Résolution de la CES sur la défense des droits des travailleurs handicapés
Adoptée à la réunion du Comité exécutif des 04 et 05 mars 2025
Les travailleurs handicapés restent l'un des groupes les plus défavorisés sur le marché du travail. Leur taux d'emploi n'est que de 51,3 %, ce qui est nettement inférieur aux 74,6 % enregistrés pour la population générale. La situation est encore plus préoccupante pour les femmes et les jeunes handicapés, dont les taux d'emploi sont encore plus faibles. En outre, près d'un jeune handicapé sur cinq (17,7 %) âgé de 20 à 26 ans était au chômage en 2020, soit deux fois plus que les jeunes non handicapés (8,6 %). Au-delà des taux d'emploi, la qualité des emplois disponibles pour les travailleurs handicapés est souvent précaire, nombre d'entre eux étant contraints d'accepter des emplois instables et sous-payés. Les pratiques discriminatoires restent très répandues, tant pour l'accès à l'emploi que pour le maintien dans l'emploi, et la discrimination intersectionnelle complique encore ces défis, en particulier pour les personnes appartenant à différentes catégories de groupes vulnérables et confrontées à des formes de préjugés multiples et qui se chevauchent. Une enquête Eurobaromètre de 2019 a révélé que plus de la moitié (52 %) des personnes handicapées se sentaient victimes de discrimination en raison de leur état. En raison de conditions de travail précaires et de la discrimination, près d'une personne handicapée sur trois (28,8 %) est menacée de pauvreté ou d'exclusion sociale, contre 18 % de la population générale.
Nous savons que toutes les personnes handicapées n'utilisent pas ce langage pour se décrire ou s'identifier. Nous utilisons ce langage car c'est celui de l'UE et de l'ONU, mais nous respectons et reconnaissons le langage que les personnes handicapées utilisent dans chaque pays pour se décrire, comme c'est leur droit.
La CES a abordé les questions liées à l'emploi dans le cadre de la stratégie pour les droits des personnes handicapées 2021-2030, en se concentrant sur la carte européenne d'invalidité et le paquet emploi.
Nous avons exprimé notre accord général avec le contenu du paquet. Dans le même temps, nous avons également souligné qu'il ne suffit pas de relever les défis identifiés au moyen de simples lignes directrices qui s'appuient sur la bonne volonté des employeurs pour remplir leurs obligations à l'égard des travailleurs handicapés. L'UE doit prendre des mesures pour que les personnes handicapées qui souhaitent travailler puissent le faire. Dans le même temps, nous devons reconnaître que toutes les personnes handicapées ne sont pas en mesure de travailler et nous ne devons pas forcer ce groupe à travailler.
C'est pourquoi nous demandons à l'UE de s'engager à développer des initiatives contraignantes pour améliorer les conditions de travail et de vie des personnes handicapées.
La CES est profondément préoccupée par la récente décision de la Commission européenne de transférer le portefeuille du handicap de la Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion à la Direction générale de la justice et des consommateurs. Ce transfert réduit les prérogatives de la stratégie en matière d'emploi, ce qui est particulièrement préoccupant car l'emploi a donné les résultats les moins tangibles dans le cadre de l'initiative globale. Il entrave également la capacité des partenaires sociaux à contribuer à la conception, à la mise en œuvre et à l'évaluation de la stratégie.
En outre, la CES regrette l'absence de consultation à mi-parcours - y compris la consultation des partenaires sociaux - sur la stratégie susmentionnée. Un tel exercice est crucial pour modifier le déploiement de la stratégie dans ses phases ultérieures et apporter des améliorations tangibles aux travailleurs handicapés et à leurs familles.
Afin d'améliorer les conditions de travail des travailleurs handicapés et leur intégration sur le marché du travail, la CES appelle aux demandes suivantes et identifie les domaines dans lesquels des actions supplémentaires sont nécessaires :
La CES appelle à la révision de la stratégie de l'UE pour les droits des personnes handicapées et du paquet emploi. La révision doit identifier les domaines d'intervention future aux niveaux national et européen.
Mise en place d'aménagements raisonnables pour les travailleurs handicapés : La directive européenne 2000/78/CE, qui établit un cadre général pour l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, exige des employeurs qu'ils prévoient des aménagements raisonnables sur le lieu de travail pour les employés handicapés. Il s'agit à la fois d'un droit pour le travailleur et d'une obligation pour l'employeur qui doit être respectée. La négociation collective et le dialogue social entre les employeurs et les syndicats jouent un rôle essentiel dans la négociation et la mise en œuvre de mesures d'aménagement raisonnable du lieu de travail pour les personnes handicapées. La CES a compilé les meilleures pratiques démontrant comment la négociation collective et le dialogue social peuvent permettre des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées dans différents pays et secteurs industriels. L'adaptation du temps de travail peut également être un moyen de fournir des aménagements raisonnables sur le lieu de travail.
Améliorer le fonctionnement des ateliers protégés : La CES reconnaît que, dans certains États membres, les ateliers protégés offrent des possibilités d'emploi de qualité et des services sociaux supplémentaires aux personnes handicapées. Cependant, la CES est profondément préoccupée par la qualité variable de ces arrangements, qui peuvent compromettre les droits du travail et les droits de l'homme au sens large dans certains pays européens. Les ateliers protégés ne doivent pas devenir des lieux de pratiques discriminatoires. Les travailleurs des ateliers protégés devraient recevoir des salaires au moins égaux au salaire minimum et à ceux spécifiés dans la convention collective applicable au secteur. Ces établissements devraient être équipés de manière adéquate pour fournir des conseils professionnels et une formation à leurs travailleurs. Les fonds publics, y compris ceux de l'UE, devraient soutenir ces ateliers, tandis que des amendes devraient être imposées aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière de travail. Les ateliers protégés devraient servir de tremplin vers l'intégration dans le marché du travail ouvert. Le personnel professionnel bénéficiant de bonnes conditions de travail devrait soutenir activement et faciliter ce parcours, tout en reconnaissant que la transition peut ne pas être possible pour tous les individus au sein du groupe des travailleurs handicapés. Le rôle crucial des services publics de l'emploi dans l'assistance aux ateliers protégés et le contrôle des conditions de travail nécessite un financement adéquat.
L'autonomie et l'autodétermination des personnes handicapées devraient être garanties, en veillant à ce qu'elles soient libres de faire leurs propres choix concernant leur participation au marché du travail et à la société dans son ensemble, sans que des décisions leur soient imposées. Cela inclut le plein exercice de leurs droits du travail, y compris les syndicaux.
Assurer la compatibilité des salaires et des prestations d'invalidité : Les prestations d'invalidité sont des systèmes d'aide fondamentaux qui couvrent les coûts supplémentaires liés aux handicaps. Assurer la continuité et la compatibilité de ces droits avec les salaires est essentiel pour une qualité de vie décente.
Assurer le maintien et la prévention des maladies chroniques : La CES souligne l'importance du principe de précaution, tel qu'il est inscrit dans l'acquis communautaire en matière de santé et de sécurité au travail, qui tient les employeurs pour responsables de l'évaluation des risques sur le lieu de travail et de la mise en œuvre de mesures préventives visant à garantir la sécurité et la santé au travail. Les employeurs doivent se conformer à leurs obligations en matière de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, telles qu'établies par l'acquis législatif européen en matière de SST. Ils doivent notamment consulter les syndicats et respecter la hiérarchie des mesures préventives. La négociation collective et le dialogue social restent indispensables pour compléter ces efforts de prévention. Les syndicats et les conventions collectives sont des outils essentiels pour maintenir les travailleurs atteints de maladies chroniques et prévenir les risques pour la santé au travail. En outre, l'accord-cadre sur le vieillissement actif et une approche intergénérationnelle comprend des bonnes pratiques pour le maintien des travailleurs dans des conditions de qualité sur le lieu de travail, qui méritent d'être prises en compte dans le domaine des maladies chroniques. Les services de santé au travail jouent un rôle essentiel dans la prévention et doivent rester indépendants des intérêts des employeurs. Leur fonction première devrait être la prévention plutôt que le seul contrôle de l'état de santé. Enfin, les mesures de retour au travail pour les travailleurs handicapés et/ou atteints de maladies chroniques devraient être mises en œuvre en concertation avec les syndicats. Lorsque les conditions de travail sont à l'origine de maladies chroniques ou d'accidents, les mesures de retour au travail devraient être retardées jusqu'à ce que les causes soient traitées. Étant donné qu'il n'est peut-être pas possible d'éliminer complètement les causes des maladies professionnelles chroniques sur tous les lieux de travail, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour protéger les travailleurs. Cela inclut le remplacement ou la réduction de l'exposition nocive, et la mise à disposition des travailleurs de ressources appropriées (telles que la prévention individuelle, les mesures de réadaptation, etc.) pour leur permettre de continuer à travailler, s'ils le souhaitent, malgré la maladie chronique.
Améliorer les statistiques et la disponibilité des données sur les travailleurs handicapés. Début 2024, Eurostat a mis à disposition une base de données qui facilite l'accès aux statistiques européennes comparatives sur les personnes handicapées. Cette base de données couvre un large éventail de domaines, notamment l'accès à l'emploi et la participation sociale. Toutefois, il existe un besoin pressant de collecter de nouvelles données, notamment en ce qui concerne les types de handicaps et les voies d'accès au marché du travail ouvert. En outre, il n'existe pas de statistiques sur les personnes handicapées exerçant leurs droits à la mobilité au sein de l'UE. Ces données sont essentielles, compte tenu des engagements énoncés dans la directive relative à la carte européenne d'invalidité. Les statistiques devraient être collectées et affichées de manière à respecter la confidentialité des informations personnelles et à ce qu'aucun individu ne soit contraint de divulguer ces informations, afin de garantir le respect de la vie privée, la sécurité et la protection des choix personnels.
Soutenir la mobilité : Alors que les statistiques indiquent qu'un nombre limité de personnes handicapées se déplacent pour trouver un emploi, l'amélioration des droits à la mobilité reste essentielle pour favoriser l'inclusion et l'égalité des chances au sein de l'Union européenne. En 2024, la directive relative à la carte européenne d'invalidité a été adoptée, marquant une étape importante vers l'amélioration de l'accessibilité et de l'inclusivité dans les États membres de l'Union européenne. Bien que cet accord représente un progrès, il est impératif de relever les défis liés aux droits des personnes handicapées qui exercent leur droit de travailler et d'étudier à l'étranger. La CES plaide depuis longtemps en faveur de l'accès à l'aide et aux allocations pour les personnes handicapées qui se déplacent au sein de l'UE. Il est décevant que cette demande spécifique n'ait pas été incorporée dans l'accord. Néanmoins, la Commission européenne s'est engagée à poursuivre la recherche sur les obstacles à la liberté de circulation. La CES continuera à plaider en faveur de mesures globales qui promeuvent l'accessibilité, l'égalité et la justice sociale pour tous les individus dans les États membres de l'Union européenne
Formation et compétences : l'emploi des personnes handicapées doit accorder la priorité à l'importance significative de la formation inclusive. Celle-ci fournit les outils nécessaires pour promouvoir une participation active à la vie professionnelle et sociale. Des efforts plus importants sont nécessaires pour renforcer un modèle éducatif capable d'adopter des méthodologies d'enseignement innovantes et inclusives, y compris des technologies d'assistance, afin de faciliter l'éducation et la formation professionnelle des personnes handicapées.
Cette résolution relance également l'engagement de la CES et de ses organisations membres à être accessibles et accueillantes pour les travailleurs handicapés dans l'ensemble de leur structure. Elle intensifie également les efforts d'organisation de ce groupe et leur représentation au sein des structures et de la gouvernance syndicales.
Pour coordonner l'évaluation syndicale et les propositions relatives aux différents instruments du paquet, la CES a mis en place une taskforce syndicale des travailleurs handicapés, composée de membres de la CES activement impliqués dans l'organisation et la protection des travailleurs handicapés.
La CES s'engage à poursuivre le travail de la task force et à mettre en œuvre la stratégie avec le Forum européen des personnes handicapées (FEPH). Elle encourage également les organisations membres de la CES à renforcer la coopération entre les syndicats et les organisations représentant les personnes handicapées au niveau national.