Conférence sur le dialogue social

Varsovie, 25 novembre 2011

La version prononcée fait foi

Président, chers Philippe, Andrea, Ralf, Mesdames, Messieurs,

Vous nous avez invités à célébrer un anniversaire, celui des vingt ans du premier accord du dialogue social européen. Il y a une chose qui m'ennuie beaucoup avec les anniversaires... Chaque année on a un an de plus. Sans ça, ce serait vraiment très bien. Ça permet de faire la fête et de se souvenir, et se souvenir dans notre cas, aujourd'hui, est plutôt agréable.

Il m'intéresse certes d'évaluer nos avancées, nos difficultés et nos perspectives, de faire un bilan de santé en quelque sorte.

Mais quel que soit ce bilan, il y a une chose que je veux dire au tout début de cette intervention.

Nous vivons ces jours-ci un tournant pour l'Europe. La stabilité économique et financière de nos pays est en danger. L'Europe ne fonctionne pas. Les ministres des finances ne trouvent pas le chemin de la sortie, les gouvernements non plus. Les pays les plus forts/le pays le plus fort ne voit/ent pas que le feu est à sa/leur porte.

Alors, pourquoi encore parler du dialogue social? Est-ce vraiment important? Est-ce une distraction pour nous faire oublier la maison Europe brûle?

Oui et non.

Oui c'est une distraction parce que le dialogue entre nous, employeurs et syndicats, en lui-même, n'a pas le pouvoir d'ouvrir la voie vers une solution. Le pouvoir de trouver une solution, aujourd'hui, il est dans les mains des personnes démocratiquement élues, de nos gouvernements, et singulièrement dans les mains de la chancelière allemande, Madame Merkel et du président de la banque centrale européenne, Monsieur Draghi.

Il n'est ni dans l'intérêt politique ni dans l'intérêt économique de l'Allemagne que l'Europe se défasse. Pour ces décisions-là, malheureusement, le dialogue social est impuissant.

Non, ce n'est pas une distraction parce que l'issue de cette crise sera soit plus d'Europe, soit moins d'Europe, soit plus du tout d'Europe.

Dans ces trois cas de figure, on ne pourra pas faire sans dialogue social entre syndicats et employeurs, ou entre syndicats, employeurs et gouvernements, on ne pourra pas faire sans des bi- ou tripartites nationales et européennes qui seront seules à même de mettre en place les solutions économiquement équilibrées et socialement justes.

Ces bi- ou tripartites, elles devraient avoir lieu au niveau national et au niveau européen.

Donc, plus que jamais, un dialogue sérieux et constructif est nécessaire.

Bien sûr pour la Confédération européenne des syndicats, et pour chacun des syndicats en Europe l'enjeu immédiat du dialogue, dans le contexte de crise que je mentionnais, c'est l'emploi, c'est éviter le chômage, la pauvreté.... Eviter que soient démantelée la protection sociale et qu'on se défasse des services publics.

Nous le savons, nous devons faire preuve d’initiative voire d'imagination. Nous y sommes obligés par la complexité, la désarticulation, du marché du travail et, plus généralement par l'évolution sociale. Nous devons améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs et travailleuses dans un cadre économique sain et des entreprises solides.

Nous devons présenter nos conclusions aux institutions européennes et aux autorités publiques à tous les niveaux. Il revient aux institutions et aux autorités publiques de les prendre en compte nos messages et nos résultats. Je ne crois pas que cela soit suffisamment le cas.

Nous devons aussi et avec une égale force, nous engager à mettre en oeuvre nos décisions au niveau national. C'est essentiel pour notre crédibilité.

Le dialogue social est bipolaire, il avance dans deux directions: Il s'adresse aux institutions européennes et, d'autre part, il doit être efficace au niveau national.

Nous soutenons cette double direction du dialogue social.

Depuis 1991, le dialogue social européen a produit des résultats non négligeables. Rien q'au niveau interprofessionnel, on compte 7 accords cadres européens, 2 cadres d’actions,
et quelques 60 rapports conjoints, recommandations, déclarations, opinions et compilations de bonnes pratiques. Et je ne compte pas les résultats importants du dialogue social sectoriel..

Nous avons aussi élaboré nos propres programmes de travail, véritables agendas, feuilles de route des partenaires sociaux.

Une récente étude menée auprès de nos affiliés en vue d'une évaluation du dialogue social. Résultat: un bémol et un encouragement fort.

Le bémol. Tout d’abord, le contenu des textes est jugé de moins en moins bon et correspond au passage d’accords transposés en directives à des accords mis en œuvre par les partenaires sociaux. Le manque de mise en œuvre de ces textes conjoints est également pointé du doigt.

Il est nécessaire de clarifier les « droits et obligations » liés à chaque instrument du point de vue de sa mise en œuvre, de son suivi et de son évaluation.

Le point fort. La volonté politique des affiliés de la CES de renforcer le dialogue social européen est unanime. Malgré les difficultés rencontrées, la grande majorité des organisations membres estime que le dialogue social européen apporte un plus aux travailleurs.

Un autre point fort est que le dialogue social implique les partenaires sociaux européens dans les systèmes de décisions européens.

Nous allons commencer un dialogue sur le temps de travail. Ça ne va pas être simple. Un grand principe pour nous est que le niveau européen ne doit pas miner les protections qui existent. Notre rôle est d'ouvrir des possibilités de solution si elles existent et au niveau où ces solutions existent.

Un dialogue social de qualité passe aussi par les synergies entre ses différents niveaux –interpro-sectoriel-entreprise. Ces niveaux doivent être coordonnés.

Le dialogue social au niveau de l’entreprise, en l’absence de cadres interprofessionnel ou sectoriel, court le risque de devoir se plier aux diktats des marchés. Si ce dialogue est encadré au niveau sectoriel et/ou interprofessionnel le risque s'amoindrit considérablement.

Un dialogue national, sectoriel et interprofessionnel est important parce qu’il marque clairement où sont et quelles sont les limites socialement acceptables et juste à la concurrence économique. C'est ce qui nous permet de soutenir une économie sociale de marché.

Avant de terminer je déplore le fait que le dialogue social, auquel on fait référence si souvent et avec tant d'emphase au niveau européen est en fait terriblement en danger au niveau national.

Un dialogue social sérieux exige que les gouvernements et les employeurs considèrent que le dialogue entre syndicats et employeurs est une partie de la solution plutôt qu'une partie du problème. Pour cela il faut que soient respectés les droits syndicaux et que soient soutenues et même soignées les structures qui permettent au dialogue social de fonctionner.

Malheureusement dans de nombreux pays européens ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est même l'inverse. Les droits syndicaux, directement ou indirectement, sont attaqués ou violés. Citons en particulier la Hongrie, la république tchèque, la Roumanie, la Bulgarie et bien d'autres. Je ne cesserai de le dire: on ne peut pas vanter les vertus du dialogue européen et, en même temps rester froid devant la détérioration des conditions du dialogue national. Certes, cela relève du niveau national, mais rappelons que le dialogue social fait partie du traité et que il est de la responsabilité de la Commission de vérifier que le traité est appliqué.

Vous l'avez compris, pour la CES le dialogue social européen est une affaire sérieuse, pas une vitrine. Le 4ème programme de travail des partenaires sociaux européens doit être une nouvelle étape dans cette direction.

La CES s'est engagée, s'engage et s'engagera, en partenaire à la fois critique et constructif dans et pour le dialogue social.

Je vous remercie pour votre attention.