (RCE)[[Adopté par le Conseil EPSCO le 17 février 2012.]]. La CES y voit certains éléments positifs, notamment : l’importance accordée à la création d’emplois ; l’accent mis sur la situation difficile des jeunes, des personnes peu qualifiées et des chômeurs de longue durée ; la reconnaissance du rôle essentiel des services sociaux et des systèmes de protection sociale pour éviter la marginalisation des groupes vulnérables et à faibles revenus ; l’appel aux investissements en matière d’éducation et de formation pour augmenter la productivité et les niveaux des revenus ; et la reconnaissance du fait que le ralentissement de la croissance entrave la relance de l’emploi et l’amélioration du taux d’emploi.
L’accent mis sur le chômage des jeunes dans l’EAC et, par la suite, par le sommet informel pour la croissance et l’emploi (et l’initiative de la Commission pour la mise en place de « groupes d’action » pour l’emploi des jeunes), même s’il s’est fait longtemps attendre, est sans aucun doute bienvenu. Toutefois, les taux de participation des personnes handicapées et des migrants qui comptent parmi les travailleurs les plus vulnérables et les plus précaires, ont également été durement touchés. Les aspects de l’emploi liés au genre et la crise, l’impact potentiellement négatif sur l’écart salarial entre hommes et femmes (déjà évident dans certains États membres) et l’augmentation des cas de discrimination liés à la grossesse ne doivent pas non plus être oubliés.
Dans le discours européen sur la création d’emplois et une relance riche en emplois, on remarquera l’absence manifeste de référence à des emplois de qualité et au travail décent ainsi que de propositions sur les questions relatives aux bas salaires, aux travailleurs pauvres et aux inégalités de revenus. A la différence des conclusions de l’ESDE 2011 qui soulignent le creusement des inégalités, le RCE n’accorde que peu d’attention à cette tendance à la hausse. En outre, alors que l’ESDE confirme que la décentralisation des négociations collectives entraîne une dispersion des salaires et des salaires minimum bas et, par conséquent, l’appauvrissement des travailleurs, le RCE n’identifie pas le rapport entre les recommandations de la Commission demandant de décentraliser les négociations salariales et de supprimer les systèmes d’indexation, d’une part, et l’absence de progrès par rapport à l’objectif de réduction de la pauvreté (Europe 2020), d’autre part.
La CES rejette l’approche selon laquelle les salaires doivent servir d’instrument d’ajustement concurrentiel. Les salaires doivent tendre à créer un équilibre entre différents objectifs comprenant entre autres la stabilité des revenus pour les travailleurs, la prévention de la dynamique de la déflation, la défense du pouvoir d’achat, fonctionnant comme un moteur pour la croissance économique et garantissant une distribution équitable des bienfaits du progrès économique. Pour la CES, les clés de la compétitivité – tant à l’intérieur qu’en dehors de l’Union européenne – sont la qualité et l’innovation et celles-ci ne sont pas soutenues par des salaires flexibles.
Soutenir les banques mais seulement à la condition qu’elles soutiennent l’investissement. L’EAC demande aux États membres de donner la priorité au renforcement des fonds propres des banques et, très justement, met en garde contre les banques qui améliorent leurs fonds propres en limitant indûment les crédits à l’économie réelle. Cette recommandation, qui est d’une importance considérable, n’est toutefois pas accompagnée par la mise en place d’un cadre politique permettant de l’organiser concrètement.
Mobiliser le budget de l’UE en faveur de la croissance et de la compétitivité. La CES préconise une meilleure utilisation des Fonds structurels de l’UE pour stimuler la croissance et la création d’emplois et soutenir l’apprentissage des jeunes en particulier. Cela étant, ces propositions doivent aller plus loin. Isolément, les fonds ne suffisent pas pour résoudre la crise et doivent être liés à une gouvernance économique fondée sur l’investissement, la solidarité et l’intégration sociale.
Des politiques fiscales propices à la croissance et une meilleure coordination fiscale dans l'UE. Cette nouvelle entrée dans les annexes de l’EAC fait suite au Conseil européen du 24 juin 2011 qui avait conclu que la Commission devait faire rapport sur les progrès accomplis dans les discussions structurées sur les questions de politique fiscale dans le contexte du « Pacte euro-plus ». L’accent mis sur la nécessité d’une action coordonnée pour s’attaquer à l’évasion et à la fraude fiscales, le rôle de la fiscalité pour contribuer à l’assainissement budgétaire et la recommandation de déplacer la fiscalité du travail vers une fiscalité moins néfaste pour la croissance, portant, par exemple, sur la fortune, la consommation et les taxes environnementales, sont encourageants et méritent d’être approfondis.
La promotion des systèmes de protection sociale, de l’éducation et de la formation n’est rien d’autre que de la poudre aux yeux car les coupes budgétaires restent la priorité. La Commission souligne à juste titre que la priorité doit être donnée aux investissements dans l’éducation et les compétences pour s’attaquer au problème de l’inadéquation des qualifications et que les systèmes de protection sociale doivent rester un rempart contre la pauvreté et l’exclusion sociale, alors que la situation sociale se détériore. Pourtant, la reconnaissance du rôle important de l’investissement social dans le capital humain et la protection sociale est contredite par la priorité accordée à l’assainissement budgétaire. L’expérience de pays ayant déjà adopté cette consigne confirme que des coupes ont été faites dans les prestations sociales, réduisant les avantages sociaux et le financement des services de santé et des services sociaux.
Offensive sur les services publics et anticipation de la dérégulation. Les États membres sont invités à poursuivre leurs réformes dans le secteur public au prétexte de la nécessité d’une « modernisation » et d’un assainissement budgétaire. La CES rejette une politique de réformes du secteur public uniquement fondée sur des raisons économiques et sur la réduction du déficit. Le rôle et le fonctionnement des administrations publiques ne peuvent être réduits à l’objectif étroit de favoriser la compétitivité de l’UE.{{
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L’agenda de la dérégulation. La proposition de la Commission, cautionnée par le Conseil, d’exempter globalement les micro- et les petites entreprises de la nouvelle législation européenne est un développement inquiétant dans l’agenda « Mieux légiférer ». Le risque d’une exclusion complète des PME de la réglementation sur l’emploi, en particulier en matière de santé et de sécurité, est inacceptable. La Commission propose de développer un tableau de bord des propositions de réduction des charges administratives lors de la phase de codécision et de transposition nationale en la matière, qu’elle utilisera pour mettre en évidence les cas dans lesquels le législateur alourdit les charges au cours de ce processus. Cela pose question quant à l’empiètement sur les compétences respectives des législateurs nationaux et européens.{{
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Surveillance économique renforcée. L’EAC s’accompagne d’une proposition portant création de deux nouveaux règlements en matière de gouvernance économique, tout spécialement pour les États membres de la zone euro. L’un cherche à étendre encore davantage les pouvoirs de la Commission (DG ECFIN) pour surveiller les processus budgétaires au niveau national. L’autre vise à remplacer des processus existants de politique européenne et récemment mis en œuvre (Semestre européen, procédure des déséquilibres excessifs) par un nouveau processus politique par lequel les États membres « confrontés ou risquant d’être confrontés à des difficultés financières » sont placés sous « surveillance renforcée ». Ceci semble avoir pour but « d’élargir et d’approfondir » les mesures et les recommandations politiques découlant des articles du Traité sur les directives de politique économique et de l’emploi. Il y a un lien explicite avec le nouveau budget pour les fonds européens puisqu’il y est dit que, faute de se conformer au programme d’ajustement de ce nouveau processus politique, les paiements des fonds structurels et social européens seront suspendus.
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L’ Europe doit d’urgence changer de cap}}
Ces dernières années, les banques centrales, les ministres des finances, les dirigeants européens et la Commission européenne ont pris les mauvaises décisions. La CES répète ce qu’elle martèle depuis longtemps, à savoir que l’austérité ne fonctionne pas : cette politique va à l’encontre du but recherché et a échoué. L’opinion selon laquelle un assainissement budgétaire rapide rétablira la confiance et poussera les taux d’épargne à la baisse s’est révélée être un mythe. En réalité, l’assainissement budgétaire s’est accompagné d’une baisse de confiance des ménages et de l’activité économique. Malgré les réductions imposées, il maintient non seulement les déficits à des taux élevés mais entraîne également les ratios de la dette publique par rapport au PIB à la hausse à cause de l’effet dénominateur. S’en tenir à des objectifs à court terme en matière de déficits malgré le fait que l’économie européenne est déjà en récession ne fera qu’aggraver la situation.
Une autre erreur de la politique européenne est de recourir aux politiques de l’emploi pour corriger de graves erreurs de politiques macroéconomiques, l’idée étant que la flexibilité du marché du travail et un assouplissement des règles en matière d’embauche et de licenciement encourageront la création d’emplois. La flexibilité du marché du travail n’est cependant pas la solution miracle pour créer des emplois. Le risque est en fait de voir des emplois décents devenir des emplois précaires et mal rémunérés, ce qui entraînera un affaiblissement de l’économie, les bas salaires ayant pour effet une diminution de la demande tandis que les emplois précaires entraînent une hausse de l’épargne de précaution. En bref, des emplois précaires induisent une relance économique précaire. La CES rejette ce genre de réforme structurelle.
Certains messages émanant des derniers Sommets (Sommet informel sur la croissance et l’emploi du 30 janvier, et Conseil européen de mars) indiquent que parmi les dirigeants de l’UE, on se rend bien compte que la consolidation budgétaire et la gouvernance économique ne vont pas à elles seules faire sortir l’Europe de la crise. Certes, c’est une bonne chose que de noter la reconnaissance du rôle de la politique fiscale dans le soutien de la croissance, ainsi que l’appel lancé pour l’on progresse avec les propositions de la Commission en matière de taxation de l’énergie, d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés et de taxe sur les transactions financières, mais nous attendons des progrès concrets sur ces questions. De même, nous pouvons nous réjouir de ce que le Conseil ait avalisé la recommandation de la Commission de privilégier les dépenses favorables à la croissance, telles que l’éducation, la recherche et l’innovation, mais avec la mise en garde que sans un plan d’investissements adéquat, ces objectifs ne seront pas réalisés. Enfin, si les questions d’emploi et de politique sociale semblent peu à peu réapparaître dans un ordre du jour qui est encore toujours dominé par la politique économique, dans l’état actuel des choses, les chances d’atteindre les objectifs « Europe 2020 » pour l’emploi et la réduction de la pauvreté semblent continuer à se réduire.
La solution à la crise de l’emploi et de la croissance, telle qu’elle est proposée par la Commission dans l’EAC et par le Conseil européen, consiste toujours en des recommandations pour des réformes du marché du travail, caractérisées par une modération salariale et une dérégulation de la protection de l’emploi, combinées à l’achèvement du marché unique et à sa plus grande libéralisation. Cette approche, qui va de pair avec la poursuite de l’austérité, même si elle est aujourd’hui présentée comme un « assainissement favorable à la croissance », ne contribuera guère à résoudre l’urgent défi de stimuler l’économie pour assurer une croissance durable et créer les emplois de qualité désespérément nécessaires.
La CES continue à réclamer une réévaluation urgente des politiques économiques et d’emploi actuelles de l’UE. Il est urgent de changer de cap, loin de l’austérité et d’un rééquilibrage budgétaire accéléré et vers une économie durable soutenue par la création d’emplois décents et la réduction des inégalités entre citoyens européens. Le « Semestre européen » devrait être modifié pour renforcer le dialogue politique avec les partenaires sociaux et les autres parties prenantes. Les partenaires sociaux doivent être consultés durant la préparation de l’EAC et non a posteriori. La CES soutient la résolution du Parlement européen sur l’Emploi et les aspects sociaux dans le cadre de l'examen annuel de la croissance 2012[[(2011/2320(INI)) adoptée le 15 février 2012.]]. Nous demandons la pleine participation du Parlement au Semestre européen.
Investir pour une économie durable, des emplois de qualité et l’égalité sociale : la CES demande un Plan européen d’investissement et de relance économique basé sur les salaires et les emplois de qualité.
La tendance récessionniste de l’économie exige un contrôle urgent du bien-fondé des politiques économiques poursuivies et encouragées dans toute l’Europe. Pour stabiliser l’économie, nous avons besoin de « coupe-circuits » pour enrayer les réactions en chaîne négatives entre la politique budgétaire et l’austérité, entre la crise de la dette souveraine provoquée par les marchés financiers et la politique de réformes structurelles liée à la dérégulation sociale. L’Europe a également besoin d’« accélérateurs » pour relancer l’économie, créer des emplois de qualité et alimenter un processus de croissance autonome.
Coupe-circuit 1 : la Banque centrale européenne devrait, directement ou indirectement, fournir les liquidités nécessaires comme « prêteur en dernier ressort » pour la dette souveraine. Les marchés devraient ainsi comprendre que la dette souveraine dans la zone euro est soutenue par une banque centrale, comme c’est le cas aux États-Unis et au Royaume-Uni pour la dette émise dans leurs monnaies respectives.
Coupe-circuit 2 : l’UE doit continuer à construire un secteur financier fort et correctement réglementé mais les modalités procycliques de la réglementation financière actuelle doivent être revues afin d’assurer les crédits nécessaires à l’économie réelle. La combinaison entre l’imposition accélérée d’exigences renforcées en matière de fonds propres (normes Bâle III imposant un ratio de fonds propres de 9%) en juillet 2012 et l’obligation faite aux banques de comptabiliser leurs titres de dette souveraine à une valeur de marché sérieusement dépréciée (valorisation au prix du marché[[L’évaluation au prix du marché (« mark-to-market ») fait référence à la pratique qui consiste à évaluer un actif à la valeur actuelle du marché. Le recours à cette méthode est basé sur l’hypothèse très irréaliste que le « signal du marché » est toujours le bon. Aujourd’hui toutefois, la réalité est que les marchés sous-évaluent sérieusement et sont par trop pessimistes vis-à-vis de la dette souveraine, et les banques perdent dès lors une partie de leur assise financière.]]) entraîne une nouvelle contraction du crédit. Cette technique d’évaluation de la dette souveraine devrait être abandonnée. Une distinction doit être faite entre d’une part les banques qui accordent principalement des crédits à l’économie réelle et de l’autre les banques d’affaires (dont le bilan est constitué de 60 à 70% de transactions de produits dérivés et d’activités spéculatives). Les exigences de fonds propres de Bâle III doivent être imposées à ces dernières à l’échéance de juillet tandis que les premières devraient être soumises à des exigences de fonds propres « variables » en fonction du cycle conjoncturel. La réduction de l’endettement du secteur bancaire visera dès lors davantage la spéculation plutôt que d’affecter l’emploi. En outre, l’accès du secteur bancaire à la liquidité de masse de la BCE à un taux d’intérêt de 1% devrait être subordonné à la mise à disposition de crédits suffisants pour l’économie réelle et à l’abandon des pratiques irresponsables de paiement de bonus et de dividendes excessifs.
Coupe-circuit 3 : la CES réclame une « année de convalescence » avec gel temporaire d’une nouvelle austérité fiscale en 2012, combinée à un cadre adapté et prolongé de réduction des déficits sous les 3% du PIB. La Commission refuse de reconnaître que la récession en cours est très étroitement liée à la politique d’austérité qu’elle a elle-même encouragée. Son objectif de réduire les déficits de 6% à 3% en trois ans est peut-être en bonne voie, mais la conséquence en est que la relance et l’emploi sont mis en péril.
Accélérateur 1 : un Plan européen d’investissement axé sur des investissements structurels plutôt que sur des réformes structurelles. Au lieu d’amener les Etats membres à se faire concurrence dans le domaine de l’emploi, l’Europe doit investir pour sortir de la crise et de la dette en développant de nouveaux secteurs et de nouvelles activités économiques fondés sur une stratégie industrielle européenne cohérente et sur des investissements dans les services publics. Cette « Union pour l’investissement » devra transférer les importants surplus d’épargne d’une partie de la zone euro au profit d’une politique d’investissements structurels visant à mettre à niveau les structures économiques et industrielles des économies « déficitaires » de la zone euro en particulier, tout en développant une étroite synergie avec le « verdissement » de l’économie européenne.
Afin de soutenir ce Plan européen d’investissement, la CES réitère sa demande de rechercher de nouvelles sources de recettes, y compris par une taxe sur les transactions financières et par des euro-obligations. Le flux des ressources devrait aussi être amélioré par une fiscalité plus équitable (une taxe européenne sur la fortune devrait être envisagée). De solides mesures pour combattre l’évasion et la fraude fiscales ainsi que la corruption doivent être mises en place et les efforts visant à s’attaquer aux causes et aux problèmes du travail non-déclaré et de l’économie informelle doivent être accélérés. Les fonds structurels européens devraient également être utilisés pour soutenir le Plan. Outre le FSE, le Fonds européen de développement régional (FEDER) devrait être mieux utilisé (environ 25% de ces fonds, soit quelque 80 milliards €, ne sont actuellement pas affectés) pour soutenir la création d’emplois et stimuler la croissance[[La proposition de cadre financier pluriannuel et de politique de cohésion de l’UE pour la période 2014-2020 : position de la CES et appel à consultation, adoptée par le Comité exécutif de la CES des 7-8 décembre 2011 (http://www.etuc.org/a/9511).
]].
Le secteur public, au sens large, est un moteur de développement et, dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 » ou des réformes de la gouvernance économique, il peut contribuer à ouvrir la voie à un développement plus durable et plus équitable. Toute réforme du secteur public doit être liée à l’objectif fondamental de garantir la fourniture de services publics de grande qualité accessibles à tous et être entreprise avec la pleine participation des partenaires sociaux.
Accélérateur 2 : Des emplois décents avec des contrats et des salaires décents. Si l’investissement européen doit relancer la croissance, il est également primordial de faire en sorte que cette croissance soit autosuffisante. La politique actuelle qui encourage le travail précaire et la flexibilité salariale dans le sens de la baisse doit être inversée au profit d’un processus de croissance axée sur les salaires. Il faut promouvoir des salaires équitables par des négociations sérieuses et effectives entre partenaires sociaux et une augmentation des salaires nationaux minima. La CES rappelle que les partenaires sociaux sont essentiellement responsables de la fixation les salaires au travers de conventions collectives et que leur autonomie à cet égard doit être respectée. Nous nous opposons à la politique de décentralisation des systèmes de formation des salaires visant à déplacer celle-ci à un niveau où la position de négociation des travailleurs et des syndicaux tend à être plus faible.
La CES se félicite de la priorité élevée accordée à l’emploi des jeunes. Les jeunes sont particulièrement vulnérables à l’emploi précaire et la CES souligne que l’accent doit être mis sur la disponibilité d’emplois et de formations de qualité et non sur une dérégulation encore accrue de la législation en matière de protection de l’emploi et la multiplication des emplois précaires. Les mesures pour répondre au chômage des jeunes devraient faire partie d’une stratégie plus large de création d’emplois de qualité en général et elles devraient être intégrées dans les politiques pour l’emploi des États membres. Nous soutenons l’idée d’une garantie aux jeunes en Europe, pour offrir à tout jeune une formation ou un emploi dans un laps de temps déterminé. Nous soutenons également l’initiative de la Commission de mettre en place des « groupes d’action » pour l’emploi des jeunes afin d’aider les États membres à identifier les éléments nécessaires à cet égard dans leurs plans nationaux pour l’emploi.
Nous reconnaissons la valeur de mécanismes de protection de l’emploi tels que le système allemand de «Kurzarbeit» grâce auxquels les emplois sont maintenus, les pertes de revenus sont évitées et les travailleurs ont l’occasion de mettre à jour leurs compétences. Des initiatives au niveau européen doivent être développées dans ce sens en y associant pleinement les partenaires sociaux. La Commission européenne veut publier une Communication sur la flexicurité dans le cadre d’un paquet emploi. La CES tient à faire remarquer que l’accent sur la flexicurité dans la conjoncture économique actuelle ne fera en rien avancer les choses et constitue une dangereuse dérive. La priorité devrait plutôt être donnée à la problématique du travail précaire et au développement de politiques actives du marché du travail.
Un contrat social pour l’Europe. La crise, l’austérité, la gouvernance économique et le pacte budgétaire sont utilisés comme autant de moyens pour réduire les droits des travailleurs, intervenir dans les négociations collectives et démanteler les services publics et les systèmes de protection sociale. La CES continue à souligner les dangers que ces politiques déséquilibrées font courir au modèle social européen et à la cohésion sociale. Il y a un besoin urgent d’une réorientation en faveur des aspects sociaux : un contrat social pour l’Europe donnant priorité aux investissements qui favorisent une économie durable, des emplois de qualité et la justice sociale, tout en luttant contre les inégalités.
Résolution de la CES pour téléchargement
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