Position de la CES/Pour une directive moderne sur le comité d'entreprise européen (CEE) à l'ère du numérique

Position de la CES - Pour une directive moderne sur le comité d'entreprise européen (CEE) à l'ère du numérique

Adoptée lors du Comité exécutif de la CES, les 15 et 16 mars 2017 à Malte

La directive CEE fête son vingtième anniversaire en 2016. C'est l'occasion d'évaluer les résultats obtenus ainsi que les lacunes constatées relatives à la représentation des intérêts des travailleurs dans les entreprises transnationales. Conformément à la directive CEE, il incombait à la Commission européenne de produire une évaluation « pas plus tard qu’en juin 2016 », mais, en raison des retards occasionnés, l'évaluation a été repoussée au printemps 2017. La refonte de la directive CEE ne s'est pas traduite dans les faits par une augmentation du nombre total de CEE. Si, côté syndical, certaines avancées sont possibles, d'autres, en revanche, ne peuvent avoir lieu sans une amélioration significative de la directive CEE. La participation des travailleurs ne représente, bien souvent, qu'une simple formalité et ses répercussions demeurent limitées, dans la mesure où les CEE continuent d'être mis devant le fait accompli, notamment dans les cas de restructuration d'une entreprise transnationale. À l'ère du numérique, les nouveaux défis technologiques, structurels et sociétaux exigent un renforcement des outils utilisés par les CEE. La numérisation n'attend pas, elle est déjà en marche. Les CEE doivent disposer des moyens nécessaires pour l'orienter.

Par conséquent, après s'être longuement entretenue avec ses affiliés, la CES a identifié les axes prioritaires suivants pour assurer l’effectivité des droits d’information et de consultation des travailleurs et résoudre les problèmes relatifs à la mise en œuvre pratique de la directive CEE :

  1. Exercice des droits découlant de la directive via des sanctions effectives et dissuasives, y compris un droit à la suspension temporaire des décisions prises par une entreprise avec une prérogative des syndicats nationaux. Dans la pratique, les procédures d'information et de consultation sont souvent mises en œuvre de manière inadéquate, et les informations sont fournies trop tard. La CES demande avant tout le respect effectif des droits. L'information et la consultation doivent faire partie intégrante du processus décisionnel de l’entreprise à tous les niveaux : local, national et transnational. Avant que la direction ne prenne une décision définitive, la procédure transnationale d’information et de consultation doit avoir été correctement et complètement menée[1]. Dans ce contexte, la définition du concept de consultation (telle que proposée au point g) de l'Article 2.1) doit être renforcée afin que l'avis des CEE « soit » (et non pas « puisse ») être pris en compte par la direction. Il convient de réduire les écarts relatifs aux niveaux et à la portée des sanctions définies à l'échelle nationale, afin que ces dernières soient « effectives, dissuasives et proportionnées », conformément aux exigences requises, et qu'une situation équitable soit garantie. En cas de non-respect des procédures d'information et de consultation, la sanction définitive devrait correspondre à l'annulation des décisions de l'entreprise, à condition que les syndicats nationaux directement concernés par lesdites décisions se prononcent en faveur d'une suspension et/ou d'une annulation.
  1. Garantie de l'accès à la justice. Spécification du statut des CEE et des groupes spéciaux de négociation (GSN) en tant qu'acteurs juridiques. Définition des possibilités juridiques relatives au lancement d'une procédure judiciaire à l'encontre des entreprises dans le cadre de la défense des droits conférés par la directive CEE.
  1. Le rôle des « représentants de l’organisation syndicale compétente et reconnue au niveau communautaire » visé à l'article 5.4 doit être repris dans les prescriptions subsidiaires. Un droit de participation des experts syndicaux à toutes les réunions des CEE et des Comités restreints ainsi qu'un accès à l'ensemble des sites est une condition préalable afin de mieux soutenir et coordonner les actions menées par les CEE.
  1. Garantir une coordination plus efficace aux niveaux local, national et européen. Les droits à l'information et à la consultation doivent garantir aux CEE la possibilité d'émettre un avis avant la fin de la consultation au niveau concerné. Les CEE doivent être en mesure de communiquer avec les acteurs à l'échelon national lorsque cela s'avère nécessaire, notamment avant et après les réunions des CEE et de SE. Les ressources et droits nécessaires, tels que l'accès aux différents sites, doivent être garantis.
  1. Une définition exhaustive de la notion d'« entreprise qui exerce le contrôle » doit inclure la direction chargée des marchés, les systèmes de franchise et les coentreprises. Des critères objectifs visant à déterminer l'emplacement du « représentant » et de la « direction centrale » doivent être fixés afin d'éviter un tourisme financier ou l'utilisation de sociétés dites « boîtes aux lettres ».
  1. Deux décennies ont passé et rien ne justifie désormais l'exemption des accords volontaires (dits aussi accords « pré-directive » ou « article 13 ») déjà en vigueur[2]. Il convient de mettre fin à la politique des deux points, deux mesures, en intégrant ces accords dans le champ d'application de la directive.  En vue de garantir une situation équitable et de veiller à la clarté juridique, toutes les dispositions de la directive doivent s'appliquer à l'ensemble des accords, soit de manière automatique soit par le biais de renégociations fondées sur des dispositions de secours intégrées aux règles transitoires, afin d'assurer la continuité pour toute la durée desdites renégociations. 
  1. Améliorer et clarifier les règles en matière de renégociation avec les GSN (calendrier précis pour la première réunion des GSN, obligation claire à l'encontre de la direction centrale pour la création d'un CEE en cas d'application de prescriptions subsidiaires).
  1. Le concept de « caractère transnational d'une question » (préambules 12 et 16) doit être consolidé et intégré dans le texte principal de la directive. Les CEE doivent se voir conférer un droit exécutoire plein et entier à être informés et consultés tout au long du processus de décision.
  1. Prévenir les abus en matière de clauses de confidentialité en définissant plus précisément à quel titre, dans quelles circonstances et pendant combien de temps une entreprise peut retenir des informations, et pour quels motifs le droit des membres du CEE à partager des informations avec des acteurs (notamment les représentants des employés) peut être limité. Une clarification s'impose car, bien souvent, la direction ne fournit pas les informations suffisantes relatives aux règles de confidentialité et entrave la communication nécessaire des délégués des CEE aux niveaux national et européen.
  1. Renforcer les prescriptions subsidiaires pour améliorer le fonctionnement des CEE (par ex. droits et ressources du Comité restreint, liste des sujets approfondie).

 


[1] https://www.etuc.org/documents/etuc-position-paper-orientation-new-eu-framework-information-consultation-and-board-level#

[2] En mars 2016, de tous les CEE en exercice, 42 % (soit 395 comités) étaient toujours exemptés des règles de la directive et de sa refonte (dite aussi pré-directive CEE), 53 % (soit 495 comités) opéraient dans le cadre de l'Article 6 et 3 % (soit 31 comités) dans le cadre du point b) de l'Article 14.1. En outre, neuf procédures d'information et de consultation ont été enregistrées, ainsi que 12 CEE opérant conformément aux prescriptions subsidiaires. (Stan De Spiegelaere. Too little too late ; ETUI 2016, p. 17)