Position de la CES sur les revendications clés pour construire une transition juste et stimuler l’action climatique après les élections européennes
Adoptée au Comité Exécutif du 24 avril 2019
Contexte général
L’accord de Paris fixe un objectif clair pour l’action climatique internationale : maintenir l’augmentation de la température bien en dessous de 2 °C et poursuivre les efforts pour la maintenir sous les 1,5 °C (les niveaux préindustriels étant la référence). Les gouvernements se sont également engagés à atteindre un équilibre entre les sources d’émission et l’absorption dans la seconde moitié de ce siècle, et à rendre les flux financiers compatibles avec la voie d’un développement à faibles émissions.
Le rapport du GIEC relatif à l’objectif de 1,5 °C, publié le 6 octobre 2018, a notamment confirmé que la différence était énorme entre les scénarios à 1,5 et 2 °C, en ce qui concerne les conséquences du réchauffement climatique. Limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C réduirait les effets sur l’élévation du niveau de la mer, les écosystèmes et leurs services à l’homme (agriculture, sylviculture, pêche), mais aussi sur la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique. Ce rapport clarifie également la trajectoire des émissions en fonction d’un scénario de 1,5 °C : « les émissions mondiales anthropiques nettes de CO2 doivent atteindre un zéro net vers 2050 (contre 2075 dans un scénario d’émissions à 2 °C) ».
L’UE a adopté des objectifs climatiques et énergétiques pour 2020, 2030 et 2050. Les objectifs de 2020 (- 20 % d’émissions de gaz à effet de serre [GES] par rapport à 1990, 20 % d’énergies renouvelables [ER] et 20 % d’efficacité énergétique [EE]) seront atteints, malgré des difficultés pour certains secteurs et certains États membres. Pour 2030, les objectifs initialement adoptés (au moins 40 % pour les GES, 27 % pour les ER, 27 % pour l’EE), ont été révisés à la hausse, au moins partiellement, dans le contexte du paquet Énergie propre pour tous, puisque l’objectif des ER est désormais de 32 % et celui de l’EE de 32,5 %. En ce qui concerne 2050, s’appuyant sur la “Feuille de route de l’UE pour aller vers une économie compétitive et à faible intensité de carbone d’ici 2050”, la Commission européenne a récemment publié sa communication “Une planète propre pour tous” : une vision stratégique européenne à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et climatiquement neutre » qui « esquisse une vision des transformations économiques et sociétales nécessaires, impliquant tous les secteurs de l’économie et de la société, pour réaliser la transition vers zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 ».
Les objectifs de l’accord de Paris en matière de température, les connaissances scientifiques rendues disponibles par de récentes publications, ainsi que les mobilisations des citoyens et des jeunes pour le climat invitent à revoir l’action climatique actuelle au sein de l’UE afin de la rendre plus ambitieuse tout en ne laissant personne de côté. Quelques semaines avant les prochaines élections européennes, l’objectif de ce document est de définir les principaux messages de la CES à la prochaine Commission et au prochain Parlement européen, en gardant à l’esprit que, conformément à l’accord de Paris, les pays doivent soumettre une nouvelle version ou une version révisée de leur contribution nationale d’ici 2020. Ces messages clés sont les suivants :
- L’UE doit fixer des jalons crédibles en vue d’atteindre zéro émission nette en 2050 et créer les conditions sociales et économiques pour parvenir à cet objectif ;
- L’UE doit faire preuve d’un leadership fort pour construire un régime climatique mondial juste et solide ;
- L’UE doit déployer des technologies de rupture bas carbones et durables ainsi que réformer ses politiques forestières et agricoles ;
- L’UE doit mettre en place un pacte financier sur le climat pour stimuler l’action climatique ;
- L’UE doit garantir une transition juste et le droit à l’énergie
Jalons crédibles vers zéro émission nette en 2050 et les conditions pour y parvenir
En juin 2018, la CES a adopté une position dans laquelle elle soutient l’objectif d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050. Même si cet objectif nécessiterait d’autres discussions techniques pour clarifier sa nature, il montre clairement qu’une décarbonation complète et profonde de l’économie de l’UE doit être réalisée en trois décennies. L’objectif actuel de réduction des émissions de GES d’au moins 40 % fixé pour 2030 semble être en deçà du niveau d’ambition nécessaire pour atteindre l’objectif du milieu du siècle de zéro émission nette. Dans sa communication « Une planète propre pour tous », la Commission européenne reconnaît elle-même que « les politiques mises en place aujourd’hui auront un impact continu après 2030 et contribueront à parcourir une part importante du chemin, avec des réductions d’émissions prévues d’environ 60 % d’ici 2050. Ce n’est toutefois pas suffisant pour que l’UE contribue à la réalisation des objectifs de température prévus par l’accord de Paris ».
Plusieurs États membres et le Parlement européen ont poussé l’UE à relever son objectif pour 2030 à -55 % afin de mieux aligner l’action climatique de l’UE au cours de la prochaine décennie sur les objectifs de température de l’accord de Paris. La CES souligne l’importance de discuter en même temps des objectifs de réduction des émissions et des conditions concrètes, sociales et économiques, pour les atteindre. L’investissement, l’innovation et le déploiement des technologies, la diversification économique durable et la politique industrielle sont des facteurs clés de la transition à faible intensité de carbone, sans lesquels le débat sur les objectifs n’a pas de sens. De la même manière, il est nécessaire d’assurer une transition juste pour les travailleurs et les communautés, tout en évitant à tout prix tout impact négatif sur la répartition des revenus, pour assurer l’acceptation du public. La désindustrialisation de l’Europe par les fuites de carbone ne peut pas non plus être acceptée. Les industries doivent être transformées par l’innovation et l’investissement, mais ne doivent pas disparaître de l’UE. Les licenciements collectifs et les perturbations sociales doivent être évités. Sur ces bases, la CES soutient la demande d’une augmentation des ambitions climatiques de l’UE et invite l’UE à présenter en 2020 une contribution (NDC) avec des objectifs pour 2030 et 2040 basés sur les connaissances scientifiques les plus récentes et plus cohérents avec ses engagements internationaux tels que définis dans l’accord de Paris. L’objectif d’atteindre 55 % de réduction des émissions d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990, permettrait de mieux aligner l’ambition de l’UE pour la prochaine décennie sur le sentiment d’urgence qui sous-tend l’objectif 2050 et le rapport du GIEC à 1,5 °C. La CES est fermement convaincue que les conditions susmentionnées, y compris les principes de transition juste, ainsi que ce niveau d’ambition revu à la hausse, devraient guider l’action de l’UE pour le climat au-delà des prochaines élections, tout en se rappelant qu’atteindre ces objectifs représente un défi important pour de nombreux travailleurs.
Un leadership fort de l’UE au niveau international
Gardant à l’esprit que l’UE représente 10 % des émissions mondiales actuelles, l’UE devrait continuer à faire pression sur les autres grandes économies pour qu’elles renforcent leurs engagements, mais aussi pour qu’elles alignent leurs choix de politique énergétique interne sur leurs engagements. Sur la base de la transparence accrue découlant de la gouvernance de l’accord de Paris, et dans le respect du principe des « responsabilités communes mais différenciées », l’UE devrait explorer les moyens juridiques et politiques permettant de lutter contre les décisions des pays tiers qui ne sont pas compatibles avec les objectifs de l’accord de Paris.
De la même manière, la politique commerciale de l’UE doit effectivement faciliter la transition durable vers zéro émission nette d’ici 2050. Les accords commerciaux devraient éviter d’encourager le commerce de sources d’énergie qui ne sont pas conformes aux objectifs des accords de Paris et notamment l’importation de combustibles fossiles ou de biomasse non durable. Les accords commerciaux doivent également faciliter le déploiement des solutions technologiques à faible émission de carbone tout en respectant les droits de propriété intellectuelle, le principe de précaution et les objectifs du développement durable.
La décarbonation complète de l’économie de l’UE ne sera pas viable si les partenaires commerciaux n’évoluent pas au même rythme. Les syndicats et les travailleurs qu’ils représentent n’accepteront pas de recourir à la délocalisation des activités manufacturières pour décarboner l’économie. Remplacer des biens manufacturés nationaux par des biens importés d’économies où la tarification du carbone est faible ou inexistante aurait des conséquences économiques et sociales majeures et générerait des avantages environnementaux douteux. L’élaboration de systèmes similaires de tarification du carbone parmi les partenaires commerciaux doit être une priorité lors de la mise en œuvre des accords commerciaux mais, jusqu’à ce qu’une tarification uniforme du carbone existe, les partenaires commerciaux devraient être autorisés à utiliser des mécanismes d’ajustement des frontières, basés sur l’analyse du cycle de vie de l’empreinte carbone des biens manufacturés importés, et respectant les règles de l’OMC.
Un objectif de zéro émission nécessite également la décarbonation des transports internationaux et nationaux. Entre 1990 et 2010, le volume des échanges de marchandises a triplé. Les statistiques montrent également une corrélation parfaite entre le commerce de marchandises et le transport international. En d’autres termes, plus de commerce international signifie plus de transport international et nous savons que l’aviation et le transport maritime sont les principaux émetteurs de CO2. Un rapport récent de l’OCDE montre que le transport international de marchandises est responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2 et que ces émissions devraient être multipliées par près de quatre d’ici 2050. Une telle augmentation compromettrait bien entendu de manière dramatique les objectifs climatiques. Par conséquent, pour être compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris, le commerce exige un système de transport international bas carbone. Les initiatives existantes au niveau international semblent beaucoup trop faibles pour atteindre cet objectif dans les contraintes de temps auxquelles nous devons faire face. La CES attend de l’UE qu’elle renforce son action au sein de l’UE et au niveau multilatéral pour une organisation comme l’OACI et l’OMI, afin de décarboniser le système de transport international.
L’UE doit asseoir son leadership mondial sur le respect de ses engagements en termes de réduction de ses émissions et de son empreinte carbone, ainsi qu’en termes de soutien financier et technologique à l’action climatique dans les pays en développement. Cela doit aller de pair avec une politique de développement durable, fondée sur la solidarité et la collaboration, notamment avec les pays africains, pour construire une justice sociale et économique mondiale et de ce fait combattre l’effet d’accroissement que le changement climatique devrait exercer sur les migrations.
Technologies à faible émission de carbone, sylviculture et agriculture
Pour atteindre zéro émission nette d’ici 2050, il faudra mettre en œuvre rapidement un large éventail de solutions. La diminution des combustibles fossiles, le passage aux énergies renouvelables et les économies d’énergie devraient être le principal moteur de la transition vers une économie à faible intensité de carbone. Cependant, l’utilisation de technologies d’élimination du dioxyde de carbone (CDR), qui éliminent le CO2 de l’atmosphère ou des processus industriels pour le stocker de façon permanente, semble inévitable dans les voies d’émission correspondant à la trajectoire de 1,5 °C. Le spectre des activités couvertes est large : la sylviculture durable, la gestion des sols, le captage et le stockage et l’utilisation du carbone (CCUS), ou même la géo-ingénierie.
La CES ne s’oppose pas à l’utilisation de certaines solutions de CDR, mais en dernier recours pour compléter ce que la sortie des énergies carbonées, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique peuvent réaliser. Les solutions de CDR déployées doivent assurer la sécurité du stockage du CO2, respecter le principe de précaution et être strictement conformes aux normes les plus élevées en matière de santé, de sécurité et d’environnement ainsi qu’aux OMD de l’ONU. De ce point de vue, la CES s’oppose fermement à toute forme de géo-ingénierie. La CDR doit également être sélectionnée en toute transparence, avec la participation démocratique des communautés concernées et dans le plein respect du droit communautaire et international et notamment de la convention d’Aarhus. La CDR ne peut en aucun cas servir de leurre pour retarder les actions de transformation nécessaires pour parvenir à une économie faible en carbone.
La sylviculture durable doit être la priorité absolue en termes d’élimination du CO2 de l’atmosphère. L’UE devrait se fixer un objectif ambitieux de restaurer ses forêts d’ici 2050 et mettre un terme aux politiques qui sont les moteurs de la déforestation. La politique forestière doit respecter pleinement les OMD de l’ONU, en particulier les objectifs 1, 8, 12, 15. La promotion de la biomasse ne peut en aucun cas se faire au détriment des droits des personnes ou contribuer à exacerber les inégalités. La PAC de l’UE doit tenir pleinement compte des objectifs de l’accord de Paris ainsi que des OMD de l’ONU. Les politiques de l’UE doivent également promouvoir une politique forestière qui tienne compte de l’importance sociale et économique de l’industrie du bois, tout en passant à une économie circulaire fondée sur le « principe de la cascade » où la biomasse est utilisée pour la première fois dans des produits qui créent la valeur économique la plus élevée sur plusieurs vies. La récupération d’énergie par la combustion devrait être la dernière option, une fois que toutes les options de valeur supérieure ont été épuisées.
En ce qui concerne les technologies industrielles à faible intensité de carbone, dites de rupture, la CES prend note de l’importance que les récents rapports internationaux (AIE, GIEC) accordent à ces technologies pour parvenir à une décarbonation en profondeur malgré leur faible niveau de disposition technologique. La CES note avec inquiétude le retard pris par l’UE dans le déploiement de ces technologies qui sont cruciales pour décarboner les secteurs à forte intensité énergétique et invite la Commission européenne à mieux soutenir l’innovation industrielle à faible intensité de carbone. La CES attend de la prochaine Commission européenne qu’elle lance une initiative majeure pour amener les industries à forte intensité énergétique à atteindre zéro émission nette d’ici 2050 et qui couvrirait tous les défis auxquels elles doivent faire face, entre autres : innovation et changement technologique, économie circulaire, modèles économiques alternatifs, requalification de la main-d’œuvre, énergie et matières premières à un prix abordable et sécurité de l’approvisionnement, compétitivité et investissement. La dimension régionale de la politique industrielle devrait être prise en compte et l’UE devrait encourager les régions à mieux intégrer les objectifs de l’Accord de Paris dans leur politique industrielle.
Un pacte financier pour stimuler l’action en faveur du climat
Même si le coût de l’atténuation est bien inférieur au coût de l’inaction, de nombreuses publications récentes ont souligné les importants besoins d’investissement qu’exigerait le passage de l’UE à zéro émission nette. Dans la communication « Planète propre pour tous », la Commission européenne a déclaré que « 2,8 % du PIB (soit environ 520 à 575 milliards d’euros par an) devraient être investis afin de parvenir à une économie à zéro émission nette de gaz à effet de serre. Cela signifie des investissements supplémentaires considérables par rapport au niveau de référence, de l’ordre de 175 à 290 milliards d’euros par an ». Selon la Cour des comptes européenne, « pour atteindre les objectifs de l’UE en matière de climat et d’énergie pour 2030, environ 1 115 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires chaque année au cours de la période 2020-2030 : principalement dans les transports et dans le secteur résidentiel et des services »[1]. Ces montants ne seront pas atteints avec une approche de statu quo et la CES appelle le Conseil européen à proposer un pacte financier sur le climat pour mobiliser massivement les investissements publics dans la lutte contre le changement climatique.
Les besoins d’investissement ne doivent pas servir de prétexte pour aller plus loin dans la libéralisation et la commercialisation des services publics. Au contraire, les services publics et les finances publiques devraient être la pierre angulaire de la stratégie de financement. En conséquence, la CES estime qu’une fiscalité équitable et efficace devrait être au cœur du pacte financier sur le climat. La fraude fiscale, l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive ont considérablement privé les autorités publiques de ressources financières qui auraient été utiles pour rénover les bâtiments publics ou investir dans les infrastructures. Un rapport commandé par le Parlement européen a conclu que l’évasion fiscale des entreprises coûte entre 50 et 70 milliards d’euros par an — et pourrait même atteindre 160 à 190 milliards d’euros[2]. De plus, ces pratiques et les politiques d’austérité ont trop souvent déplacé la charge fiscale sur les épaules des ménages, entravant leur capacité à payer pour des équipements à faible émission de carbone. La suppression progressive des subventions nuisibles à l’environnement, ainsi que les recettes de la mise aux enchères des quotas d’émission, devraient également contribuer à mobiliser des ressources financières supplémentaires pour les pouvoirs publics. Les marchés publics écologiques ont également un rôle à jouer dans le déploiement de produits et services durables.
Les institutions financières européennes devraient contribuer activement à ce pacte. La Banque européenne d’investissement devrait poursuivre ses efforts pour soutenir la transition vers une économie à faible intensité de carbone et cesser immédiatement d’accorder des prêts à des projets qui ne sont pas conformes aux objectifs de l’accord de Paris et aux OMD des Nations unies.
La Banque centrale européenne (BCE) a également un rôle à jouer. Le mandat principal de la Banque centrale est la stabilité monétaire et non le changement climatique. Mais il devient évident que les conséquences du changement climatique (événements climatiques extrêmes intenses et fréquents, flux migratoires, baisse de l’agriculture) auront un impact considérable sur les activités économiques et les prix. En outre, le traité de l’UE attribue à la BCE l’objectif de soutenir les objectifs politiques de l’UE et la protection de l’environnement, y compris la lutte contre le changement climatique, fait partie de ces objectifs fondamentaux. Que peut faire concrètement la BCE ? Premièrement, la BCE pourrait mettre en œuvre un règlement susceptible d’imposer un type de surcharge sur les prêts entraînant des externalités environnementales négatives. Il pourrait s’agir notamment d’introduire des plafonds quantitatifs de crédit pour les activités polluantes ou d’effectuer des évaluations ex ante de l’impact sur le climat. Ces mesures ne devraient en aucun cas constituer un obstacle pour investir dans la transformation durable des industries existantes. Deuxièmement, la BCE pourrait également accélérer les investissements à faible intensité de carbone par la mise en œuvre d’une « allocation de crédits à faible intensité de carbone ». Il faudrait adopter des lignes de refinancement ciblées sur le climat, grâce auxquelles les banques pourraient se refinancer à un taux plus avantageux, ce qui inciterait les banques à prêter davantage au secteur à faible intensité de carbone en les récompensant par des bénéfices marginaux plus élevés. Enfin, un programme d’assouplissement quantitatif (AQ) vert devrait utiliser des critères d’éligibilité reflétant les OMD de l’ONU. En outre, la BCE doit orienter ses achats d’obligations publiques vers la BEI ou des entités similaires telles que les banques de développement qui pourraient financer des projets économiques à faible intensité de carbone, notamment des investissements dans les infrastructures.
Comme elle l’a déjà indiqué dans sa position détaillée sur le sujet, la CES est en faveur d’un budget de l’UE pleinement conforme aux objectifs de l’accord de Paris, dont 30 % des ressources seraient consacrées à l’action climatique[3].
Enfin, un pacte financier sur le climat serait insuffisant s’il ne s’appuyait pas sur un changement de priorités de la zone euro et de la politique macro-économique de l’UE. La transformation durable de l’économie de l’UE en une zone à zéro émission nette devrait avoir au moins la même importance que l’assainissement budgétaire et la stabilité financière à court terme.
Transition juste et droit à l’énergie en tant qu’éléments nécessaires à l’action climatique
Une transition juste et un travail décent sont désormais reconnus comme des principes directeurs de l’action climatique. L’Accord de Paris, la Déclaration de Silésie sur la solidarité et la transition juste et les lignes directrices de l’OIT ont bien ancré ces principes au cœur du régime climatique international. Il est maintenant temps d’agir concrètement.
Toute stratégie de transition juste repose sur une politique industrielle durable qui maintiendra et créera des emplois dans les secteurs et les régions en transformation du fait de la décarbonation. Ensuite, assurer des transitions professionnelles, avec les partenaires sociaux, par le biais d’un programme de requalification et de formation, aidera les travailleurs à passer d’un secteur en déclin à des activités offrant de meilleures perspectives, ou à accompagner les changements en cours. Fournir un filet de sécurité à ceux qui subissent les effets négatifs de la décarbonation est également une condition essentielle pour construire une transition juste.
Une transition juste doit devenir un objectif politique majeur pour les leaders qui dirigeront l’UE après les élections européennes de 2019. La CES s’attend à ce que la transition juste soit au cœur de la contribution (NDC) 2020 de l’UE ainsi que de sa stratégie à long terme. La CES appelle la Commission européenne à proposer une feuille de route pour une transition juste d’ici 2050 qui identifiera l’impact que le passage à une économie à zéro émission nette aura sur les secteurs et les régions et proposera des mesures et instruments concrets pour les anticiper.
Dans cette perspective, la CES souhaite également que le budget de l’UE garantisse un financement adéquat pour les régions et les secteurs touchés par la décarbonation. La CES soutient la proposition de créer un fonds de transition pour une énergie juste, telle qu’avancée par le Parlement européen, et nous saluons la décision d’élargir le champ d’action du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation aux restructurations déclenchées par le passage à une économie à faible intensité de carbone. Nous demandons également à la Commission de transformer la plate-forme européenne pour les régions charbonnières en transition en un plan global composé de mesures concrètes et de ressources financières. Ce plan devrait ensuite être étendu aux régions et secteurs confrontés à des défis similaires.
En tant que membre de la coalition pour le droit à l’énergie, la CES appelle à réformer en profondeur le système énergétique de l’UE afin de traiter la pauvreté énergétique comme une priorité politique absolue. Plus précisément, la CES exige une interdiction des déconnexions qui mettent les ménages et les familles à faibles revenus dans une extrême précarité. Les personnes dans le besoin devraient recevoir une aide financière directe pour faire face aux hausses soudaines et importantes des prix de l’énergie. Les programmes de rénovation massive des bâtiments doivent réduire la facture énergétique tout en réduisant les émissions et en améliorant la qualité de vie pour tous. Les projets énergétiques coopératifs locaux devraient être encouragés en tant que modèle économique alternatif fondé sur une démarche collective et solidaire.
La CES attend de l’UE qu’elle fasse preuve de leadership en matière de lutte contre le changement climatique, qu’elle instaure une transition juste pour les travailleurs et qu’elle garantisse l’accès à une énergie propre afin que personne ne soit laissé pour compte sur la voie d’une économie à zéro émission nette.
[1] http://publications.europa.eu/webpub/eca/lr-energy-and-climate/fr/#chapter4
[2] http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/558773/EPRS_STU%282015%2955878773_EN.pdf
[3] https://www.etuc.org/fr/document/etuc-position-european-commission-proposal-eu-budget-2021-2027