Position CES sur les conditions minimales pour la participation financière des salariés (EFP)

Bruxelles, 06/03/2013

Introduction

Les débats, les études et les recommandations du Parlement européen (1) et de la Commission européenne sur la participation financière des salariés (EFP - de l'anglais Employee Financial Participation) suggèrent que le court-termisme en ce qui concerne la valeur de l’actionnariat pourrait être évité en permettant aux salariés un accès plus facile aux plans de partage de bénéfices ou bien de l’actionnariat salarial. Un élément de référence est le rapport du Comité économique et social européen basé à Bruxelles (CESE), élaboré par A. Graf von Schwerin (octobre 2010) (2). Ce rapport souligne que l'EFP apporte des avantages aux entreprises (augmentation de la productivité et donc de la compétitivité, meilleure notation de crédit, avenir sûr pour l’entreprise, etc.) comme aux employés (bénéfice provenant d’une rémunération supplémentaire, renforcement du capital d’investissement comme ressource supplémentaire à long terme, participation accrue et mot à dire dans la stratégie de l’entreprise axée sur l’avenir, meilleure sécurité de l’emploi, approche conjointe en matière de restructuration, etc.). Des questions qui restent ouvertes sont la transférabilité, la taxation et la participation des employés au sens d’une plus grande implication des travailleurs. Une attention particulière doit etre apportée aux risques que présentent de tels systèmes pour les avantages des travailleurs qui y participent, puisque des pertes assez importantes sont possibles.

Un autre élément de référence, récemment publié, est la Communication de la Commission du 12 décembre 2012, intitulée “Plan d’action : Droit européen des sociétés et gouvernance d’entreprise – un cadre juridique moderne pour une plus grande implication des actionnaires et une meilleure viabilité des entreprises” (3). Dans ce texte, la Commission explique brièvement ses intentions en matière de EFP. Elle estime notamment que l’intérêt des employés à la viabilité de leur société est un élément qui s’inscrit dans tout cadre de gouvernance se voulant performant. La Commission estime aussi que l’actionnariat salarié pourrait jouer un rôle important. La Commission a l’intention d’analyser cette question plus en détail, d’identifier et d’étudier les obstacles potentiels aux systèmes d’actionnariat salarié transnationaux et de prendre ensuite toutes les mesures propres à encourager l’actionnariat des salariés. La Commission lancera un appel pour un projet promouvant la participation financière des salariés dans les entreprises européennes.

L’Europe est confrontée à la crise de la dette la plus importante à ce jour, due en grande partie au sauvetage des banques. La CES réitère donc sa conviction que les marchés financiers ont besoin d’une réglementation plus stricte. Les problèmes les plus urgents à l’heure actuelle sont le fort taux de chômage (en particulier chez les jeunes), le ralentissement de l’économie, les conséquences négatives de l’austérité et des programmes actuels de consolidation, la réforme des marchés du travail, l’ordre du jour en matière de flexibilité, etc. Les systèmes de EFP font l’objet d’une approche diversifiée et occupent des positions différentes à l’agenda des syndicats en Europe. En cas de crise, une approche conjointe de la part de la direction et des travailleurs comme l'EFP pourrait agir comme un outil pour stabiliser une entreprise et pour assurer la participation des salariés à long terme dans la reprise de celle-ci.

Compte tenu de ces différents débats européens, le groupe de travail de la CES sur la participation des travailleurs a étudié la question et proposé de réitérer le point de vue commun que les syndicats ont développé voici 10 ans et d’actualiser cette position le cas échéant. La mise à jour de la position sur les principes de base qui suivent repose sur la position de la CES en matière de participation financière, énoncée dans une résolution adoptée par le Comité Exécutif de la CES les 19 et 20 novembre 2002 (4).

Principes communs

La CES souligne que les partenaires sociaux et les Etats membres ont un rôle clé à jouer. Dans les Etats membres, il existe plusieurs formes de participation financière des salariés en fonction du contexte national et du régime de relations entre employeurs et employés. Les attitudes et les préférences des employés sont également diverses. La CES rappelle qu’elle place les négociations salariales en tête de l’agenda, de même que des revenus sûrs et transparents pour les travailleurs. La CES ne peut souscrire à la participation financière des salariés que si certaines conditions préalables sont respectées :

a) L'EFP doit s’inscrire dans un système d’implication des travailleurs à tous les niveaux. Un élément ne doit pas entrer en concurrence avec d’autres ou les supplanter (voire s’y substituer). Il faut qu’il y ait des complémentarités entre les différents modèles de participation comme dans le triangle d’information, de consultation et de participation, chacun étant bénéfique au bon fonctionnement de la gouvernance de l’entreprise. Les régimes devraient inclure la possibilité, dans les pays dans lesquels ces systèmes existent, de prévoir la participation effective des représentants des employés dans les processus décisionnels de l’entreprise, de préférence sous la forme de sièges au conseil d’administration, dans les pays où ces systèmes existent déjà.

b) L'EFP devrait toujours fournir des revenus supplémentaires et ne servir en aucun cas de substitut à un salaire équitable. Dans le même esprit, la participation financière ne peut se substituer aux retraites publiques ou aux régimes de retraite établis par une convention collective. De plus, les effets négatifs qu’aurait le statut fiscal et parafiscal de la participation financière sur le financement des régimes de sécurité sociale nationaux doivent être compensés. Les employés ont le droit d’avoir une part équitable des résultats de l’entreprise et les revenus des travailleurs doivent représenter une part équitable des revenus nationaux. Toutefois, la tendance va plutôt en sens inverse : l’indicateur classique de l’inégalité des revenus, à savoir le coefficient de Gini, est en augmentation dans la plupart des pays de l’OCDE au cours de ces dernières années (5). La participation financière des salariés ne doit en aucun cas aggraver les inégalités de revenus à l'intérieur d'une entreprise ou dans la société en général.

c) L'EFP doit concerner tous les travailleurs de l’entreprise, y compris les travailleurs à temps partiel.

d) L’introduction et la conception de cette participation financière doivent faire l’objet d’une consultation et d’un accord préalable avec les représentants des travailleurs et les syndicats. Les modalités de participation doivent être mises en place au moyen de négociations entre les partenaires sociaux et son cadre doit être établi par des conventions collectives. Les fonds collectifs de placement sont une forme d'EFP qui est plus sûre que les autres. Un fonds est moins vulnérable en cas d’insolvabilité. Des dispositions en matière d’insolvabilité doivent être établies.

e) L’actionnariat salarié collectif au sein d’un trust - là où il existe - est préférable à l’actionnariat individuel des salariés car il renforce la voix des travailleurs au sein de l’entreprise. Les actions doivent être attribuées de façon équitable afin d’éviter de renforcer les écarts de rémunération existants. Cette distribution ne doit pas dépendre de la capacité des travailleurs à acheter des actions, car ceci renforcerait précisément les écarts de rémunération.

f) Une attention particulière doit être consacrée à son influence sur l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ce n’est que si ces conditions sont remplies que l'EFP peut avoir un effet positif.