Position de la CES sur une initiative de l’UE sur les comptes individuels de formation

Position de la CES sur une initiative de l’UE sur les comptes individuels de formation

Résolution de la CES adoptée lors du Comité Exécutif virtuel des 3-4 juin 2021

Contexte

Selon le programme de travail de la Commission européenne pour 2021, la Commission européenne (CE) présentera une proposition, pour le Conseil, sur les comptes individuels de formation (CIF) en novembre/décembre 2021. Ceux-ci seront basés sur les résultats de deux consultations publiques.

La CE a lancé une consultation publique en deux phases sur les CIF. La première phase était ouverte entre le 23 mars et le 20 avril 2021, dans le but de recevoir des commentaires sur le texte de l’analyse d’impact initiale.

Le texte suivant est la réponse de la CES à la 2e phase de la consultation publique, qui est ouverte entre le 23 avril 2021 et le 16 juillet 2021.

La pandémie de COVID-19, la numérisation et la décarbonisation ont un impact énorme sur la main-d’œuvre européenne qui doit faire face à la plus grande transition que l’humanité ait jamais vécue. La pandémie a accéléré les changements structurels dans de nombreux secteurs, augmentant le rythme des transformations écologiques et numériques. Le succès d’une reprise durable et résiliente après la crise du COVID-19 dépendra également de la qualité de la main-d’œuvre. Nous avons besoin d’investissements et de mécanismes de financement conjoints pour un apprentissage des adultes de qualité et inclusif, pour l’apprentissage tout au long de la vie et pour la formation des travailleurs, qui doivent conduire à des emplois de qualité et à une transition juste de la main-d’œuvre. Selon le dernier rapport[1] du Cedefop, 46,1 % de la population adulte, soit environ 128 millions d’adultes dans les 27 États membres de l’UE, au Royaume-Uni, en Islande et en Norvège, ont besoin d’opportunités de formation ou de requalification. Dans les années à venir, nous serons confrontés à une inadéquation des compétences et à une augmentation de la réaffectation de la main-d’œuvre. Les travailleurs et les chômeurs ont un besoin urgent de soutien, non seulement pour accéder à la formation en vue d’une amélioration de leurs compétences ou d’une requalification, mais aussi pour valider leurs aptitudes et leurs compétences et pour bénéficier d’une orientation et de conseils de qualité.

Les syndicats ont demandé la mise en œuvre complète du premier principe du socle européen des droits sociaux afin de garantir que chaque apprenant de l’EFP, chaque travailleur et chaque chômeur ait le droit d’accéder à une formation et à un apprentissage tout au long de la vie de qualité et inclusifs. Cela leur permettrait de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail. Cela signifie également que la mise en œuvre du SEDS devrait garantir que tous les travailleurs ont le droit à la formation, au congé-éducation payé, à une qualification complète, à la validation de l’apprentissage informel et non formel, ainsi qu’à l’orientation et au conseil. La CES se félicite que la prochaine initiative de l’UE sur les comptes individuels de formation (CIF) entende se concentrer sur la mise en œuvre du plan d’action du socle européen des droits sociaux (mars 2021), qui fixe un nouvel objectif selon lequel au moins 60 %[2] de tous les adultes devraient participer à une formation chaque année d’ici 2030. La CES estime qu’il est possible d’atteindre cet objectif si l’initiative de l’UE adopte un point de vue plus large et se concentre sur la garantie du droit d’accès et d’un meilleur financement de l’apprentissage des adultes et de la formation des salariés, avec différents outils financiers, en fonction des différentes circonstances nationales, au lieu de se concentrer uniquement sur les comptes individuels de formation.

Nous craignons que l’initiative européenne n’envoie un message erroné aux travailleurs en faisant de la formation et de la réorientation une responsabilité individuelle, laissant entendre que les changements de compétences et d’emplois seront un fardeau auquel ils devront faire face, même s’ils sont soutenus par les pouvoirs publics. L’initiative européenne devrait mettre l’accent sur la responsabilité des employeurs de financer la formation de leur main-d’œuvre, des apprentis et des travailleurs nouvellement recrutés, qui ont besoin d’une formation continue en milieu professionnel. Les travailleurs qui ont été confrontés au chômage au cours des dernières décennies, en raison de la soi-disant mondialisation, savent que les compétences n’auraient pas résolu la désertification de leur région. L’initiative européenne devrait impliquer que la responsabilité d’investir des ressources incombe aux employeurs et aux secteurs, en réorientant les travailleurs et en finançant la formation sectorielle, donnant ainsi un avenir aux travailleurs dans le secteur dans lequel ils sont qualifiés.

Les comptes individuels de formation (CIF) peuvent être l’un des outils permettant de favoriser l’accès à la formation. Cependant, il devrait y avoir différentes solutions et différents outils financiers proposés en fonction des différents besoins des États membres de l’UE et des partenaires sociaux nationaux et sectoriels, et en fonction des différents besoins des adultes et des travailleurs qui ont besoin de se former et de se réorienter dans les entreprises, indépendamment de la taille de l’entreprise pour laquelle ils travaillent et des différentes situations contractuelles (adultes et travailleurs peu, moyennement et hautement qualifiés, chômeurs, travailleurs atypiques et travailleurs de plateforme, etc.).

Nous pensons que les comptes individuels de formation ne signifient pas la même chose que garantir le droit de l’individu à la formation. Dans les discussions politiques, il semble y avoir une confusion entre l’utilisation d’expressions telles qu’« accès aux droits/admissibilité » et « accès aux comptes individuels de formation ». Les lignes directrices pour l’emploi révisées adoptées par le Conseil en octobre 2020 établissent une distinction claire entre la garantie du droit/l’admissibilité à la formation et les CIF comme l’un des outils, permettant aux pays de décider du choix de cet outil, ou de tout autre, pour garantir ces droits. Malgré cela, la CE utilise plusieurs fois les termes « comptes individuels de formation » et « droits individuels de formation » comme synonymes dans l’analyse d’impact initiale de la consultation publique. De même, il n’est pas clairement établi si une initiative européenne visant à soutenir un meilleur financement de l’éducation et de la formation des adultes, par exemple par le biais de comptes individuels de formation (CIF), devrait être applicable uniquement aux travailleurs ou universellement à tous les adultes.

L’initiative de l’UE devrait faire la différence entre :

  • Le droit et l’accès à la formation des adultes ;
  • Le droit et l’accès à la formation des travailleurs ; et
  • Le droit et l’accès aux différents types de congés-éducation payés.

Le point de vue de la CES est que le droit à la formation ne doit pas être une obligation pour les travailleurs. Il est également important d’identifier différents mécanismes financiers pour soutenir l’apprentissage des adultes (pour tous les adultes, y compris les chômeurs), la formation des travailleurs et différents types de congés-éducation payés lorsque la formation répond à des besoins personnels ou à ceux du marché du travail. Les comptes individuels de formation peuvent être l’un des outils financiers permettant de garantir le droit à la formation. La responsabilité des employeurs et des individus doit être clairement définie. De même que les coûts directs et indirects pour l’individu, les employeurs et les ministères/services publics en relation avec les différents types de formations et de congés-éducation payés. Garantir le droit à la formation ne doit pas être considéré comme une responsabilité individuelle mais plutôt comme une responsabilité sociale et économique.

La CES estime qu’il est important que l’initiative de l’UE adopte un point de vue plus large et se concentre sur la garantie du droit d’accès aux formations et sur un meilleur financement de l’apprentissage des adultes et de la formation des travailleurs, en utilisant différents outils financiers et pas seulement les comptes individuels de formation. Une telle initiative au niveau européen pourrait être une recommandation du Conseil soutenue par le semestre européen et la méthode ouverte de coordination entre les pays, avec la participation des partenaires sociaux. Pour une telle initiative, les points suivants doivent être pris en compte :  
 

  1. Le droit à la formation doit être mis en œuvre dans chaque pays de l’UE

La CES estime que la mise en œuvre du 1er principe du SEDS dans chaque État membre de l’UE pour garantir le droit à la formation à tous est la première étape. Le droit d’accès à la formation doit être applicable dans chaque pays de l’UE, et être légiféré ou défini dans les conventions collectives. Un tel droit ne doit pas être considéré comme « volontaire », comme le suggère l’étude d’impact initiale de la CE. Il devrait être universellement applicable à tous les adultes et travailleurs et pas seulement à certains groupes de personnes, par exemple les groupes ayant des besoins particuliers. Les pays où un tel droit n’existe pas encore doivent être encouragés, par le biais d’une recommandation du Conseil, à garantir le droit d’accès à une formation des travailleurs et à un apprentissage des adultes de qualité et inclusifs, et à assurer le meilleur mécanisme de financement qui soutienne les droits à la formation, avec une implication effective des partenaires sociaux dans la gouvernance, la gestion et le contrôle d’un tel système.

  1. Le droit à la formation des travailleurs doit être garanti dans chaque pays de l’UE

La législation et les conventions collectives doivent garantir le droit et l’égalité d’accès à la formation de tous les travailleurs, indépendamment de leur situation contractuelle, de leurs niveaux de salaire et de compétences, de la taille et de la localisation de l’entreprise, et de son secteur d’activité. Les employeurs doivent continuer à assumer la responsabilité de la mise à niveau des compétences de leurs travailleurs en fonction de leurs besoins et de l’évolution des emplois et des tâches. Ce point a également été souligné dans l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation (2020)[3] et il est également cohérent avec l’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur le vieillissement actif et une approche intergénérationnelle (2017). La responsabilité de la formation et de la requalification des travailleurs dans le cadre de la transition juste des industries et par rapport aux compétences liées à l’entreprise doit rester à charge de l’employeur. Les employeurs doivent garantir l’accès à la formation des travailleurs à tous, y compris à leurs travailleurs de plateformes, aux travailleurs indépendants et aux travailleurs ayant un contrat temporaire. Le coût et l’accès à la formation des travailleurs doivent être assurés par les entreprises et la formation doit avoir lieu pendant les heures de travail afin de respecter l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs. Souvent, la formation des travailleurs est soutenue financièrement par une cotisation de l’employeur et/ou un partage des coûts de formation. Les ministères doivent s’assurer que les contributions financières directes et indirectes versées aux entreprises pour la formation des travailleurs atteignent réellement les travailleurs. En outre, ils doivent tenir compte des difficultés à dispenser des activités de formation efficaces, en ligne ou sous forme mixte, pendant la pandémie de Covid-19.

  1. Le droit au congé-éducation rémunéré doit être garanti dans tous les pays de l’UE.

En plus de garantir le droit des travailleurs à la formation, la convention 140 de l’OIT sur le congé-éducation payé devrait être mise en œuvre dans chaque pays de l’UE en tant que droit/droit. Deux formes de ce congé devraient être envisagées :

Type 1. Congé individuel d’apprentissage/de formation rémunéré.

Cela a permis aux travailleurs de plusieurs pays de suivre des cours d’évolution de carrière pendant les heures de travail, mais aussi des cours d’intérêt personnel pendant leur vie professionnelle. À cet égard, un certain nombre de jours, ou d’heures, ont été fixés en concertation avec les partenaires sociaux. Le travailleur a le libre choix des cours et le programme est généralement financé par le ministère compétent de différentes manières, en fonction des systèmes nationaux, par exemple par un compte individuel d’apprentissage ou un bon. Par conséquent, les fonds de l’UE (par exemple le FRR) pourraient fournir un soutien pour développer des systèmes de congé individuel d’apprentissage/de formation afin de garantir un accès universel à l’apprentissage et à la formation à tous les adultes, y compris les travailleurs.

Suite à l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le marché du travail, le droit au congé-éducation rémunéré devrait permettre aux personnes de développer d’autres compétences (y compris des compétences de base et des compétences clés, avec une attention particulière à l’apprentissage de compétences), qui peuvent aller au-delà des besoins de l’entreprise, mais qui sont nécessaires à leur progression de carrière. Ces systèmes devraient également permettre à un travailleur de participer au processus de validation de l’apprentissage informel et non formel. Il est important que les partenaires sociaux continuent à être impliqués dans la gouvernance, la gestion et le suivi de ces systèmes.

Tous les travailleurs au sein de l’UE ne bénéficient pas de la même manière du droit au congé-éducation payé, par exemple les employés du secteur public peuvent ne pas disposer de ce droit alors que c’est le cas pour les travailleurs du secteur privé. Si le congé individuel d’apprentissage/de formation rémunéré s’applique non seulement aux travailleurs mais à tous les adultes de manière universelle, et s’il est financé par des fonds publics pour permettre l’utilisation de comptes personnels/de bons pour les cours, il soutiendrait les formations de tous les travailleurs et adultes, y compris les chômeurs, les travailleurs atypiques et les travailleurs de plateforme. Néanmoins, les travailleurs des plateformes, les travailleurs indépendants et les employés ayant un contrat temporaire devraient avoir accès à la formation des travailleurs et utiliser le congé individuel de formation rémunéré pour leurs intérêts et besoins généraux lorsqu’ils sont employés par une entreprise. Si ce congé individuel d’apprentissage/de formation rémunéré est financé par un compte individuel d’apprentissage ou un bon, ce compte ou ce bon doit appartenir à l’individu et celui-ci doit décider de la manière dont il souhaite l’utiliser, pour quel type de formation, et s’il souhaite l’accumuler pour des cours plus coûteux ou pour une utilisation ultérieure. De tels systèmes financiers pour soutenir l’apprentissage et le travail des travailleurs peuvent aussi être gérés par les syndicats en accord avec la situation nationale.

Type 2. Congé d’apprentissage/de formation payé au niveau de l’entreprise/du secteur

À la demande d’une entreprise, lorsqu’il n’est pas possible d’assurer la formation de travailleurs au sein de l’entreprise pour des raisons telles que des besoins de formation spécifiques, des outils de formation, des tuteurs, etc., les travailleurs sont invités à participer à une formation en dehors de l’entreprise, qui est payée par cette dernière. Dans de nombreux pays, ces congés-éducation sont financés par le budget de formation de l’entreprise, soutenu par une taxe patronale distribuée par le ministère directement aux entreprises ou aux prestataires d’EFP. L’analyse d’impact initiale de la Commission qualifie ce système de « formation parrainée par l’employeur ». Afin de garantir que tous les travailleurs (quels que soient leur niveau de qualification et leur situation contractuelle, dans les secteurs public et privé) puissent avoir accès à ce congé-éducation payé, un accord doit être conclu avec les syndicats au niveau de l’entreprise et/ou du secteur sur l’égalité d’accès aux différents types de formation. Il convient d’éviter de sélectionner systématiquement le même travailleur, ou uniquement les travailleurs sous contrat permanent ou les travailleurs hautement qualifiés pour qu’ils aient accès à cette formation.

L’accès aux deux types de congés-éducation payés doit être également respecté et défini par les conventions collectives. Il est important de distinguer le taux de congé-éducation payé dont les travailleurs peuvent bénéficier pour des raisons personnelles et pour des formations liées à l’entreprise (par exemple, 50 % de congé payé pour son propre intérêt et 50 % de congé payé pour les besoins de l’entreprise). Il est de la compétence nationale de décider des conditions du droit d’accès au congé-éducation payé (l’un ou l’autre de ces deux types) avec la participation des partenaires sociaux, par exemple s’il peut être applicable à vie ou à la vie professionnelle, si davantage de congés-éducation sont disponibles pour les jeunes travailleurs et les travailleurs peu qualifiés, et si le calcul des jours de congé payé inclut la participation aux cours, la préparation aux cours et aux examens, et la participation aux examens, etc. Il est essentiel que le congé d’éducation payé soit assuré pour les syndicalistes pour participer à la formation en instaurant la convention 140 de l’OIT.

  1. Un meilleur mécanisme de suivi devrait être mis en place

L’analyse d’impact initiale de la Commission mentionne que la participation à l’éducation et à la formation des adultes en Europe est généralement faible et que les employeurs souffrent d’une pénurie de compétences. Cependant, la collecte de données au niveau de l’UE sur la participation à l’éducation et à la formation des adultes devrait être améliorée et être plus fréquente, et elle devrait inclure des informations sur la participation à la formation des travailleurs fournie par les entreprises à leurs travailleurs. En ce qui concerne les difficultés des entreprises à trouver des travailleurs possédant les « bonnes compétences », la CES a déjà souligné qu’il était nécessaire d’examiner les véritables raisons de l’inadéquation des compétences. Selon le CEDEFOP[4], 70 % des entreprises souffrent de pénuries de compétences, mais encore peu d’entre elles font le lien avec les obstacles qu’elles créent pour trouver des travailleurs qualifiés, par exemple les problèmes liés au processus de recrutement, la localisation géographique de l’entreprise, le niveau de salaire et les conditions de travail.

La CES estime qu’afin de garantir le droit à une formation de qualité et inclusive des salariés et d’atteindre l’objectif de 60 % de participation à l’éducation et à la formation des adultes fixé par le SEDS, il est essentiel de surveiller de manière appropriée la participation à l’éducation et à la formation des adultes et les investissements des pays dans ce domaine. Cela comprendrait des données sur la participation à des formations présentant un intérêt individuel et dispensées par divers prestataires. Cela comprendrait également le suivi de la formation pour le marché du travail, par exemple la formation fournie par les entreprises sur les besoins de formation liés à l’entreprise, et les formations fournies en dehors de l’entreprise toujours sur les besoins de formation liés à l’entreprise. En fait, la CES a exigé un suivi plus fréquent et la collecte de données sur l’offre et les investissements des entreprises dans la formation des travailleurs. Dans son récent avis sur l’Agenda actualisé en matière de compétences, le CESE a également suggéré une collecte plus fréquente de données (au lieu de tous les 5 ans) sur le « pourcentage d’entreprises dispensant des formations par type de formation », et « les dépenses des entreprises en matière de cours de formation en pourcentage du coût total de la main-d’œuvre ».

  1. Les principes de subsidiarité doivent être respectés.

Nous soulignons l’importance de respecter les systèmes nationaux d’éducation et de formation et les réglementations nationales concernant les exigences de qualification pour l’exercice d’une profession, ainsi que le rôle des partenaires sociaux nationaux et sectoriels dans l’identification des besoins en compétences, les exigences en matière de compétences et la gestion des systèmes nationaux d’accès et de financement de l’apprentissage des adultes et de la formation des travailleurs. Les États membres devraient définir leurs propres mécanismes et outils financiers pour soutenir l’accès des travailleurs et des adultes à la formation, avec la participation des partenaires sociaux.

  1. Un dialogue social efficace

Le dialogue social avec les syndicats est essentiel dans le cadre d’une initiative européenne visant à garantir le droit d’accès et le financement de l’éducation et de la formation des adultes et des travailleurs, car elle aura un impact significatif sur les travailleurs. Tout mécanisme et outil financier, tel que les CIF ou les bons, doit être construit avec les partenaires sociaux et lié à d’autres outils européens et nationaux existants, y compris, par exemple, les fonds interprofessionnels gérés conjointement par les partenaires sociaux dans certains pays européens, et la disposition des négociations collectives sectorielles nationales. Il est essentiel d’impliquer les partenaires sociaux européens dans la décision sur une politique de niveau européen relative au financement et à l’accès à la formation des travailleurs et aux congés-éducation payés. Les partenaires sociaux nationaux et sectoriels devraient être impliqués dans la gouvernance, la gestion et le suivi des mécanismes financiers de la formation des travailleurs et des congés-éducation payés. Suivant une approche participative, les syndicats au niveau de l’entreprise, du secteur et de la région, doivent être inclus dans la gouvernance de ces activités de formation et dans la prévision et l’analyse des besoins en compétences.

  1. Transférabilité

Il est essentiel de garantir la transférabilité du droit au congé-éducation payé et du budget qui lui est associé, utilisé par l’individu (par exemple, les CIF ou les bons), d’un emploi à l’autre, et de veiller à ce que l’employeur reconnaisse la formation. La transférabilité du droit au congé-éducation payé et des comptes financiers entre les pays doit continuer à être assurée par des accords bilatéraux entre les pays, afin de respecter les réglementations nationales.

  1. Garantir l’accès à la validation dans le cadre du congé-éducation payé

L’autre prérequis fondamental pour la conception d’une initiative européenne visant à garantir le droit à l’accès et au financement de l’apprentissage des adultes et de la formation des travailleurs est la mise en œuvre de la recommandation du Conseil sur la validation de l’apprentissage informel et non formel (2012). Nous pensons que les deux types de congés-éducation payés susmentionnés et tout type de mécanisme financier soutenant ces congés (CIF, bon, etc.) devraient également être utilisés pour soutenir la participation des travailleurs aux processus de validation de leurs aptitudes et compétences, et pour les aider à accéder aux qualifications. Actuellement, seuls 7 pays[5] disposent de budgets nationaux pour la validation des aptitudes et des compétences des travailleurs.

  1. L’égalité d’accès pour tous les travailleurs

De nombreuses politiques accusent les travailleurs et les adultes de ne pas être motivés pour participer à des formations et à la requalification. Il est également important de faire la différence entre la motivation des travailleurs à participer à une formation et l’accès à la formation que leur offrent les employeurs. En effet, 34 % des entreprises ne proposent aucune formation à leurs travailleurs ou seulement à un très petit nombre (moins de 20 %) d’entre eux[6]. Selon les résultats du PIAAC de l’OCDE, les adultes peu qualifiés sont les plus réticents à participer à l’apprentissage tout au long de la vie. Un soutien ciblé pour permettre l’égalité d’accès à la formation en général reste un défi. Les recherches montrent que les travailleurs hautement qualifiés et les travailleurs sous contrat fixe participent davantage aux activités de formation et de développement des compétences. Cela s’explique notamment par le fait que les employeurs investissent davantage dans ces groupes de travailleurs que dans ceux qui ont un contrat temporaire ou dans les travailleurs peu qualifiés qui ont souvent moins de possibilités d’apprendre dans le cadre de leur emploi, car ils occupent souvent des emplois sans avenir dans de mauvaises conditions de travail. Il est nécessaire d’améliorer la stabilité et la qualité de l’emploi, en plus d’assurer l’information, la motivation et le soutien ciblé pour accéder aux formations. Une initiative européenne visant à garantir le droit d’accès et le financement de l’éducation et de la formation des adultes et des travailleurs pourrait permettre de résoudre ce problème. Les syndicats jouent un rôle essentiel dans l’orientation des travailleurs au niveau de l’entreprise, mais ils doivent être soutenus par des fonds durables.

  1. L’égalité d’accès à l’orientation et au conseil

Les travailleurs ont besoin d’orientation, de conseils et d’un soutien appropriés pour faire correspondre la formation à leurs besoins en compétences. Il est également important d’améliorer l’orientation et le conseil fournis aux travailleurs et aux chômeurs, qui les informent sur les formations disponibles, leur reconnaissance et le processus de validation. C’est essentiel, notamment dans le cas du soutien aux travailleurs peu qualifiés et « faiblement qualifiés » qui peuvent manquer de motivation pour participer à des formations. Le système de référence de la formation étant un instrument important, les syndicats qui informent les travailleurs au niveau de l’entreprise sur les possibilités de formation ont besoin d’une aide financière pour étendre leur soutien. L’orientation et le conseil en matière de carrière, l’orientation en matière de formation et le tutorat en entreprise (c’est-à-dire les programmes Unionlearn) sont des conditions préalables essentielles pour sensibiliser et faire connaître les possibilités de formation disponibles. Nous soulignons que la recommandation de la Commission du 4.3.2021 relative à un soutien actif et efficace à l’emploi à la suite de la crise du COVID-19 (EASE) indique clairement que « les États membres devraient fournir un soutien individualisé aux demandeurs d’emploi, comprenant des conseils, une orientation et un tutorat, une évaluation et une validation des compétences, une aide à la recherche d’emploi, un soutien à l’entrepreneuriat et une orientation vers les services sociaux si nécessaire ». Par conséquent, les services publics de l’emploi ont un rôle clair à jouer pour assurer l’orientation et le conseil aux travailleurs soutenus par le FRR. Au niveau national, les syndicats peuvent, en coopération ou non avec les services publics pour l’emploi, aussi jouer un rôle important par rapport à l’utilisation et la gestion de différents mécanismes financiers pour l’apprentissage et la formation des travailleurs et pour offrir de l’orientation et du conseil. Les syndicats peuvent offrir des conseils individualisés fiables et indépendants sur le développement personnel, professionnel et de carrière, y compris l’éducation et la formation supplémentaire, que ce soit pour leurs membres ou des non-membres.

  1. Droit à une qualification complète

Les cours dispensés dans le cadre de l’utilisation du congé-éducation payé doivent être reconnus comme faisant partie des qualifications complètes du cadre national des qualifications et y être rattachés. En raison de la crise du COVID-19, les qualifications complètes sont désormais plus importantes que les microcrédits. L’expérience des syndicats montre que les employeurs s’intéressent davantage aux qualifications complètes qu’aux cours de courte durée, qui ne permettent pas d’acquérir toutes les compétences nécessaires à l’exercice d’une profession. Il est important de développer des « normes européennes, qui répondent à des exigences minimales » sur les microcrédits et une liste de confiance de fournisseurs de microcrédits au niveau des États membres, que les travailleurs peuvent suivre en utilisant leur congé-éducation payé. Les syndicats devraient jouer un rôle important dans le suivi et la décision concernant le choix du prestataire de formation à inscrire sur le registre des possibilités de formation pouvant bénéficier d’un financement.

  1. Assurance de la qualité des cours et égalité d’accès

Nous nous félicitons que l’analyse d’impact initiale mentionne la qualité du « marché de la formation », « le manque de transparence concernant les offres de soutien et de formation disponibles, l’incertitude quant à leur qualité et leur reconnaissance sur le marché du travail, et l’adaptation insuffisante des offres de formation aux besoins individuels ». À l’heure actuelle, il existe divers prestataires de cours, dont beaucoup ne sont pas soumis à une assurance qualité ou à une accréditation. Il convient d’assurer une meilleure qualité et une plus grande inclusivité des formations destinées aux travailleurs. L’égalité d’accès à l’éducation et à la formation des adultes pour toutes les personnes issues de milieux socio-économiques différents doit être garantie dans le cadre de procédures nationales et institutionnelles d’assurance qualité par les gouvernements et les partenaires sociaux, avec la participation des services publics de l’emploi et d’autres administrations nationales de l’éducation adéquates. Il est important de garantir l’égalité d’accès à l’éducation et à la formation des adultes dans le cadre de la mise en œuvre effective de la recommandation du Conseil de l’UE de 2016 relative à des parcours de renforcement des compétences.


[1]  CEDEFOP: Empowering adults through upskilling and reskilling pathways. Volume 1 : adult population with potential for upskilling and reskilling, 02/2020

[2] Selon les dernières données d'Eurostat, la proportion de personnes âgées de 25 à 64 ans dans l'UE ayant participé à un enseignement ou à une formation au cours des quatre dernières semaines était de 10,8 % (2019), et 44,4 % des personnes âgées de 25 à 64 ans dans l'UE ont participé à un enseignement et à une formation (au cours des 12 mois précédant l'entretien), la majorité d'entre elles participant à un enseignement et à une formation non formels (2016).

[3] Elle indique : « Lorsqu’un employeur demande à un travailleur de participer à une formation liée à l’emploi qui est directement liée à la transformation numérique de l’entreprise, la formation est payée par l’employeur ou conformément à la convention collective ou à la pratique nationale. Cette formation peut être dispensée à l’intérieur ou à l’extérieur de l'entreprise et a lieu à un moment approprié et convenu tant pour l'employeur que pour le travailleur, et si possible pendant les heures de travail afin de garantir l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée de tous les travailleurs. Si la formation a lieu en dehors du temps de travail, une compensation appropriée doit être prévue".

[4]  European Skills and Jobs survey, CEDEFOP, 2015, and Skills, qualifications and jobs in the EU: the making of a perfect match? CEDEFOP 2015

[5] Commission Staff Working Document: Evaluation of the 2012 Council Recommendation on validation of non-formal and informal learning (2020)

[6] Enquête Eurofound/Cedefop sur les entreprises européennes (2019)