La coordination des conventions collectives et des salaires par la CES dans le cadre de la gouvernance économique de l'UE

Bruxelles, 22-23/10/2013

          
•    La gouvernance économique de l'UE a introduit des interventions non désirées dans les mécanismes de négociation collective et de fixation des salaires, en particulier par le biais des RSP.

•    Dans ce contexte, une nouvelle méthode de coordination interne et autonome est nécessaire afin de prévenir et/ou de contrer de telles interventions, en impliquant les affiliés de la CES dans un exercice à plusieurs niveaux (UE, national, sectoriel), en respectant pleinement l'autonomie des partenaires sociaux aux niveaux appropriés.

•    Cette nouvelle méthode de coordination est décrite dans cette résolution et sera dirigée par le Comité de coordination de la négociation collective de la CES.

•    Il améliorera les priorités et orientations fixées par la résolution “Négociations collectives: priorités et programme de travail de la CES” adoptée par le Comité exécutif en mars 2012.

•    Une telle méthode sera cohérente avec la stratégie générale de la CES face à la gouvernance économique de l'UE.

•    La “Boîte à outils de la CES pour la coordination de la négociation collective et des salaires dans la gouvernance économique de l'UE” soutiendra cet exercice, en collectant et comparant les données et meilleures pratiques et en mettant en œuvre la formation interne de la CES sur la négociation collective.

Contexte

Application de la Résolution adoptée le 6-7 mars 2012 et évolutions récentes

Lors de la réunion tenue le 6-7 mars 2012, le Comité exécutif de la CES a approuvé une résolution intitulée "Négociations collectives: priorités et programme de travail de la CES". La résolution fixait une nouvelle méthode de coordination interne des négociations collectives et des politiques salariales au sein de la CES, en fonction des changements qui ont eu un impact sur les stratégies syndicales dans ces domaines à la suite de la crise économique.

La résolution établissait également quatre priorités sous-tendant cette coordination:

•    La confirmation de la “règle d'or” (inflation plus productivité) en tenant compte des négociations salariales, avec une certaine flexibilité en fonction des spécificités des différents pays et secteurs, mais avec la dynamique du salaire nominal pour rester en terrain positif et un rejet des gels de salaires et des réductions salariales; des mesures destinées à préserver les droits des négociations collectives et l'autonomie des partenaires sociaux, ainsi que la lutte contre la décentralisation non désirée des négociations collectives, obtenue en mettant un terme à la remise en question des conventions collectives au plan national;

•    Les lignes rouges à adopter en tant que lignes directrices pour les accords défensifs et des clauses d'ouverture dans les accords intersectoriels, sectoriels et les accords d'entreprise, afin qu'ils restent temporaires, négociés et contrôlés par les partenaires sociaux, et en échange de compensations claires et bien définies en termes d'emploi et d'investissement;

•    Les priorités habituelles de la CES sur les salaires minimum et la couverture des négociations collectives;

•    La nécessité de diffuser et de renforcer les pratiques des Accords-cadres européens dans les entreprises multinationales.

La résolution souligne également la nécessité de combler l'écart de rémunération entre hommes et femmes. La négociation collective a prouvé son efficacité pour lutter contre les inégalités de genre et supprimer les causes de toutes sortes de discriminations.

Depuis lors, le Secrétariat de la CES, le Comité de coordination de la négociation collective et le groupe de travail ont conjointement mis en place un certain nombre d'activités et de projets, afin de mettre en œuvre les priorités et les orientations fixées dans la résolution.

Dans ce contexte, des activités spécifiques ont été élaborées:

•    Une nouvelle coordination des négociations collectives et des salaires par la CES, dans le cadre de la gouvernance économique de l'UE (à soumettre pour approbation au Comité exécutif à travers cette résolution).

•    Une position sur la gouvernance économique et le processus du Semestre de l'UE et leurs conséquences pour les mécanismes de fixation des salaires et les négociations collectives (déclaration adoptée par le Comité de coordination de la négociation collective – Annexe 1).

•    Une boîte à outils destinée à aider la CES et ses affiliés à améliorer leur méthode interne de coordination lorsqu'ils sont confrontés à ces processus, ainsi qu'à mettre en place les activités de formation destinées aux négociations collectives et aux négociations salariales (Annexe 2).

Pour adoption

La Coordination des négociations collectives et des salaires par la CES dans le cadre de la gouvernance économique de l'UE

La nouvelle gouvernance économique est basée sur l'élaboration des politiques à plusieurs niveaux et sur un système multilatéral de surveillance dans lequel les politiques nationales et européennes sont étroitement liées. Les tendances salariales et les réformes de la négociation salariale sont surveillées durant le Semestre européen et font souvent l'objet de recommandations politiques.

Des recommandations spécifiques par pays, telles qu'ont été formulées à présent, constituent la base des réformes du droit du travail et des relations industrielles qui ont réduit les droits et les conditions de travail des salariés. La stratégie actuelle de décentralisation des négociations collectives s'est transformée en dérégulation des systèmes de négociations collectives.

Force est de constater que l'Organisation Internationale du Travail ne cesse de dénoncer cette dérégulation et cette ingérence dans les négociations collectives liées aux politiques d’austérité imposées au niveau européen. Ces politiques ne sont pas une solution, elles n'apportent aucun effet positif, poussant même certains Etats membres à ne plus respecter certaines  des conventions fondamentales de l’OIT quitte  à mettre en péril leur population.

Si le parti pris général en faveur des salaires en tant que mécanisme d'ajustement à la baisse persiste, cela implique que les PNR et les RSP qui en résulteront continueront d'encourager la modération salariale et les réductions de salaires, et aussi d'attaquer les systèmes de négociations collectives, même lorsqu'aucun élément ne le justifie.

Les décisions relatives à la manière d'organiser les négociations collectives et la fixation des salaires sont une compétence nationale, qui relève de l'autonomie et de la souveraineté des partenaires sociaux. Les systèmes de négociations collectives diffèrent selon les relations industrielles et les traditions nationales. L'article 153 5 du Traité établit que la question des salaires n'est pas de la compétence de l'UE. Cela devrait être strictement respecté par les institutions de l'UE et les gouvernements nationaux.

Il est essentiel de renforcer l'influence des syndicats dans le Semestre de l'UE. Malheureusement, la majorité des gouvernements nationaux n'impliquent pas les partenaires sociaux dans la rédaction de leurs PNR. Les partenaires sociaux sont souvent aussi exclus du processus de transformation des PNR en RSP.

En 2012, seuls les gouvernements finlandais, suédois, et italien, ont obtenu des changements de leur RSP relatifs à la section concernant les négociations collectives et les mécanismes de fixation des salaires, à la suite d'une demande des partenaires sociaux. Si cela démontre une faiblesse générale du mouvement syndical dans le Semestre européen, ces deux cas montrent qu'il est possible de renforcer l'influence des syndicats.
 
Dans les conclusions qu'il a adoptées lors du sommet de décembre 2012, le Conseil européen s'est déclaré disposé à améliorer le rôle des partenaires sociaux dans la nouvelle gouvernance économique et il a lancé un débat afin de déterminer comment les partenaires sociaux pourraient être impliqués dans le Semestre européen. C'est un processus long et compliqué.

Les syndicats européens doivent maintenant renforcer leur influence sur le Semestre européen. Les RSP de 2013 mettent une fois de plus l'accent sur les négociations collectives et les systèmes de formation des salaires à l'échelle nationale, et la CES ne devrait pas laisser ses affiliés faire face seuls aux autres interventions et réformes gouvernementales.

La CES a rejeté les nouveaux formats tripartites au plan de l'UE, visant à surveiller les tendances salariales et les activités en matière de négociations collectives, telles que l'exercice EMCO du 1er février 2013. En outre, la CES met l'accent sur la nécessité de renouveler et de renforcer la coordination interne, afin de contrer l'interférence de l'UE dans l'autonomie des partenaires sociaux et de faire face au Semestre de l'UE lorsqu'il examine les évolutions salariales.

La nouvelle coordination des négociations collectives à laquelle est confrontée la gouvernance économique doit être autonome et facilement applicable.  Elle devrait avoir pour objectif de renforcer l'influence des syndicats dans le cadre de ce processus et, en même temps, éviter et/ou contrer l'interférence dans les négociations collectives et les systèmes de fixation des salaires venant des institutions communautaires et nationales.

Cet objectif pourrait être atteint en renforçant les capacités syndicales en matière de consultation et de réaction appropriées aux décisions prises dans le cadre du Semestre de l'UE.

La coordination de la CES devrait renforcer la position des affiliés de la CES afin de défendre les systèmes de négociations collectives et de renforcer leur pouvoir de négociation. Les partenaires sociaux nationaux doivent être impliqués, en parfaite autonomie, dans toutes les étapes des décisions gouvernementales concernant les PNR et les RSP, en particulier lorsque les négociations collectives sont en jeu. La CES doit l'exiger des institutions européennes.

La CES améliorera et coordonnera mieux sa méthode de collecte des données, des informations et des évaluations de ses affiliés, en vue de rédiger un rapport annuel sur les salaires et les négociations collectives à l'échelle de l'UE et de pouvoir réagir de manière coordonnée aux stratégies générales menées par la Commission européenne à travers les RSP.

Cette méthode de coordination à “deux niveaux” inclut un échange plus structuré et continu d'informations destiné à fixer des stratégies communes. Elle implique une comparaison, afin de mesurer les effets quantitatifs et qualitatifs de l'action de coordination.

Elle inclut la surveillance des tendances qui sont pertinentes pour les négociations collectives et l'évolution des salaires à n'importe quel niveau (niveaux national, sectoriel, entreprise, transfrontalier et transnational), ainsi que l'analyse d'autres facteurs complémentaires influençant la dynamique des salaires et du pouvoir d'achat, comme par exemple, les coûts bruts du travail, les charges fiscales, les écarts de rémunération entre hommes et femmes ,la dépendance économique des personnes au chômage, etc.

Des actions spécifiques pourraient être planifiées afin que la CES soutienne une organisation affiliée, à sa propre demande. Cela pourrait être le cas lorsqu'une organisation affiliée s'oppose à des attaques du gouvernement contre les négociations collectives et/ou les salaires, en mettant ou non en œuvre les recommandations formulées par les institutions de l'UE dans le cadre du Semestre de l'UE.

La Boîte à outils de la CES pour la Coordination des négociations collectives et des salaires

Le Comité de coordination de la négociation collective de la CES a commencé à créer une Boîte à outils sur les négociations collectives afin de soutenir sa  nouvelle méthode de coordination. La Boîte à outils a été développée et finalisée au cours des derniers mois.

Le document joint en annexe inclut 5 boîtes à outils spécifiques, qui proposent une méthode de travail pour le Comité de coordination de la négociation collective (CBCC). L'élaboration d'une boîte à outils syndicale destinée à améliorer la coordination des négociations collectives en Europe est avant tout un exercice de "création de capacités".
 
Une méthodologie commune ne peut être bâtie qu'ensemble. C'est la raison pour laquelle ce document doit être considéré comme un "travail en cours".

Il s'agit aussi d'un "travail en cours" parce que, pour le moment, les 5 boîtes à outils couvrent uniquement la priorité exposée dans la résolution de la CES adoptée en mars 2012: “Négociations collectives: Priorités et Programme de travail de la CES” en plus des priorités exposées dans cette résolution. Une boîte à outils spécifique pour lutter contre l'écart de rémunération entre hommes et femmes sera développée en collaboration avec le Comité des femmes de la CES, à la suite du projet en court "Bargaining for Equality".

Les boîtes à outils 1 à 3 visent à améliorer la position des syndicats dans le Semestre de l'UE. Les boîtes à outils 4 et 5 concernent la "règle d'or" de l'inflation + productivité.
 
La résolution 2012 de la CES inclut aussi les accords défensifs, les clauses d'ouverture, les salaires minimum et la couverture des négociations collectives. Ces questions seront traitées dans un proche avenir.

En ce qui concerne les négociations transnationales, la question est traitée par un projet CES spécifique.

La collecte et l'analyse correcte des données est un exercice difficile. Elle sera mise en œuvre et ajustée étape par étape au cours du temps. La CES, conjointement avec les Fédérations syndicales européennes et les confédérations nationales, ont déjà élaboré différentes méthodes et outils pour soutenir cette activité. Il est temps aujourd'hui de les rendre plus systématiques et d'en améliorer l'efficacité.

Afin de faciliter ce processus, la boîte à outils a, entre autres, pour objectif de créer un site Internet interactif spécifique au sein du site Internet général de la CES (collective.etuc.org). En outre, la boîte à outils deviendra un instrument pour le cours de formation interne sur les négociations collectives, qui sera organisé en coopération avec l'ETUI.  La collecte des données et les études de l'ETUI serviront de base à la mise en œuvre de la boîte à outils.

L'activité de coordination et de collecte soutenue par la boîte à outils respectera pleinement l'autonomie des syndicats nationaux et sectoriels, et leurs stratégies dans les négociations. Un tel exercice a pour but de renforcer de mettre en œuvre la coordination interne de la CES, en fonction des priorités exposées dans cette résolution et dans une résolution adoptée en mars 2012.

Annexe 1 - La position de la CES sur la gouvernance économique actuelle et le processus du Semestre, concernant leurs effets sur les négociations collectives et les mécanismes de fixation des salaires (Déclaration finale adoptée par le Comité de coordination de la négociation collective à l'Ecole de la CES sur les négociations collectives, Florence, les 10 et 11 juin 2013)

Annexe 2 – La boîte à outils de la CES pour la coordination de la négociation collective et des salaires dans la gouvernance économique de l'UE (Uniquement en anglais)