La stratégie de sortie européenne: stimulant budgétaire ne pourra être supprimée que lorsque le chômage aura baisse depuis suffisamment longtemps!

Bruxelles, 20/10/2009

1. Les dettes et les déficits publics élevés ont fait leur réapparition en Europe. Avec un déficit moyen qui devrait atteindre 7% du PIB[[En 2010, la dette publique devrait atteindre 84% du PIB. Source: prévisions de printemps de la Commission]] en 2010, l’Europe revient au niveau de déficit qui existait lorsque les Etats membres ont commencé à préparer leur entrée dans l’union monétaire. La majeure partie du déficit provient des stabilisateurs automatiques: une baisse importante de l’activité économique comprime les recettes fiscales vers le bas et les prestations de chômage vers le haut. Seule une petite partie (pas plus de 1% du PIB) doit être attribuée aux mesures fiscales explicites qui ont été prises afin de relancer l’activité.

2. Lors de la réunion informelle du 1er octobre, les ministres européens des Finances se sont accordés sur les principes de base d’une stratégie coordonnée destinée à sortir d’une incitation fiscale expansionniste: suppression « en temps utile » de stimulant budgétaire, consolidation structurelle à 0,5% ou plus du PIB par an, réformes structurelles sur le marché de l’emploi et investissements à long terme. Pour sa part, la Commission européenne réclame une consolidation structurelle à partir du moment où la croissance revient à la croissance potentielle (estimée à environ 1%) sans l’aide de mesures d’incitation.

3. La conséquence de ce choix politique est que le chômage reste élevé. En outre, le refus de recourir à une politique fiscale permettant de réduire le niveau de chômage se traduit par une pression accrue en faveur de la réforme des institutions du marché de l’emploi, avec pour issue probable un affaiblissement des droits des travailleurs.

4. Il faut également tenir compte du fait que la récession actuelle n’est pas une récession normale. C’est le surendettement du secteur privé, et non du secteur public, qui provoque une faiblesse structurelle de la demande globale, de la croissance et des emplois. La vraie question à traiter en ce moment n’est pas de supprimer mais de savoir comment conserver et améliorer sensiblement le stimulant budgétaire afin d’aider le secteur privé à réduire ses dettes sans causer de ralentissement prolongé de l’activité économique.

5. Pour ce faire, la CES incite vivement la Commission, le Conseil et les gouvernements nationaux à renforcer sensiblement la coopération macroéconomique européenne et à en faire un nouveau moteur de demande et de croissance pour la période à venir. Cela signifie:

Prévenir les stratégies de sortie « opportunistes ». A un moment où plusieurs gouvernements tentent déjà de mettre en place des mesures d’assainissement budgétaire, l’Europe a besoin d’urgence d’un pacte de stabilité « inversé » afin d’éviter que les pays ne se précipitent prématurément, et tous en même temps, vers une politique de sortie fiscale désastreuse.

Transformer l’incitation temporaire en incitation à « l’investissement ». Le plan de relance est trop limité[[Il ne représente que 0,6% du PIB en 2009)]] et très fragmenté ([[Une accumulation de plusieurs mesures politiques différentes, y compris une place importante accordée aux réductions d’impôts. Cependant, ces réductions d’impôts se traduiront principalement par une augmentation de l’épargne et pas par une augmentation des dépenses.]]). La CES propose dès lors de transformer les mesures de politique fiscale temporaires et fragmentées en une action européenne plus puissante: consacrer 1% par an de l’effort d’investissement du PIB dans « l’écologisation » de l’économie[[Passer à une économie pauvre en carbone, aux énergies renouvelables, aux technologies propres, à des voitures et des systèmes de transports modernes,…]], et ce pour les trois années à venir, en utilisant les instruments de niveau européen (Banque européenne d’investissement, budget européen,…).

Mobiliser la puissance financière de l’Europe et faire face à la concurrence fiscale. Il est possible de gérer une augmentation de la dette publique si le taux d’intérêt à payer est faible ou diminue. La Banque centrale européenne peut y apporter une aide substantielle en achetant des obligations d’Etat afin de faire baisser les coûts des taux d’intérêt à long terme des capacités de financement de l’Etat[[En dépit de la crise, les taux d’intérêt à long terme de la zone euro n’ont pas diminué de manière sensible par rapport aux niveaux d’avant la crise, ce qui indique que les banques ont accumulé les liquidités à bas coût qui leur ont été fournies par la banque centrale afin d’augmenter leur marge bénéficiaire.]]. En outre, l’émission conjointe d’une obligation européenne/de la zone euro augmenterait les liquidités du marché et réduirait les primes de liquidité des taux d’intérêt à payer par l’Etat. Une autre contribution importante à la durabilité des finances publiques consiste à arrêter la concurrence fiscale en Europe et à augmenter la pression fiscale sur les revenus[[Bénéfices des sociétés, paiements de taux d’intérêt, fortunes financières, taxes sur opérations financières]] qui sont très mobiles mais ont des taux de consommation peu élevés.

6. Enfin, la CES met en garde contre l’abus des « stratégies de sortie » visant à renouveler et même intensifier l’agenda de la « déréglementation structurelle » des marchés de l’emploi. Les politiques de réduction du bien-être, des salaires, des services publics, de la protection de l’emploi ont causé des inégalités importantes et croissantes. Ces politiques ont essentiellement contribué à la crise; elles ne peuvent pas nous en sortir. En particulier, la politique destinée à affaiblir les systèmes de sécurité sociale en augmentant l’âge de la retraite ou en réduisant les allocations de chômage répandra l’insécurité sociale à laquelle les travailleurs et les citoyens répondront en dépensant moins et en augmentant l’épargne de précaution. Il ne faut pas encourager une augmentation des taux d’épargne du secteur privé pendant la crise.
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