Resolution Adoptée/ Résolution de la CES sur les stages de qualité

Résolution de la CES sur les stages de qualité

Adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 30 et 31 mars 2023

Contexte

La Confédération européenne des syndicats (CES) se bat pour que tous les Européens aient accès à des stages de qualité. Les jeunes insufflent des idées et une énergie nouvelles sur le lieu de travail. Pourtant, le chômage des jeunes se maintient à 15 %[1], et les jeunes constituent le groupe démographique le plus exposé au risque de pauvreté. Par ailleurs, la crise récente et la crise en cours ont transformé le marché du travail en lieu particulièrement hostile pour les jeunes travailleurs.

La CES estime que les stages peuvent faciliter l’acquisition de compétences et inciter les travailleurs à embrasser différentes carrières. Cependant, nous réaffirmons que les stages ne sauraient être confondus avec une période d’initiation ou de formation des travailleurs.

Les stages de mauvaise qualité, sous-payés et non rémunérés constituent l’une des formes d’exploitation les plus manifestes. Il est ironique de constater que ces « occasions » sont réservées aux seules personnes qui peuvent se permettre de travailler gratuitement. Les jeunes issus de milieux défavorisés, qui ne peuvent se permettre de travailler gratuitement, rencontrent davantage de difficultés pour accéder au marché du travail.

On ne saurait tolérer, en cette période de relance, que des travailleurs jeunes et expérimentés soient utilisés comme une main-d’œuvre bon marché, au nom du renforcement des compétences. L’application de critères de qualité contraignants aux stages effectués après l’obtention du diplôme serait une manière équitable d’assurer aux jeunes un accès égal au marché du travail, quel que soit leur niveau socioéconomique.  Les jeunes travailleurs méritent des emplois de qualité et des salaires décents. L’interdiction effective et applicable des stages non rémunérés fait partie de ces promesses de longue date, que les colégislateurs européens ont désormais l’occasion d’honorer. 

Pour faire suite à la campagne visant à interdire les stages non rémunérés, qui a été couronnée de succès et qui a amené le Parlement européen à rédiger un projet de rapport d’initiative (INI) au début de l’année 2023, la CES s’apprête à mettre en œuvre une campagne de plaidoyer articulée autour de deux axes : faire en sorte que les stages soient des expériences de formation de qualité et éviter l’exploitation des jeunes travailleurs.

Revendications de la CES

Une directive européenne concernant des stages de qualité

La directive devrait s’appliquer aux stagiaires effectuant des stages sur le marché du travail ouvert, notamment des stages sur le marché libre, des stages dans le cadre des politiques actives du marché du travail (PAMT), des stages proposés dans le cadre de la garantie pour la jeunesse et des stages obligatoires effectués aux fins d’une formation professionnelle[2], et devrait tenir compte des revendications suivantes :

  • Le salaire attribué au stagiaire doit être conforme aux dispositions de la directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne [directive (UE) 2022/2041] et à celles des conventions collectives sectorielles pertinentes afin d’interdire les stages non rémunérés ou sous-payés, ainsi que les contrats de non-travail proposés aux stagiaires.
  • L’accès à la protection sociale, en particulier aux allocations de chômage, à l’assurance accident et maladie, et aux cotisations de retraite, doit être garanti pour éviter que les stagiaires ne se retrouvent dans une situation précaire après leur période de stage.
  • La directive ne devrait pas conduire à la création de nouveaux types de contrats vulnérables dans le droit du travail national, car l'objectif est d'offrir aux stagiaires des emplois de qualité.
  • Les prestataires de stage ne doivent pas exiger d’expérience professionnelle antérieure lorsqu’ils publient ou relaient des avis de vacance.
  • Il convient de renforcer les inspections du travail pour éviter que des emplois au bas de l’échelle ne soient remplacés par des postes de stagiaires permanents.
  • Une période d’interruption doit être observée avant d’engager d’autres stagiaires pour un même poste, à défaut de quoi il devrait s’agit d’un poste permanent.
  • Un accord de stage écrit doit fixer la durée et les conditions de tout renouvellement des stages; la durée des stages devrait être limitée et ne pas être inférieure à deux mois. Le renouvellement ou la prolongation des stages ne doit pas permettre de remplacer des emplois au bas de l’échelle ou des postes vacants par des emplois à temps plein et des contrats de travail permanents.
  • Dans les domaines d’activité où il est hautement probable que des emplois au bas de l’échelle soient remplacés par des stages, il convient de déterminer conjointement avec les syndicats si des stages peuvent être proposés pour lutter contre les stages fictifs.
  • Le stagiaire et le prestataire de stage doivent établir les objectifs d’apprentissage de concert. Les tâches confiées au stagiaire doivent être en lien étroit avec les objectifs d’apprentissage établis. La supervision, le mentorat et le suivi des progrès accomplis doivent être garantis tout au long du stage.
  • Les stagiaires doivent avoir accès aux représentants des travailleurs et aux représentants syndicaux sur le lieu de travail.
  • Les annonces et avis de vacance transparents, non sexistes et inclusifs doivent comprendre des informations sur les modalités et conditions du stage, notamment sur le salaire, les conditions de travail, les tâches à accomplir, et l’assurance accident et maladie.
  • Le nombre de postes de stagiaires dans une entreprise peut représenter au maximum 20% du nombre de postes permanents.
  • Les employeurs ne devraient avoir accès aux aides financières que s’ils respectent les critères de qualité, la législation et les conventions collectives (cela vaut également pour les stages proposés dans le cadre de la garantie pour la jeunesse et autres PAMT).
  • Mettre en œuvre des systèmes de suivi adéquats pour garantir que la première expérience professionnelle des stagiaires est de grande qualité ; la Commission devrait publier des lignes directrices pour des systèmes de suivi adéquats afin de garantir l'uniformité de la collecte des données avec la participation des partenaires sociaux.

Une recommandation relative aux stages à des fins éducatives

La recommandation devrait porter sur le volet « stage » des programmes d’études et prôner une révision, un renforcement et une meilleure mise en œuvre du cadre de qualité pour les stages afin de couvrir tous les stages qui sont effectués en échange de crédits et qui doivent être accomplis pour obtenir une reconnaissance des acquis. Elle devrait notamment préciser que :

  • l’horaire de travail doit être compatible avec le programme d’études concerné si les volets « formation » et « enseignement » sont assurés simultanément, et que l’horaire de travail hebdomadaire maximal doit être limité ;
  • l’allocation financière versée aux stagiaires devrait compenser les coûts directs supportés par ces derniers ; 
  • l’accès à la protection sociale, notamment à l’assurance accident et au congé de maladie, doit être garanti ;
  • la durée maximale des stages devrait être limitée à six mois, en tenant compte des pratiques nationales.

Les revendications susmentionnées serviront de fil conducteur pour mener une campagne de sensibilisation auprès du Parlement européen (le vote en séance plénière est prévu pour mai 2023) et pour répondre à la consultation en deux temps des partenaires sociaux, que nous enjoignons à la Commission européenne de lancer, ainsi que le prévoit l’article 154 du traité FUE (l’initiative relative aux stages de qualité est prévue dans le programme de travail de la Commission européenne pour le deuxième/troisième trimestre de l’année 2023).


[1] Eurostat, décembre 2022.

[2]Les stages obligatoires effectués aux fins d’une formation professionnelle ne sont pas accomplis dans le but de cumuler des crédits dans le cadre d’un programme d’études.