Position adoptée / Position de la CES sur les propositions de l’UE pour juguler la crise énergétique

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Position de la CES sur les propositions de l’UE pour juguler la crise énergétique

Position adoptée lors du Comité exécutif de la CES des 27-28 octobre 2022

Résumé des messages clés

  • Étant donné la nature structurelle de la crise énergétique, la CES appelle les décideurs politiques européens à entreprendre une réforme en profondeur des politiques énergétiques de l’UE, loin du dogme de la libéralisation, qui reconnait l’énergie comme un bien public et qui institue effectivement un droit à une énergie propre et abordable, avec des obligations de services publics plus fortes. La politique énergétique européenne doit favoriser une transition juste vers la neutralité carbone d’ici 2050 et contribuer à l’autonomie stratégique de l’Union.
  • La crise énergétique en cours a considérablement réduit le pouvoir d’achat des travailleurs de l’UE et n’a fait qu’accentuer la pauvreté énergétique en Europe. Elle a déjà également fortement impacté le tissu industriel européen, en particulier les secteurs énergivores. Il est grand temps que les décideurs politiques adoptent des mesures audacieuses et urgentes à la hauteur du problème. La crise énergétique européenne découle de problèmes structurels et requiert des solutions structurelles liées à l’offre et à la demande.
  • La CES estime que des mesures de réduction de la consommation de gaz et d’électricité sont absolument cruciales pour assurer la sécurité énergétique de l’UE cet hiver, atteindre les objectifs climatiques et mettre en place une autonomie stratégique ouverte pour l’UE. La réduction de la demande en énergie est nécessaire et urgente, mais ne peut être mise en place aux dépens des plus vulnérables, qui consomment déjà le minimum d’énergie possible. Une vague de rénovations socialement juste doit constituer la pierre angulaire de la stratégie européenne de réduction de la demande en énergie des foyers. Les mesures de réduction de la demande ne doivent pas non plus mettre en difficulté le tissu industriel européen. La CES s’opposerait également à des mesures de réduction de la demande qui menaceraient les emplois sans offrir de véritable compensation et protection aux travailleurs concernés.
  • Garantir la sécurité énergétique de l’UE passe également par des investissements de taille dans la production d’énergie sur son territoire et dans les infrastructures permettant de produire la quantité d’énergie propre et abordable nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par la Loi Climat tout en réduisant la dépendance du bloc aux énergie importées. Pour mettre en place tous ces changement d’une manière qui soit juste vis-à-vis des travailleurs, l’UE doit mettre en oeuvre sans attendre son plan REPowerEU et son Pacte vert en les accompagnant d’un cadre légal solide pour une transition juste. La diversification des fournisseurs et la constitution de réserves de gaz suffisantes constituent des mesures importantes pour contrer à court terme le risque de ruptures d’approvisionnement et les hausses de prix. Ces mesures ne règleront cependant pas la dépendance énergétique structurelle de l’UE.
  • La CES salue les mesures de taxation des superprofits, telles que l’application d’un plafond sur les recettes réalisées par les producteurs d’électricité « inframarginaux » ou la contribution de solidarité. Néanmoins, les syndicats souhaitent aller plus loin et augmenter les taux de taxation et les étendre à d’autres entreprises et spéculateurs qui ont engrangé des bénéfices importants sur le marché.
  • La CES appelle les responsables politiques de l’UE à adopter rapidement des mesures de plafonnement des prix du gaz. L’option d’un plafond sur le gaz importé doit être explorée. Si elle était appliquée, elle ne devrait toutefois pas mettre en péril la sécurité de l’approvisionnement énergétique. En parallèle, les États membres devraient de toute urgence se mettre d’accord sur une politique commune d’achat de gaz, sur des exigences obligatoires de réduction de la demande de gaz et sur l’intensification des pourparlers diplomatiques avec les pays fournisseurs, dans le plus grand respect des droits humains et des normes environnementales tout au long de la chaine d’approvisionnement.
  • La CES appelle les décideurs politiques européens à se mettre d’accord sur une réforme structurelle du marché de l’électricité qui assurera un investissement d’échelle dans la capacité de production additionnelle nécessaire, ainsi que dans le développement des infrastructures de transport, de stockage et de distribution d’énergie propre. Cette réforme doit en outre empêcher que le prix de l’électricité décarbonée dépende du prix des combustibles fossiles. La CES propose également de plafonner le prix du gaz dans la production d’électricité à un niveau qui aide à diminuer les prix de l’électricité et qui serait partiellement financé par les contributions prélevées sur les superprofits réalisés par certains énergéticiens.
  • Un système énergétique européen intégré est un élément clé pour gérer la crise énergétique de manière coordonnée et solidaire. Les mesures mises en œuvre doivent favoriser le développement des infrastructures énergétiques dans l’UE et éviter la fragmentation du système énergétique.

 

Contexte

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les prix du gaz, du pétrole et du charbon sont montés en flèche en Europe, ce qui a eu pour effet de faire grimper également les prix de l’énergie sur les marchés européens. Cette crise des prix de l’énergie a déjà considérablement réduit le pouvoir d’achat des citoyens européens et n’a fait qu’accroître la pauvreté énergétique, notamment dans les foyers à faibles et moyens revenus, pour qui il est devenu extrêmement difficile – voire impossible – de s’acquitter de leurs factures d’énergie. Dans le même temps, cette inflation des prix de l’énergie met en péril la viabilité de nombreuses entreprises européennes et menace donc les travailleurs, inquiets pour leurs emplois et leurs salaires.

Nous sommes maintenant arrivés à un point où les prix du gaz et de l’électricité européens sont en opposition avec les objectifs économiques et sociaux de l’Union. En parallèle, certaines entreprises du secteur de l’énergie et certains spéculateurs profitent de la crise pour engranger des bénéfices indécents. Il est grand temps que l’Union européenne agisse et protège les citoyens européens avant que cette situation ne débouche sur une crise sociale, économique et démocratique majeure. Si cette crise des prix de l’énergie touche si sévèrement l’économie européenne, c’est à cause de sa dépendance envers les importations de combustibles fossiles, de l’échec de la vague de rénovations et du sous-investissement dans la production d’énergie renouvelable dans l’UE.

Dans le but d’atténuer l’incidence des prix de l’énergie, la Commission européenne a publié, le 14 septembre 2022, une proposition de règlement du Conseil sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie. Ce paquet a été adopté par le Conseil de l’Union européenne le 30 septembre.

Quelques semaines plus tard, le 18 octobre, la Commission a proposé un paquet de mesures d’urgence sur le gaz. Cette proposition de la Commission fait toujours l’objet de discussions entre les ministres de l’Énergie et les chefs d’État.

Cette position de la CES vise à réaliser une première évaluation de ces mesures d’urgence et à formuler des recommandations concrètes pour des mesures supplémentaires afin de faire face à la crise.

Obligations de réduire la consommation de gaz et d’électricité : une mesure absolument essentielle pour la sécurité énergétique, mais pas au détriment des plus vulnérables.

Dans le cadre de son train de mesures, le Conseil s’est accordé sur un objectif de réduction volontaire de 10 % de la consommation brute d’électricité et sur un objectif de réduction obligatoire de 5 % de la consommation d’électricité pendant les heures de grande consommation. Les États membres seront libres de choisir les mesures appropriées pour atteindre ces deux objectifs.

La CES salue cette décision et rappelle que les mesures de réduction de la demande, accompagnées d’une meilleure efficacité énergétique et d’un renforcement de l’économie circulaire, sont absolument indispensables si nous voulons garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique cet hiver.

Dans le même temps, les décideurs politiques doivent s’assurer que la réduction de la demande n’affecte pas les foyers les plus vulnérables, qui consomme déjà le moins d’énergie possible. Une vague de rénovations socialement juste, sur la base de meilleures normes et réglementations doit constituer la pierre angulaire de la stratégie européenne de réduction de la demande en énergie des foyers. Ces mesures ne doivent par ailleurs pas être appliquées aux dépens du tissu industriel européen. La CES ne tolèrera pas des mesures de réduction de la demande qui menacent les emplois à long terme et ne prévoient pas de compensation et de protection adéquates des travailleurs.

Assurer la sécurité énergétique de l’UE passe aussi par des investissements majeurs dans la production d’énergie européenne, dans les infrastructures permettant de produire la quantité d’énergie propre et abordable nécessaire pour atteindre les objectifs de la Loi Climat tout en réduisant la dépendance de l’UE aux énergie importées. Pour mettre en place tous ces changement d’une manière qui soit juste vis-à-vis des travailleurs, l’UE doit mettre en oeuvre sans attendre son plan REPowerEUet son Pacte vert, en les accompagnant d’un cadre légal solide pour une transition juste. La diversification des fournisseurs et la constitution de réserves de gaz suffisantes constituent des mesures importantes pour contrer à court terme le risque de ruptures d’approvisionnement et les hausses de prix. Ces mesures ne règleront cependant pas la dépendance énergétique structurelle de l’UE.

Mesures pour taxer les superprofits : une première étape nécessaire, mais trop tardive et trop timide.

Dans le cadre de son train de mesures, le Conseil s’est mis d’accord sur un plafonnement des recettes issues du marché à 180 euros par MWh pour les producteurs d’électricité qui utilisent des technologies inframarginales pour produire de l’électricité, comme les renouvelables, le nucléaire et le lignite. Une telle mesure permettra aux États membres de récupérer la différence entre ce plafond et les recettes réelles des producteurs et de les redistribuer aux foyers et entreprises en difficulté. Cela donne aussi de la souplesse aux États membres pour maintenir ou introduire des mesures nationales afin de limiter encore davantage les superprofits, par exemple via des plafonds plus bas.

Dans le même temps, les États membres se sont mis d’accord pour mettre en place une contribution de solidarité temporaire et obligatoire sur les bénéfices des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage. Cette contribution de solidarité serait calculée sur les bénéfices imposables réalisés durant l’année fiscale débutant en 2022 et/ou 2023 qui seraient supérieurs à une augmentation de 20 % par rapport à la moyenne des recettes annuelles imposables depuis 2018. Ces profits seraient taxés à un taux d’au moins 33 %. Cette contribution de solidarité viendra s’ajouter aux impôts et prélèvements habituels en vigueur dans les États membres. Ces derniers utiliseront le produit de cette contribution de solidarité pour apporter une aide financière aux ménages et aux entreprises ainsi que pour atténuer les effets de la hausse des prix de détail de l’électricité.

Depuis longtemps, la CES appelle de ses vœux une taxe sur les superprofits réalisés par les entreprises de l’énergie qui profitent de la guerre en Ukraine et de la crise des prix de l’énergie[1]. Nous prenons bonne note des deux décisions du Conseil, à savoir plafonner les recettes des producteurs inframarginaux d’électricité et établir une contribution de solidarité sur les bénéfices excessifs réalisés par les entreprises du pétrole, du gaz et du charbon. Ces mesures restent toutefois insuffisantes et devraient aller beaucoup plus loin. Nous demandons par exemple au Conseil et aux États membres d’accroître le taux d’imposition de la contribution de solidarité d’au moins 33 % à 100 %[2]. Les superprofits sont réalisés au dépens des travailleurs et des familles qui peinent à chauffer et éclairer leurs maisons. Si la contribution de solidarité est fixé à au moins 33 %, cela signifiera que ces entreprises continuent d’engranger des bénéfices excessifs sur les 67 % restants, ce qui est immoral et injuste pour les citoyens qui voient leurs factures grimper.

Il conviendrait par ailleurs de maintenir le plafond et la contribution de solidarité aussi longtemps que dureront les inefficiences et les turbulences sur les marchés. La CES encourage la Commission à mettre en œuvre cette taxe sur les profits excessifs dès que possible et à l’étendre à d’autres entreprises et spéculateurs qui ont fait leurs choux gras de la guerre en Ukraine. La CES demande à ce que les entreprises de l’énergie soient obligées de suspendre le paiement des dividendes, au moins pour l’année 2023, comme mesure de solidarité. En outre, le cadre législatif européen devrait permettre aux gouvernements nationaux de développer ces mesures sans courir le risque qu’elles soient contestée légalement par les multinationales énergétiques.

En ce qui concerne les revenus générés par ces mesures, la CES appelle la Commission, le Conseil et les États membres à s’assurer que l’argent capté via le plafond sur les recettes des producteurs inframarginaux et la contribution solidaire mènent à des investissements publics et privés de taille pour combattre les causes structurelles de la crise énergétique en finançant des mesures de réduction de la demande, une plus grande production d’énergie décabonée et le développement d’infrastructures énergétiques. Ces revenus additionnels doivent également être utilisés pour réduire immédiatement les factures d’énergie des citoyens à revenus faibles et moyens, surtout ceux qui sont menacés de pauvreté énergétique ou sont confrontés à des contrats à taux variable. Le soutien aux entreprises en difficultés doit être conditionné à des mesures sociales et environnementales fortes.

Le système ibérique, une solution de réduction des factures énergétiques à court terme

En plus des mesures proposées par la Commission,  la CES estime que celle-ci devrait explorer l’idée d’une mesure européenne temporaire de limitation du prix du gaz utilisé pour la production d’électricité. Ce système a été appliqué dans la péninsule ibérique et montre qu’il peut rapidement limiter le prix de l’électricité. Toutefois, une généralisation de ce système nécessite une coordination au niveau européen et un mécanisme financier limitant son impact sur les finances publiques. La CES exhorte donc les décideurs politiques européens à mettre en place un cadre de plafonnement des prix du gaz dans la production électrique contribuant à la baisse des prix de l’électricité sans fragmenter le système énergétique européen et sans contrecarrer les objectifs des lois climatiques. Ce qui passerait par un mécanisme de financement partiellement basé sur les contributions liées aux superprofits de certaines entreprises énergétiques. Malheureusement,un tel système ne résoudrait pas la question des prix du gaz pour le chauffage ou pour les industries qui utilisent le gaz comme première source d’énergie ou comme matière première. La résolution de ces problèmes nécessite des mesures spécifiques discutées ci-dessous.

Des mesures concrètes de limitation des prix du gaz : une urgence

Le 18 octobre 2022, la Commission a présenté plusieurs propositions pour limiter le prix du gaz : (1) la création d’ici mars 2023 d’une nouvelle référence de prix pour le GNL, complémentaire au TTF néerlandais ; (2) en attentant, un mécanisme temporaire instaurant un prix dynamique maximal auquel les transactions de gaz naturel sur le TTF et un système temporaire de « disjoncteur » visant à limiter les fluctuations extrêmes des prix sur les marchés des dérivés au cours de la même séance de négociation ; (3) l’achat commun obligatoire de gaz, afin de mettre en commun la demande de volumes de gaz équivalant à 15 % des objectifs de stockage de gaz et (4) des règles de solidarité par défaut entre États membres en cas de déficit d’approvisionnement. Ces propositions font l’objet de discussions entre les chefs d’État et les ministres de l’Énergie.

La CES se félicite que la Commission ait enfin décidé d’agir sur la montée en flèche des prix du gaz et de soutenir les efforts de réduction de la volatilité du marché et des prix de l’énergie. Cependant, au moment de l’adoption de la présente position, de nombreuses incertitudes demeurent quant à la conception, à la mise en œuvre et aux conséquences de certaines des mesures proposées, notamment celles du prix dynamique maximal et de la nouvelle référence. La CES demande donc à la Commission de réaliser une évaluation d’impact rapide pour clarifier les effets de ces mesures.

Indépendamment de ce que propose la Commission, la CES remarque qu’une partie des États membres estime nécessaire un plafond des prix de tout le gaz importé dans le marché au comptant européen. La CES y est favorable et cette proposition devrait être explorée, mais il serait alors impératif de mener des analyses poussées pour mieux en comprendre toutes les conséquences. Les syndicats insistent sur le fait qu’un tel mécanisme, si il était adopté, devrait être conçu pour assurer la sécurité de l’approvisionnement et la libre circulation du gaz au sein de l’Europe. Si cette option était choisie, l’UE devrait ouvrir rapidement des discussions diplomatiques avec les pays fournisseurs afin d’expliquer les raisons du plafonnement et de négocier ses modalités. En parallèle, les décideurs européens devraient intensifier leurs échanges avec les producteurs de gaz importé par pipeline, plus difficilement adaptable que le GNL transporté par cargo. les producteurs de gaz devraient comprendre qu’il est aussi dans leur intérêt de vendre leur gaz à un prix abordable pour éviter une crise économique et démocratique importante en Europe.

Si un plafonnement des prix du gaz est introduit, quel que soit la conception choisie, les États membres devraient également s’engager de manière contraignante à réduire la demande en gaz davantage que les 15 % actuellement prévus. Une telle initiative contribuerait automatiquement à la baisse des prix du gaz. Sans elle, la baisse des prix du gaz pourrait engendrer une hausse de la consommation et donc un rationnement qui mettrait en danger la solidarité européenne et la sécurité énergétique.

Dans tous les cas, les États membres devraient se doter d’une politique commune d’achat du gaz de manière urgente, afin de permettre à la Commission européenne de négocier des contrats aux noms des 27 pays de l’Union. Cette politique devrait être contraignante et dépasser le minimum de 15 % de capacité de stockage proposé par la Commission. Elle permettrait alors d’éviter que les États membres ne se concurrencent les uns avec les autres sur le marché international.

Durant leurs discussions, les gouvernements ne devraient pas perdre de vue que les actions prises au niveau national ont des conséquences importantes sur les autres États membres. Une approche coordonnée au niveau européen et basée sur la coopération et la solidarité est donc plus essentielle que jamais. Sans solution commune, l’Union risque encore plus de fragmentation sur son marché et une augmentation des inégalités entre États membres.

À cet égard, il est essentiel d’éviter une concurrence injuste entre les États membres dans la subvention des prix de l’énergie pour soutenir les entreprises. En outre, la CES insiste pour que toute aide d’État accordée à une entreprise soit conditionnelle à la sauvegarde de l’emploi ou à la préparation d’une transition d’emploi à emploi via le dialogue social et la négociation collective, le respect de la loi du travail et des accords collectifs en vigueur, ainsi que la représentation syndicale. Les entreprises bénéficiant d’une aide publique devraient aussi être contraintes à suspendre le versement de dividendes, le rachat des actions et les bonus exécutifs, ainsi qu’à éviter toute forme d’évitement fiscal ou de planification fiscale abusive. Les aides d’État devraient aussi dépendre d’une réduction des émissions de GES à long terme et du développement d’accords de transition justes avec les travailleurs.

Une réforme du marché de l’énergie, libérée du dogme de la libéralisation, devient cruciale

Outre ces mesures de court terme urgentes, il est également nécessaire de revoir la manière dont fonctionne notre marché de l’énergie.

Dans le contexte actuel d’explosion des prix du gaz, le système de prix marginal mène à des prix de l’électricité excessifs pour les consommateurs européens au regard des coûts de production réels. Dans le même temps, cela crée des superprofits pour les producteurs dont les prix de production n’ont pourtant pas augmenté.

La CES appelle donc les responsables européens à découpler le mécanisme de fixation du prix de l’électricité des prix du gaz. Le système devrait être remplacé par un système de prix marginal dans lequel les prix ne sont pas établis par la production d’énergie fossile. Un système qui fixe le prix de l’électricité en fonction de la production d’énergie fossile n’est pas adapté à un monde visant la neutralité carbone et dans lequel la part des sources renouvelables augmente alors que ces dernières produisent une énergie bien moins chère. Ce mécanisme de fixation des prix est particulièrement problématique dans un contexte de prix élevés des matières premières et d’augmentation du prix du carbone. Il convient de trouver une alternative pour que les consommateurs finaux paient un prix de l'électricité qui reflète les coûts de la combinaison de production utilisée pour répondre à leur consommation.

La spéculation sur les marchés financiers contribue aussi à la volatilité et aux augmentations brutales des prix, sans nécessairement refléter l’équilibre entre les facteurs fondamentaux de l’offre et de la demande. La CES estime que des réglementations plus ambitieuses devraient encadrer ces marchés financiers et prévenir la spéculation excessive.

Plus généralement, la CES estime que la crise actuelle doit servir de sonnette d’alarme et encourager les décideurs politiques à remettre en cause la libéralisation du marché énergétique européen et à repenser son fonctionnement. Les décideurs devraient entamer une réforme profonde du marché énergétique européen, afin que l’énergie soit reconnue comme un bien commun et que l’Union se détache du dogme de la libéralisation. Ils devraient aussi revoir et améliorer la conception du marché de l’énergie, notamment en ce qui concerne la fixation des prix, mentionnée ci-dessus, les mécanismes de régulation des prix en cas d’urgence, les droits des consommateurs dans les contrats d’énergie, le droit à des contrats fixes à long terme pour plus de prévisibilité, le renforcement des obligations des services publics, la promotion des communautés d’énergie et la propriété publique le cas échéant, la création d’un droit à l’énergie et l’éradication de la pauvreté énergétique[3].

Conclusion

Si la présente position se concentre sur les politiques énergétiques, les solutions à la crise des prix de l’énergie vont bien au-delà de ce secteur. Pour garder des conditions de vie décentes, les travailleurs doivent recevoir un soutien adéquat en ces temps difficiles. À cet égard, des augmentations de salaire alignées à minima sur l’évolution de la productivité et de l’inflation, ainsi que les mesures de SURE 2.0, sont des conditions clé pour maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs. Le dialogue social et la négociation collective représentent également des outils essentiels pour garantir la justice et la solidarité durant cette crise. Pour plus d’informations sur les revendications de la CES, consultez notre campagne « Mettre fin à la crise du coût de la vie : Augmentez les salaires, taxez les bénéfices ! ».

 


[1] De manière plus globale, la CES réclame une taxe sur les superprofits réalisés par les entreprises ayant bénéficié de la pandémie et un impôt sur la fortune. Un droit de la concurrence plus efficace permettrait également d'éviter l'apparition même des hausses de prix injustifiées.

[2] Il serait également possible d’imaginer un système dans lequel le taux de taxation pourrait être réduit pour les entreprises qui utilisent ces superprofits pour investir dans la décarbonation de leurs activités en Europe et partagent ces bénéfices avec leurs travailleurs.

[3] Pour plus d’informations, voire la Résolution « Recommandations de la CES à la lumière de la crise des prix de l’énergie » adoptée le 22 juin 2022.