Bruxelles, 1-2/12/2009
{{Introduction
}}
Le 20 octobre 2006, la Commission européenne a lancé une consultation en deux étapes des partenaires sociaux européens sur la question de la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale. La CES s’est largement exprimée à ce sujet .
[[Position de la CES lors de la première phase de la consultation:http://www.etuc.org/a/3195 et Position de la CES sur la deuxième phase de consultation: http://www.etuc.org/a/3911]]
En ce qui concerne l’actualisation du cadre réglementaire, la Commission a consulté les partenaires sociaux à propos de :
a) la mise en œuvre de nouveaux types de congés: congé de paternité, congé pour s’occuper de membres de la famille à charge, congé d’adoption ;
b) l'amélioration de la protection de la maternité (directive 92/85/CEE sur les travailleuses enceintes) dans trois domaines : durée du congé, niveau de rémunération, protection des femmes à leur retour de congé de maternité ;
c) des améliorations aux dispositions communautaires en matière de congé parental afin de mieux remplir les objectifs de la directive 96/34/CE sur le congé parental, basée sur un accord-cadre des partenaires sociaux européens.
En ce qui concerne la proposition de révision de la directive sur les travailleuses enceintes, la CES a salué le soutien de la Commission à propos de la nécessité de réviser et d’améliorer cette directive. La CES a convenu de la nécessité de renforcer la directive dans les domaines mentionnés ci-dessus, soutenu une extension du congé à 18 semaines et exigé en particulier des garanties de paiement plus solides pendant le congé de maternité.
Toutefois, la CES a aussi exigé de renforcer la dimension santé et sécurité de la directive, notamment en termes de prévention et d’évaluation des risques, et a insisté sur la nécessité de renforcer le droit à des installations d’allaitement. La CES a attiré l'attention sur un autre point important, à savoir la nécessité d’étendre la protection à toutes les travailleuses qui occupent des formes d'emploi atypiques, y compris les travailleuses domestiques.
De plus, la CES a aussi évoqué la nécessité de mettre la directive de l’UE en conformité avec la convention 103 de l’OIT (convention sur la protection de la maternité) révisée en 2000 et les recommandations qui lui sont attachées (recommandations 191 de l’OIT).
Parallèlement, les partenaires sociaux européens ont travaillé ensemble à la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale, notamment en envoyant une lettre conjointe sur les services de garde d’enfants (7 juillet 2008), et ils ont négocié une révision de leur accord sur le congé parental (18 juin 2009) qui rend notamment une partie du congé parental non transférable afin de promouvoir le rôle des pères. Ils ont cependant renoncé à une action conjointe sur la révision de la directive sur les travailleuses enceintes et sur de nouvelles formes de congés (bien qu'ils se réfèrent au congé d'adoption dans le texte révisé de l'accord sur le congé parental).
Procédure dans le PE
En octobre 2008, la Commission européenne a présenté une proposition de révision de la directive sur les travailleuses enceintes dont le Parlement européen et le Conseil débattent depuis.
En janvier 2009, la CES a présenté son point de vue sur les propositions pendant une séance du Parlement européen. Puis, elle a fait connaître sa position par écrit aux commissions responsables dans le PE (la commission des droits de la femme – FEMM - qui était la commission principale, et le comité de l'emploi – EMPL). Cette position était basée sur des discussions dans le comité des femmes de la CES (voir annexe). Dans ce document, la CES préconisait non seulement de renforcer tout particulièrement la dimension santé et sécurité de la directive, mais elle suggérait aussi de mettre en œuvre un droit au congé de paternité dans le contexte d'une base juridique élargie (c'est-à-dire l'égalité de traitement) de la directive.
Des contacts informels ont eu lieu avec les rapporteurs des deux commissions pour préciser les points de vue de la CES, et des propositions d'amendement ont été remises aux rapporteurs et à d'autres eurodéputés favorables à nos positions.
Au printemps, les points suivants sont clairement apparus :
D'une part, les deux commissions du PE ont apporté leur soutien général aux propositions de la CES de renforcer les dimensions santé et sécurité de la directive, d’étendre sa protection aux travailleuses ‘atypiques’ et notamment aux travailleuses domestiques, d’assurer la pleine protection du salaire des femmes et des droits liés à l'emploi pendant le congé de maternité, et de mettre en œuvre des dispositions visant à soutenir les femmes allaitantes.
D'autre part, peu de progrès ont été réalisés, en particulier dans le Comité des femmes, dans le but de trouver un accord général entre les différents groupes politiques, nécessaire pour que le vote obtienne un soutien majoritaire en première lecture. Le débat s'est concentré sur la durée du congé (propositions allant des 14 semaines actuelles à 24 semaines), la question de savoir si le congé de maternité doit être exclusivement destiné aux femmes ou s’il peut être partagé avec les pères, la mise en œuvre de nouvelles formes de congés (notamment un congé de paternité que certains veulent même rendre 'obligatoire'), et la nécessité de disposer de mesures élaborées et détaillées pour encourager l'allaitement.
Malheureusement, la tentative de faire voter le rapport en première lecture lors de la dernière séance plénière du PE avant sa suspension en raison des élections a échoué parce que le PPE a refusé de le voter.
Et ce dans un contexte de signaux très clairs provenant du groupe de travail du Conseil : trouver un accord dans le Conseil sur les propositions plus modestes de la Commission serait déjà très difficile, en particulier en raison des implications financières d'un congé de maternité plus long.
Entre-temps, le nouveau Parlement a repris son travail sur ce dossier, et les commissions EMPL et FEMM préparent leurs rapports révisés. Des signes montrent qu'au sein de la commission FEMM en particulier, certains en reviennent à leurs positions antérieures - quelques-unes s'inspirant de réalités législatives ou politiques très nationales ou d'idées très utopiques -, comprennent mal la nécessité d’adopter une approche plus 'européenne' sur certaines questions et tentent de trouver des compromis raisonnables pour obtenir le soutien majoritaire nécessaire en séance plénière du PE.
Le 11 novembre, la CES a rencontré des eurodéputés au Bureau de l'Intergroupe syndical pour discuter de la situation actuelle.
Il s’est clairement avéré que l'on pourrait obtenir le soutien d'une majorité dans le PE si l’on se concentre sur des questions fondamentales de la directive sur les travailleuses enceintes : une meilleure protection de la santé et de la sécurité des femmes enceintes et des jeunes mères en convenant d’un congé de maternité d'une durée raisonnable de 18 semaines, avec une pleine protection des revenus et en laissant de côté le congé de paternité. Cependant, rien ne prouve pour l'instant qu'une telle approche intéressera le rapporteur (socialiste) de la commission FEMM (Edite Estrela) et d'autres eurodéputés de sa commission.
Dans le calendrier du PE, la commission EMPL discutera et votera un rapport révisé (rapporteur Rovana Plumb) les 1er et 2 décembre 2009, et l'on s'attend à ce que la commission FEMM discute et vote un rapport Estrela révisé en janvier.
Actuellement, les eurodéputés des différents groupes politiques attendent de la CES des indications quant à la marche à suivre.
Pour la CES, la directive sur les travailleuses enceintes, qui protège la santé et la sécurité au travail des femmes enceintes ou accouchées, est une directive de politique sociale importante qu’il faut considérer comme une composante majeure d'un ensemble plus large de mesures visant à favoriser l'équilibre entre la vie professionnelle et familiale. De l’avis de la CES, on ne peut donc s'attendre à ce que cette directive traite seule de toutes les politiques et mesures nécessaires pour promouvoir l'égalité des genres et une répartition plus équitable des tâches entre les hommes et les femmes.
Le secrétariat de la CES est de plus en plus préoccupé par le fait que certains eurodéputés semblent désireux de sacrifier des améliorations potentiellement très importantes et pertinentes pour les femmes au travail dans le but notamment de renforcer le rôle des pères dans l'éducation des enfants.
C'est pourquoi le secrétariat de la CES demande le soutien du comité exécutif pour promouvoir une position majoritaire au parlement en ce qui concerne les points suivants :
Une révision de la directive sur les travailleuses enceintes devrait de préférence :
- renforcer la dimension santé et sécurité de la directive, notamment en termes de prévention et d'évaluation des risques, et veiller à ce que les représentants des travailleurs soient consultés à propos de ces mesures ;
- répondre au besoin de protéger également la santé génésique des hommes et des femmes ;
- étendre son champ d'application aux travailleuses occupant des formes d'emploi 'atypiques', en particulier les travailleuses domestiques ;
- étendre sa base juridique à l'égalité de traitement pour souligner le fait que la protection des femmes en tant que mères (potentielles) ne doit pas influencer de manière négative leur emploi et leurs possibilités de carrière ;
- prévoir un congé de maternité d'au moins 18 semaines (proposé par la Commission européenne et conforme à la recommandation 191 de l'OIT) ;
- garantir le paiement du salaire total des femmes ou l'équivalent de la totalité du dernier salaire mensuel pendant le congé de maternité ;
- donner des garanties adéquates pendant le congé de maternité en ce qui concerne d’autres revenus et les perspectives de carrière, y compris les droits à la retraite ;
- renforcer le droit des femmes à retrouver le même emploi ou un emploi équivalent à leur retour de congé de maternité ;
- prévoir une protection adéquate contre le licenciement au moins pendant les six mois qui suivent le retour de congé de maternité ;
- mettre en œuvre une disposition simple et souple donnant aux femmes le droit de prendre une ou plusieurs pauses pour allaiter leur enfant, conformément à la convention 183 de l'OIT.
La CES partage le point de vue selon lequel une répartition plus équitable des tâches d’éducation des enfants entre les hommes et les femmes doit nécessairement donner la possibilité au père de créer le plus tôt possible des liens avec son enfant nouveau-né (par exemple grâce à un congé de paternité spécifique) et offrir aux hommes et aux femmes des opportunités plus larges en ce qui concerne le congé parental, la garde des enfants et la flexibilité des horaires de travail.
Cependant, il ne faut pas confondre ces questions avec le besoin permanent de protection des femmes enceintes et accouchées et de leur enfant nouveau-né ou à naître pendant la grossesse et l’accouchement, en ce qui concerne la protection de la santé et de la sécurité et un congé de maternité suffisamment long pour permettre aux femmes de se rétablir physiquement. C'est pourquoi la CES s'oppose fermement aux suggestions visant à réduire la durée minimale d'un congé de maternité, fixée au niveau de l'UE, pour transférer une partie de ce congé aux pères.
Si et dans la mesure où aucune majorité ne se dégage dans le Parlement pour inclure un droit spécifique au congé de paternité dans la révision actuelle de la directive sur les travailleuses enceintes, la CES mettra la pression sur le PE et d'autres institutions européennes pour que l'on poursuive une initiative communautaire distincte sur cette question afin d’éviter de bloquer les progrès de la directive révisée sur les travailleuses enceintes.
Le comité exécutif de la CES est invité à approuver cette démarche et à soutenir le secrétariat de la CES dans toute tentative visant à trouver un compromis acceptable sur ce dossier, qui renforcera la position des travailleuses dans les domaines mentionnés ci-dessus.
Annexe :
- Position de la CES concernant la révision de la Directive sur les travailleuses enceintes