Adoptée par la Réunion du comité exécutif des 11-12 juin 2014
Introduction
Messages-clés
- Les droits à pension de retraite s’acquièrent sur plusieurs dizaines d’années de travail reflétant ainsi les niveaux de rémunération, les périodes de chômage et les conditions de travail de façon générale.
- Les pensions, y compris l'âge de la retraite, relèvent de la compétence nationale
- Reporter l’âge effectif de la retraite devrait faire partie d'un effort à assurer une vie active harmonieuse pour tous : santé et sécurité au travail, conditions de travail décentes, accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie et contrats d’emploi de qualité ouvrant des droits à pension.
- Nous admettons qu'une augmentation de l'espérance de vie doit impliquer un report de l'âge effectif de la retraite, toutefois l’âge légal de la retraite ne doit pas être automatiquement lié à l’espérance de vie moyenne. L’exposition à des conditions de travail pénibles doit être prise en compte.
- Les pensions de retraite du régime légal (dites 'du premier pilier') applicables à tous doivent être augmentées par un financement public s’appuyant sur la solidarité entre groupes et entre générations. Les pensions professionnelles complémentaires (dites 'du deuxième pilier') basées sur la négociation collective doivent être favorisées. L’épargne-retraite privée (dite 'du troisième pilier') ne doit pas être considérée comme alternative aux pensions de retraite des premier et deuxième piliers.
Les pensions de retraite sont le reflet des conditions de toute la vie active
Les systèmes de retraite entraînent des obligations à long terme. Les règles en la matière doivent être stables et fiables. Les pensions de retraite s’appuient sur des promesses entre groupes de personnes et sur la solidarité intergénérationnelle. Les systèmes de retraite doivent être durables sur une longue période afin de pouvoir tenir ces promesses et garantir les besoins économiques des gens après leur vie active.
Aujourd’hui, les réformes des retraites sont couramment évoquées dans le débat politique européen. L’élaboration des régimes publics de retraite relève de la compétence nationale. Toutefois, au titre du semestre européen, la Commission et le Conseil font des recommandations portant sur la stabilité macroéconomique et encourageant une saine gestion des finances publiques en général. Les retraites constituent une part importante du budget de tous les états et sont donc une cible tentante pour des recommandations politiques. En 2012 et 2013, la majorité des États membres de l’UE ont reçu des recommandations par pays concernant des réformes des retraites. Celles-ci visaient principalement l’âge légal de la retraite et suggéraient qu’il soit lié à l’augmentation de l’espérance de vie ou que les possibilités de retraite anticipée soient limitées.
La CES soutient l’idée qu’il faut établir un équilibre entre temps consacré au travail et durée de la retraite mais elle est absolument contre l’idée que cet objectif soit atteint par un simple relèvement de l’âge légal de la retraite ou par un ajustement automatique de l’âge légal de la retraite en fonction de l’espérance de vie. Il faut surtout que l’allongement de la durée de la retraite (dû à l’allongement de la durée de vie) soit compensé par une amélioration de l’intégration dans le marché du travail de toutes les personnes en âge de travailler. Pour 2013, les chiffres d’Eurostat relèvent un taux d’emploi, y compris l’emploi marginal, de seulement 68% pour la tranche d’âge de 20 à 64 ans. Ceci montre à l’évidence qu’il existe un énorme potentiel d’augmentation du temps consacré au travail et que cela ne concerne pas uniquement les aînés. Augmenter l’emploi pour les groupes qui affichent des taux plus bas, tels que les femmes, les migrants et les jeunes, améliorerait de manière significative le rapport entre le temps consacré au travail et la durée de la retraite.
Déterminer l’âge légal de la retraite est essentiel dans toutes les sociétés. La CES rejette l’idée que les parlements nationaux abandonnent leurs compétences en matière de réglementation au profit de formules mathématiques basées sur des critères tels que l’espérance de vie.
Un débat et une décision politiques sont nécessaires avant de modifier l’âge légal de la retraite. Un tel processus doit impliquer les partenaires sociaux au niveau national. L’âge de la retraite et les pensions de retraite sont étroitement liés aux conditions de vie active et donc au dialogue social.
Les retraites renvoient l’image de dizaines d’années d’expérience de vie active et d’évolution de la situation du marché du travail. Le chômage n’est pas un choix personnel, pas plus que les heures à temps partiel qui ne suffisent pas à payer les factures. Le travail à temps partiel dû au manque d’infrastructures d’accueil pour les enfants et d’autres membres de la famille à charge ne doit pas être considéré comme un choix personnel et ne doit pas non plus être sanctionné par une faible pension de retraite. Les personnes qui sont tombées malades ou qui ont connu le chômage à la fin de leur vie active doivent avoir droit aux allocations sociales jusqu’à l’âge de la retraite. En période de difficultés économiques et de dérégulation des conditions de travail, différentes formes de contrats d’emploi précaire et de stages se multiplient et donnent lieu à peu de droits à pension, voire aucun. La CES exige des contrats d’emploi décent ouvrant des droits à pension.
Une vie active plus longue doit se concrétiser au travers de mesures actives sur le marché de l’emploi, de meilleures conditions de travail accompagnées de politiques en faveur de l’éducation et de la formation ainsi que de la mise à disposition d’infrastructures d’accueil. Sans celles-ci, le concept d’allongement du temps de travail relève de la pure rhétorique dans la vie de nombreuses personnes.
L’évolution démographique est souvent avancée comme raison justifiant l’obligation de repousser l’âge légal de la retraite puisque moins de personnes en âge de travailler devront soutenir un plus grand nombre de retraités. Alors qu’un nombre important de citoyens européens sont sans emploi, la CES souligne qu’il serait plus logique de considérer le rapport de dépendance économique qui correspond au rapport entre le nombre de personnes actives et le nombre de celles qui ne travaillent pas, quel que soit leur âge. Cela conduit à mettre l’accent sur la promotion d’une plus large participation au marché du travail et sur la création d’emplois de qualité.
Des chiffres démographiques mal interprétés axés sur la relation numérique entre les groupes d’âge prévalent toujours dans le débat public sur la soutenabilité des systèmes publics de retraite. Des faits tels le chômage ou l’inactivité pour raisons de santé ou familiales sont tout simplement ignorés. Malheureusement, jusqu’à présent, la définition du Livre blanc du rapport de dépendance économique n’a pas été mise en évidence dans les projections à long terme de la Commission.
La CES continue de s’interroger sur la question de savoir dans quelle mesure le vieillissement de la population se traduira par une augmentation du rapport de dépendance économique. Selon nous, c’est en grande partie déterminé par l’évolution du marché du travail. Relever le taux d’emploi, par des emplois de qualité, pourrait contribuer à considérablement réduire la future augmentation de ce rapport et, de ce fait, réduire également la charge financière du vieillissement.
L’adéquation est un aspect des pensions qui demande davantage d’intérêt public. Aujourd’hui, la pension de retraite constitue la principale source de revenus pour un quart des citoyens européens. Ils n’ont que peu d’autres possibilités de trouver d’autres sources de revenus. Les allocations doivent dès lors être telles qu’elles puissent garantir un niveau de vie décent. L’indexation des pensions doit également être adéquate. Une perte annuelle de pouvoir d’achat finira par représenter une somme importante pour ceux qui vivent plus longtemps.
Il existe des disparités choquantes entre les pensions des hommes et des femmes. Alors que l’écart salarial entre hommes et femmes en âge de travailler est d’environ 16% pour l’UE, l’écart entre les sexes en matière de pensions de retraite monte à 39%. Cela peut, dans une large mesure, s’expliquer par les inégalités au niveau des schémas vie professionnelle/vie privée, les attitudes vis-à-vis du travail féminin et la manière dont sont élaborés les régimes de retraite. La CES défend le principe « à travail égal, salaire égal » mais également « pension égale ».
La pauvreté touchant les personnes âgées est un vrai problème aujourd’hui. Malheureusement, il va même s’aggraver à l’avenir alors que les conséquences des années de crise et des mini-jobs sans droits à pension se font à nouveau sentir sous forme de faibles pensions. La CES rappelle donc une nouvelle fois la nécessité d’emplois de qualité assortis de conditions de travail décentes ainsi que de droits à pension et d’autres droits en matière de sécurité sociale. De plus, les pensions du premier pilier doivent fournir un niveau de vie adéquat et protéger les personnes âgées de la pauvreté.
Plus et de meilleures informations sur les pensions s’imposent. Le paysage des pensions de retraite étant devenu plus diversifié, l’impact de décisions individuelles est devenu plus important. Les gens ont besoin d’informations claires et fiables concernant leurs droits à pension ainsi qu’un aperçu de la manière dont fonctionnent les différentes composantes des systèmes de retraite afin d’être en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause. Les pensions dépendant des conditions de vie active antérieure, des informations périodiques sur l’état des droits à pension acquis ainsi que sur la manière dont les différents choix peuvent affecter les droits à pension sont importantes.
Commentaires sur les pensions de retraite du premier pilier
Les systèmes de retraite légale, encore appelés pensions du premier pilier, représentent la source principale des pensions pour une large majorité des retraités. On dit souvent que celles-ci ne seront pas soutenables du fait du manque de moyens financiers. La réaction syndicale à une telle affirmation doit être que, si tel est le cas, davantage de moyens doivent être affectés pour tenir compte du vieillissement de la population. S’il n’y a pas suffisamment d’argent pour le premier pilier, qui couvre tout le monde et auquel tout le monde contribue, comment des régimes complémentaires pourraient-ils être une meilleure solution ?
La meilleure façon de garantir des niveaux de prestations de retraite adéquats pour tous est de renforcer les pensions du premier pilier. La CES plaide pour que les pensions du premier pilier assurent des taux de remplacement permettant aux personnes de maintenir un niveau de vie décent durant leurs vieilles années également.
Les pensions du premier pilier permettent une redistribution au sein même du système. Elles représentent quelque chose de plus qu’un compte privé en ce qu’elles constituent un système de mise en commun des risques et de partage des coûts. Les pensions du premier pilier sont basées sur la solidarité et se prêtent à une redistribution équitable.
Dans certains pays, les emplois pénibles sont liés à des régimes de retraite anticipée. Définir ce que sont les emplois pénibles doit se faire en consultation avec les partenaires sociaux. Ceux-ci connaissent les conditions de travail des professions ou des secteurs concernés, ainsi que les inégalités sociales auxquelles les travailleurs sont exposés, en termes d'éducation et de formation.
Commentaires sur les pensions de retraite du deuxième pilier
Les régimes de retraite professionnels font souvent partie de la négociation collective. La CES soutient les régimes de retraite complémentaire négociés collectivement.
En mars, la Commission a présenté sa très attendue proposition pour une refonte de la directive concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP). La CES soutient que les prestations en matière de pensions professionnelles relèvent du droit social et du droit du travail et non d’une question de marché intérieur. Les pensions professionnelles font partie de la rémunération que les travailleurs perçoivent pour leur labeur. Les pensions professionnelles ne sont pas obligatoires mais sont souvent basées sur des conventions collectives. Près de la moitié des travailleurs bénéficient d’une pension professionnelle dans l’UE.
La proposition IRP met fortement l’accent sur le marché intérieur et la dimension transfrontalière. Cependant, les pensions professionnelles ont surtout cours dans un contexte vraiment national. Elles complètent les pensions du premier pilier, elles sont réglementées par la législation fiscale nationale et sont souvent basées sur des conventions collectives concernant les rémunérations. Les régimes transfrontaliers et les prestations transfrontalières en matière de pensions professionnelles peuvent se justifier là où une telle construction apporte une valeur ajoutée mais c’est loin d’être une manière courante d’organiser les pensions professionnelles.
S’agissant des régimes professionnels transfrontaliers, les propositions IRP reposent sur l’idée de favoriser la libre circulation transfrontalière pour les prestations de services financiers. Si des régimes de pension transfrontaliers doivent être développés, ce développement doit être fondé sur les besoins des entreprises et de leurs employés et non sur ceux de l’industrie financière qui veut tirer profit d’offres de prestations de services par-delà les frontières.
Les pensions professionnelles ne sont pas des produits qu’on peut offrir et fournir n’importe où, sans aucun lien ou connaissance du contexte en matière de rémunérations et de règlement du travail au plan national, sectoriel et parfois même de l’entreprise. La CES continuera à s’impliquer activement dans l’exercice de refonte.
La Directive 2014/50/UE sur l'acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire vise à accroître la mobilité des travailleurs en renforçant leurs droits dans ce domaine. La CES est favorable au but poursuivi, à savoir sauvegarder les droits à pension complémentaire des travailleurs, mais elle estime qu’il existe de meilleurs moyens de l’atteindre que ceux proposés dans cette nouvelle directive. Pour commencer, il est important de rappeler que les pensions complémentaires ne sont pas obligatoires et sont souvent basées sur des conventions collectives. Il faut dès lors que la législation en la matière respecte le rôle des partenaires sociaux.
La CES regrette que la définition de travailleur sortant, qui est la personne concernée par les droits couverts par cette directive, ne porte que sur les travailleurs mobiles transfrontaliers et omette les travailleurs qui changent de travail et de régime de pension complémentaire tout en restant dans le même pays.
La directive autorise toujours des délais d’attente relativement longs au cours desquels les cotisations versées par l’employeur ne reviennent pas au travailleur s’il quitte son emploi.
La protection des droits à pension dormants, y compris leur valorisation équitable, est un élément important de la directive. La CES souhaite qu’elle soit renforcée. La directive donne cependant la possibilité aux gestionnaires des régimes de pension de ne pas préserver les droits dormants ne dépassant pas certains seuils (ces seuils doivent être définis dans le droit national) mais de les payer sous forme de capital au travailleur sortant. Cela peut sembler positif mais comporte malgré tout des problèmes puisque les faibles droits à pension concernent surtout les jeunes travailleurs et, parmi ceux-ci, les travailleurs sous contrat temporaire. Le paiement d’un capital peut entraîner des pertes pour les travailleurs. Généralement, les gestionnaires comptent des frais pour ces transactions qui peuvent être soumises à des taxes élevées. Un autre désavantage du paiement de capital, au lieu de la préservation des droits dormants, est que, le jour de leur départ à la retraite, les travailleurs se retrouvent sans aucune pension complémentaire puisqu’ils auront déjà reçu leurs droits acquis sous forme de montants plus modestes au cours de leur vie active.
La CES soutient les dispositions de la directive relatives à l’information des travailleurs en matière de droits à pension et sur la manière dont ces derniers sont affectés par la mobilité.
La CES insiste vivement auprès des États membres pour qu’ils impliquent activement les syndicats et les organisations patronales dans la transposition de la directive dans le droit national.
Commentaires sur les pensions de retraite du troisième pilier
L’épargne privée n’empêchera jamais la pauvreté. L’épargne privée en vue de s’assurer une meilleure retraite n’est possible que pour ceux qui peuvent se le permettre et non pour ceux qui en auraient le plus besoin. Les produits du troisième pilier ne pourront jamais compenser l’insuffisance des prestations de retraite du premier pilier. Nombre de ces produits, présentés comme épargne de retraite ou épargne-pension, peuvent être liquidés avant d’avoir pris sa retraite ou payés sous forme de capital ou pour un nombre d’années très limité. Ils sont donc loin de constituer un revenu supplémentaire pour un nombre d’années indéterminé.