Bruxelles, 31/01/2009
Introduction
Le 20 octobre 2006, la Commission européenne a lancé une consultation en deux étapes des Partenaires sociaux européens sur la question de la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale.
La CES s’est largement exprimée à ce sujet (voir la Position de la CES lors de la première phase de consultation et la Position de la CES lors de la seconde phase de consultation, ou voir le résumé de la réponse de la CES lors de la seconde phase de consultation en Annexe (seulement en anglais)).
En ce qui concerne l'actualisation du cadre réglementaire, la Commission a fortement encouragé les partenaires sociaux à entamer le processus de négociation sur la base des propositions présentées dans le document de consultation en matière de :
• la mise en œuvre de nouveaux types de congés : congé paternité, congé pour s’occuper de membres de la famille à charge, congé d’adoption ;
• l’amélioration de la protection de la maternité (Directive 92/85/CEE sur les Travailleuses enceintes) dans trois domaines : durée du congé, niveau de rémunération, protection des femmes à leur retour du congé maternité ;
et dans le cas contraire, à présenter un avis ou une recommandation concernant les objectifs et le contenu de ces propositions.
De plus, la Commission a considéré que des améliorations aux dispositions communautaires en matière de congé parental pouvaient être étudiées afin de mieux remplir les objectifs de la Directive 96/34/CE concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE (maintenant BUSINESSEUROPE), le CEEP et la CES, basée sur l’accord-cadre des Partenaires sociaux européens.
En ce qui concerne la proposition de révision de la Directive sur les Travailleuses enceintes (92/85/CEE), la CES a salué le soutien de la Commission concernant la nécessité de réviser et d'améliorer cette Directive. La Commission note trois domaines dans lesquels des améliorations devraient être apportées : la durée du congé, le niveau de rémunération et la protection des femmes à leur retour de congé.
La CES convient de la nécessité de renforcer cette directive dans ces domaines et a expressément demandé des garanties plus solides quant aux paiements lors du congé maternité (qui doivent assurer la pleine protection du salaire par la sécurité sociale ou par le biais d’un financement solidaire) afin de s’assurer que les femmes et leurs familles peuvent se permettre d’avoir des enfants et ne sont pas "pénalisées".
Toutefois, la CES a aussi attiré l’attention sur la nécessité de renforcer la partie santé et sécurité de la Directive, notamment en termes de prévention et d'évaluation des risques et la nécessité de renforcer le droit à des installations d'allaitement. Il est tout aussi important d'étendre cette protection à l'ensemble des travailleurs disposant de formes atypiques de contrat de travail ce qui inclut les travailleurs domestiques.
De plus, la CES a aussi attiré l’attention sur la nécessité de conformer la Directive de l’UE à la Convention 103 de l’OIT (Convention sur la protection de la maternité) révisée en 2000 et les Recommandations liées (Recommandations 191 de l’OIT) conformément à l’appel émis en 2000 par le Parlement européen en faveur d’une amélioration de cette Directive (Rapport et Résolution du PE concernant la transposition de la Directive du Conseil 92/85/CEE, rapporteur Elisa Maria Dami?o, 30 mai 2000, A5-0155/2000). Il serait particulièrement opportun d’adapter et d’actualiser la Directive sur les Travailleuses enceintes afin de garantir au minimum un niveau de protection égal à celui conféré par la Convention 103 de l’OIT.
Parallèlement, les Partenaires sociaux européens ont commencé à travailler ensemble à la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale en envoyant une lettre conjointe sur les services de garde d’enfants (voir Lettre conjointe des partenaires sociaux européens au Commissaire Spidla sur les services de garde d’enfants du 7 juillet 2008), et ont entamé des négociations concernant la révision de leur accord sur le congé parental transposé dans la Directive 96/34/CE. Toutefois, ils ont renoncé à une action conjointe sur le thème de la protection de la maternité et la révision de la Directive sur les Travailleuses enceintes.
En octobre 2008, la Commission européenne a élaboré une proposition de révision de la Directive sur les Travailleuses enceintes qui est actuellement débattue au sein du Parlement européen.
Commentaires généraux
1. La CES souhaite avant tout souligner la nécessité absolue d’une cohérence politique en matière de conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale et la nécessité de reconnaître ses liens étroits avec la protection de la santé et de la sécurité des travailleuses enceintes et de leur enfant né ou à naître.
Dans le contexte des changements démographiques et de la féminisation du marché du travail, sont à nécessaires à la fois un taux de natalité plus élevé et plus durable et une participation accrue des femmes au marché du travail. Dans cette situation, la protection de la santé et de la sécurité des femmes et des enfants, ainsi que de la santé génésique des hommes et des femmes sont de la plus haute importance.
Une protection adaptée des travailleuses (enceintes) et de leur enfant né ou à naître devrait faire partie intégrante d’une plus large gamme de mesures.
2. Celles-ci impliquent tout d’abord des mesures permettant aux travailleurs (hommes et femmes) d’avoir le nombre d’enfants souhaité, dans des conditions (de travail) qui n’influencent pas leur santé génésique, protégeant la santé et la sécurité de la mère et/ou de l'enfant (à naître ou nouveau-né) durant la grossesse, permettant à la mère de se remettre de l’accouchement et à l'enfant de bien débuter sa vie (physiquement et psychologiquement) et aux parents (père et mère) de créer des liens avec leur enfant dès le début.
3. Tous ces éléments ne sont pas encore reconnus ou réglementés de manière adéquate au niveau national ou communautaire. Un domaine qui n’a pas fait l’objet d’une attention suffisante jusqu’à présent est celui de la santé et des risques génésiques à la fois des hommes et des femmes. La CES demande au Parlement européen d’inclure dans son rapport une invitation pressante à la Commission européenne de prendre plus sérieusement en considération dans sa politique les risques génésiques, en particulier en ce qui concerne la prévention des dangers chimiques.
Ceci est aussi important dans le domaine de l’égalité entre hommes et femmes : des mesures générales de prévention axées sur la salubrité et la sécurité des lieux de travail pour les hommes et les femmes sont davantage propices à l’égalité des sexes que des mesures spécifiques visant les femmes (enceintes). Des mesures aussi spécifiques devraient être limitées à des situations intrinsèquement liées à la situation des travailleuses enceintes et de leur enfant à naître.
4. Un autre élément qui, jusqu’à présent, n’a pas fait l’objet de suffisamment d’attention, est la reconnaissance du fait qu’une répartition plus égale des tâches entre les hommes et les femmes en matière d’’éducation des enfants implique nécessairement la possibilité pour le père de créer des liens avec son enfant dès le plus jeune âge.
Par conséquent, il est nécessaire d’introduire des congés spécifiques et autres possibilités, tels que le congé de paternité. Cette possibilité, et la nécessité d’une répartition plus équitable des responsabilités parentales, qui doivent être traitées grâce à de meilleures opportunités de congé parental, de services de garde d’enfants et de flexibilité de l’emploi, ne doit pas être confondue avec le besoin permanent de protection des femmes et de leur enfant né ou à naître, quand elles sont enceintes ou accouchent, en termes de protection de la santé et de la sécurité et de congé maternité.
Les propositions de la Commission
5. La directive actuelle sur les travailleuses enceintes se fonde sur la base juridique de la santé et de la sécurité. Cependant, il est de plus en plus généralement admis que des mesures d’hygiène et de sécurité pour les travailleuses enceintes ne doivent pas influencer de manière négative le travail et les possibilités de carrière des femmes, et devraient favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est une des raisons pour lesquelles il serait logique d’étendre la base juridique de la directive à l’égalité de traitement.
6. L’extension de la base juridique, permettrait également, selon nous, d’inclure dans la directive sur les femmes travailleuses des dispositions concernant le congé paternité (à savoir le court congé pris par un père/partenaire au moment de la naissance d’un enfant) et le congé d'adoption (à savoir le congé pris par des parents adoptifs afin de permettre aux parents et aux enfants de créer des liens familiaux).
7. La CES se prononce en faveur de l’amélioration de la directive sur les travailleuses enceintes dans les domaines proposés par la Commission, c’est-à-dire la durée, la rémunération et la protection de l’emploi. Déjà en 2000, nous avons fait valoir, avec le Parlement européen, que la directive sur ces questions devait se conformer à la convention de l'OIT sur la protection de la maternité (183) et les recommandations de l’OIT sur cette question (191).
8. Pour la CES, la protection de la maternité et le congé de maternité doivent être clairement différenciés des congés et autres dispositions pour les parents en matière de garde. À notre avis, une extension du congé à dix-huit semaines peut être défendue, sur la base de recherches et d’expériences dans les États membres, comme étant nécessaire pour un rétablissement physique correct de la femme. Dans des cas spécifiques (enfant prématuré ou malade, naissances multiples, etc.), un congé plus long peut être nécessaire et les propositions de la Commission sont par conséquent appropriées.
La nécessité d’un congé maternité d’une durée suffisante ne doit pas être confondue avec la nécessité d’offrir à l’autre parent (père/partenaire) la possibilité de créer des liens avec le nouveau-né (de préférence en offrant un congé paternité au moment de la naissance de l’enfant) et la possibilité pour les deux parents de répartir les responsabilités liées à leur enfant par la suite (par le biais d’un congé parental et de dispositions flexibles en matière d’emploi). Nous sommes donc fermement opposés à la suggestion du fait que la durée minimale d’un congé maternité s’appliquant aux femmes enceintes, fixée au niveau de l’UE, soit réduite à la faveur d’un transfert d’une partie de ce congé aux pères.
9. La proposition prévoyant un congé d’au moins six semaines après l’accouchement est en conformité avec la convention 183 de l’OIT (déjà ratifiée par neuf États membres de l’UE alors que cinq autres États membres ont ratifié la précédente convention 103 contenant une disposition analogue).
10. En ce qui concerne la rémunération du congé, il est évident que toute rémunération inférieure au salaire normal de la femme a un effet préjudiciable sur celle-ci et la « pénalise » pour son rôle biologique de mère, non seulement quand elle a des enfants mais aussi à long terme (influence sur la sécurité sociale et les droits à la retraite, etc.). À une époque où l’Europe a plus que jamais intérêt à maintenir ou à voir augmenter son taux de natalité adéquat ainsi qu’une participation croissante des femmes au marché du travail, il est de la plus grande importance de protéger les revenus et la sécurité de l’emploi des femmes enceintes et des jeunes mères afin de garantir un avenir pérenne. La CES salue donc la proposition de la Commission visant à garantir une protection de la rémunération pendant le congé maternité au niveau de la totalité du salaire.
11. Par conséquent, il est aussi nécessaire d’étendre la protection de l’emploi suivant la réintégration d poste, y compris une garantie accrue de retrouver le même emploi ou un emploi équivalent, tel que cela a été proposé par la Commission européenne.
12. La CES reconnaît l’importance d’accorder aux femmes le droit de demander des aménagements des horaires et des modèles de travail pour leur permettre d’adapter l’organisation du travail à leurs besoins lors de leur retour du congé de maternité.
Toutefois, nous préférerions étendre ce droit à tous les parents de jeunes enfants dans le but de promouvoir un partage plus égal entre l’homme et la femme des tâches relatives à leur éducation. Une extension de la base juridique rendrait ceci possible.
Lacunes
13. La CES souhaite attirer l’attention toute particulière sur l’excellent rapport rédigé en 2000 par le Parlement européen mentionné ci-dessus (rapporteur Elisa Maria Damião) concernant l’application de la Directive sur les Travailleuses enceintes, dans lequel la Commission a été invitée à prendre des mesures sur plusieurs questions importantes.
14. Une question qui doit être abordée lors du réexamen est celle de l’allaitement. La convention 183 de l’OIT contient des dispositions très claires à ce sujet (Article 10 : La femme a droit à une ou plusieurs pauses quotidiennes ou à une réduction journalière de la durée de travail pour allaiter son enfant, déterminées par la législation et la pratique nationales, et ces pauses doivent être comptées comme temps de travail et rémunérées en conséquence.) Il n’est plus acceptable que la directive de l’UE garde le silence sur ce sujet.
15. Une autre question importante, qui doit être traitée d’urgence, est celle de l’exclusion générale des employés domestiques de toutes les directives de santé et de sécurité en vertu de l’article 3a) de la Directive cadre 89/391, qui a pour effet de les exclure de toute forme de protection de la maternité ! Cela ne peut plus être accepté. 90 pour cent des employés de maison sont des femmes. Déjà le 30 novembre 2000, le Parlement européen a adopté une Résolution sur la normalisation du travail domestique dans l'économie informelle (rapporteur Miet Smet) incluant, entre autres, un plaidoyer pour que le travail domestique entre dans le cadre du droit du travail et des conventions collectives.
La convention 183 de l’OIT couvre explicitement toutes les travailleuses, même celles exerçant un travail dépendant atypique (Article 2).
16. Une question essentielle, qui n’est pas abordée dans cette révision, est tout l’aspect de la protection de la santé et de la sécurité de la directive. La CES a exprimé, à plusieurs reprises, son mécontentement face au refus de la Commission de tirer parti de la révision de la directive pour également améliorer les principales dispositions de la directive sur la santé et la sécurité. Déjà en 2000, le Parlement européen a donné des indications claires sur les améliorations nécessaires.
17. L’évaluation des risques joue un rôle central dans la directive, mais celle-ci ne prescrit aucune mesure de prévention spécifique. Il existe au moins 3 problèmes en en matière de mesures de prévention.
• Un problème majeur est qu’il n’y a aucune obligation claire d’évaluer les risques pour la reproduction d’une manière plus générale, mais seulement une obligation d’évaluer les risques lorsque la femme est déclarée enceinte.
Les données disponibles montrent que l’employeur est généralement averti de la grossesse entre la 7ème et la 10ème semaine, mais les plus grands risques de malformations du fœtus se situent entre la 3ème et la 8ème semaine après la conception. En outre, le risque de fausse couche est plus élevé au cours des premières semaines de grossesse. Cela signifie que, dans la plupart des cas, les mesures sont prises trop tard après la notification à l'employeur.
• La directive exige que les employeurs adoptent des mesures préventives sur la base de l’évaluation des risques, mais il n’existe aucune obligation suffisante de respecter la hiérarchie des actions, à savoir tout d’abord essayer d’éliminer le risque et seulement en dernier lieu écarter la femme du lieu de travail en la mettant en congé.
• Contrairement aux autres directives sur la santé et la sécurité, la directive sur les travailleuses enceintes ne prévoit pas que les organes de représentation des travailleurs soient consultés en ce qui concerne les mesures préventives. Ce point a également fait l’objet de critiques de la part du Parlement européen en 2000.
Cette lacune s’ajoute à la tendance à traiter la protection des travailleuses enceintes comme s’il s’agissait d’une disposition en faveur de personnes en situation anormale plutôt qu’une question de santé et de sécurité collective concernant tous les lieux de travail.
18. Cette directive a été adoptée en 1992 en tant que compromis provisoire. La Commission devait proposer un projet de modification en octobre 1997 sans pour autant le faire. En juillet 2000, le Parlement européen a effectué une évaluation critique de la mise en œuvre de la directive et a voté sa révision afin de l'améliorer. Il a réitéré sa demande en janvier 2008. À présent, la Commission a présenté une proposition de révision en se concentrant sur les questions relatives à la durée du congé, sa rémunération et la protection de l’emploi, indiquant que cette révision est placée dans le contexte d’un « paquet de conciliation ».
Pour la CES, cet argument n'est pas acceptable. La protection de la santé et de la sécurité est une condition préalable importante pour la conciliation entre le travail et la vie de famille. Nous demandons par conséquent au Parlement européen de proposer des modifications valables dans ces domaines.
19. En outré, il est urgent de placer la protection des mères et de leurs enfants (nés ou à naître) dans le contexte d’une approche préventive plus générale et plus efficace. : des règles et des réglementation sur la protection de la maternité devraient être limitées aux conditions spécifiques à la situation de la femme enceinte et aux femmes venant d’accoucher et aux possibles effets sur leurs enfants et adopter une politique générale plus stricte sur la prévention des dangers chimiques et autres applicable à tous les travailleurs. La priorité doit aller à l’élimination et au remplacement des substances qui sont dangereuses pour la reproduction de la femme et de l’homme. Là où l’élimination de ces risques n'est pas techniquement possible, des mesures de contrôle efficaces devraient être adoptées afin de prévenir ou limiter les expositions.
La réelle nécessité est de promouvoir une réorganisation de la production qui protègera la santé de la femme et de l’homme ainsi que de leurs enfants. Nous demandons au Parlement européen de promouvoir une telle approche.
La position de la CES en format PDF
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