Assurer la sécurité : un nouvel élan pour la paix est nécessaire

Assurer la sécurité : un nouvel élan pour la paix est nécessaire 

Adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 24-25 juin 2024

 

Conformément à sa Constitution et sa Charte des valeurs, la CES rappelle que la paix est une condition préalable au plein exercice des droits de l'homme et à une démocratie stable et qu'il n'y a pas de paix et de sécurité sans justice sociale.

 

La paix a toujours été au cœur du projet européen. La déclaration Schuman commence par l'affirmation suivante : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. [...] La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. » On ne saurait trop insister sur l'importance du projet de l'Union européenne et sur le fait qu'il a permis de garantir la paix en Europe au cours des dernières décennies. 

La CES est gravement préoccupée par le nombre croissant de guerres et de conflits violents en Europe et dans le monde. La question de la sécurité dans un contexte de menaces et de défis croissants est de plus en plus au centre des discussions de l'Union européenne et des institutions nationales. 

En mars 2024, le Conseil européen a fortement axé ses conclusions sur la sécurité et la défense. Celles-ci incluaient, entre autres, l'engagement « d'augmenter considérablement les dépenses militaires et pour améliorer et accélérer ensemble les investissements », de promouvoir la passation de marché et les investissements de défense conjoints, de soutenir l'industrie européenne de la défense et d'accroître sa résilience, notamment en améliorant l'accès au financement, en poursuivant l'intégration, en s'attaquant aux goulets d'étranglement dans les chaînes d'approvisionnement et en investissant dans la main-d'œuvre qualifiée. Par ailleurs, la Présidente de la Commission, Madame von der Leyen, a demandé à l'ancien Président finlandais, Monsieur Sauli Niinistö, de préparer un rapport sur la manière d'améliorer la préparation et l'état de préparation de l'Europe en matière civile et de défense. 

Les institutions européennes ont entamé une réflexion sur la sécurité et la défense, principalement en réponse aux conflits armés à leurs portes, aux défis du système multilatéral et à la nouvelle donne géopolitique. Les syndicats doivent aborder ces développements en lançant un appel fort en faveur de notre approche syndicale en matière de sécurité.

 

Garantir la sécurité : Un nouvel élan pour la paix est nécessaire - Revendications des syndicats 

La CES appelle à une conception élargie de la sécurité qui ne se concentre pas exclusivement sur les scénarios de menace militaire, mais prenne également en compte les menaces pesant sur les réseaux d'information, de communication, d'approvisionnement, de transport et de commerce, la sécurité des matières premières et de l'approvisionnement énergétique, la cybersécurité, la désinformation, la désignation de minorités comme boucs émissaires, ainsi que les effets du changement climatique et des pandémies mondiales.

Les ressources destinées aux initiatives en matière de défense ou de sécurité ne doivent pas provenir d'une réduction des ressources destinées aux objectifs sociaux. Le financement de l'UE pour les objectifs sociaux, y compris le dialogue social, la cohésion sociale et la transition juste, ainsi que pour la politique industrielle, doit être augmenté de manière significative et ne doit pas être sapé. Des conditions sociales strictes doivent s'appliquer au financement du secteur de la défense comme à tout autre secteur recevant des fonds publics.

Il est urgent d'agir au niveau européen pour assurer des emplois de qualité et le progrès social, ainsi que l'amélioration des conditions de vie et de travail. Plus de sécurité signifie aussi développer une société plus juste et plus équitable, avec de bonnes conditions de vie et de travail, et les investissements nécessaires dans des services publics et des emplois de qualité. Une politique industrielle européenne efficace et une politique d'autonomie stratégique ouverte sont également essentielles. Ces aspects sont d'une importance capitale pour garantir la résilience et la préparation aux crises. Ils constituent également des fondements essentiels pour permettre à l'UE de jouer pleinement son rôle dans le monde en tant que force pour la paix, la justice sociale, l'égalité et le plein respect des droits de l'homme, y compris les droits syndicaux. À cet égard, le mouvement syndical européen demande à l'UE d'utiliser son influence commerciale pour promouvoir les normes sociales et de travail les plus élevées dans les pays tiers.

La CES demande instamment aux institutions de l'UE d’accorder la priorité à la paix. Cela nécessite:

  • la politique de sécurité de l'UE doit être intégrée dans une politique étrangère européenne plus large et cohérente. Cette politique étrangère devrait être fondée sur les valeurs de l'UE et tenir compte de l'influence et de l'effet de levier considérables que l'UE, dans son ensemble, peut exercer au niveau international; 
  • la politique de sécurité doit donner la priorité à l'utilisation du large éventail d'outils diplomatiques, commerciaux et de résolution des conflits pour promouvoir la paix et le plein respect des droits de l'homme, y compris les droits des travailleurs et des syndicats ; 
  • l'UE doit jouer un rôle nettement plus important dans la consolidation de la paix dans le cadre de la mission du Service européen des relations extérieures et renforcer la politique de coopération au développement de l'UE en mettant l'accent sur les ODD, y compris l'ODD 16 sur la paix, la justice et des institutions fortes ; 
  • un renforcement du rôle de l'UE dans le soutien actif à la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs et dans la revitalisation de l'architecture de contrôle des armements en Europe et au niveau international. Tous les États dotés d'armes nucléaires doivent mettre en place une politique ferme de "non-recours en premier" ; 
  • un contrôle strict des exportations européennes de biens à double usage, l'interdiction des systèmes autonomes de commandement et de contrôle des armes et le respect du principe de l'homme aux commandes ;
  • aux États membres et à l'UE d'associer pleinement les syndicats et les partenaires sociaux aux processus de paix et aux conférences ; la participation des femmes et les perspectives de genre dans les processus de paix sont également extrêmement importantes, notamment sur la base de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité ;  
  • des garanties que toute initiative de l'UE en matière de défense ou de sécurité ne se fasse pas au détriment du progrès social, des droits de l'homme, des droits des travailleurs et des conditions de travail, et que les syndicats soient impliqués par le biais du dialogue social et de la négociation collective
  • des actions visant à garantir de meilleures conditions d'emploi et de travail dans les secteurs de la défense et de la sécurité ; 
  • un soutien plus fort et efficace à l'État de droit, y compris à des médias libres et diversifiés, et en  luttant contre la désinformation, l'intervention malveillante dans les processus démocratiques et la politique de la haine, qui vont à l'encontre de la coexistence pacifique ; 
  • le droit à une éducation de qualité et inclusive, avec un soutien plus important aux services publics d'éducation.

La CES souligne également l'importance de travailler à une nouvelle approche pour la sécurité en Europe, y compris sur la base du concept de sécurité commune (voir également le rapport de 2022 intitulé « Sécurité commune : pour notre avenir commun » - ITUC et d’autres). L'objectif est d'œuvrer à l'instauration d'une paix durable fondée sur la justice sociale et reflétant les valeurs nécessaires que sont la sécurité humaine et les droits humains, le multilatéralisme et la coopération. Ensemble, nous pouvons garantir la sécurité de l'Europe et préparer à long terme une Europe pacifique et juste. 

La CES réitère sa ferme condamnation de la guerre russe contre l'Ukraine. Les syndicats appellent au retrait des troupes russes, rejettent la guerre et s'engagent à rétablir le dialogue, la coopération entre les États et le consensus social indispensable à une paix durable. La CES appelle l'UE et les gouvernements à participer à une conférence de paix internationale pour la résolution de la guerre d'agression contre l'Ukraine et à une conférence de paix internationale d'après-guerre pour engager des poursuites contre les crimes de guerre. La CES soutient également le Pacte environnemental pour l'Ukraine.

La CES réaffirme l'importance des instances internationales et régionales pour garantir des relations pacifiques entre les États. Au-delà de l'UE, la CES est convaincue de la valeur du Conseil de l'Europe pour combler les fossés entre les personnes et les sociétés dans la recherche de la paix, conformément à son mandat initial.  Les Nations Unies ont souligné la nécessité d'apporter de nouvelles réponses aux crises qui se chevauchent et ont défini des stratégies pour aller de l'avant dans le cadre du Nouvel agenda pour la paix. La CES soutient ce processus. Nous demandons également que les institutions européennes et nationales respectent pleinement le système international des droits humains et de la justice, y compris les décisions de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale. 

La CES soutient le renforcement du rôle géopolitique de l'UE dans le monde en faveur d'un multilatéralisme fondé sur des règles, avec les Nations unies en première ligne et l'OIT en tant que leader mondial de la réglementation sociale. Toutefois, le débat sur la sécurité ne peut être réduit à une question d'expansion de l'industrie de la défense sans s'attaquer aux causes profondes de l'instabilité, de l'insécurité, de l'inégalité et de l'injustice. Comme l'indique clairement la déclaration de Philadelphie de l'OIT, qui marque son 80e anniversaire, "une paix durable ne peut être établie que si elle est fondée sur la justice sociale", ce qui implique fortement que l'absence de justice sociale constitue une menace pour la sécurité. 

Les cas de violation des droits de l'homme et de répression contre les syndicats se multiplient dans plusieurs pays, y compris en Europe. L'Union européenne doit intensifier ses initiatives pour garantir le plein respect des droits de l'homme, y compris le droit d'organisation et la liberté d'association et de réunion, la liberté d'expression et la liberté des médias. Dans le cadre de ses relations extérieures, l'UE doit faire preuve de cohérence en adoptant cette approche et traiter lesdites violations avec la même détermination, en déployant tous les outils politiques à sa disposition. Les accords de commerce, d'association et de coopération conclus par l'UE avec des pays tiers doivent comporter des dispositions exécutoires sur l'État de droit et les droits de l'homme, y compris les conventions fondamentales de l'OIT.