Pour la CES, la bonne question n’est pas si mais comment faire diminuer les dettes publiques. Comme expliqué ci-dessus, l’austérité ne permettra pas de reprendre le contrôle de la dette. Ce qu’il faut faire au contraire, c’est prendre le contre-pied de la politique d’austérité. Assurer et transformer la relance en un processus de croissance autonome doit être prioritaire. La diminution des déficits interviendra par la suite, ce qui sera quasi automatique du fait de la reprise de l’économie. L’Europe ne pourra se débarrasser de ses dettes que par la croissance et en créant de nouveaux emplois plutôt que de les détruire. L’austérité doit être remplacée par des actions de stimulation.
Cette stimulation ne viendra toutefois pas des états membres individuels. Alors qu’une partie de l’Europe est victime du pessimisme excessif des marchés financiers, l’autre partie espère une nouvelle fois profiter de la situation en augmentant ses exportations, et en laissant la politique de stimulation à d’autres. Tout le monde attend que quelqu’un d’autre relance l’économie.
Pour lui donner l’impulsion nécessaire, L’Europe doit mobiliser sa ‘force d’agir ensemble’ et jouer elle-même un premier rôle politique en lançant une ‘Initiative européenne pour la dette et les investissements’ axée autour des six points suivants :
- L’Europe doit lancer une ‘euro-obligation verte’ faisant ainsi appel aux excédents d’épargne du secteur privé tant à l’intérieur de l’Europe qu’à l’extérieur. Avec une dette pratiquement inexistante au niveau européen, et avec la Banque centrale européenne soutenant la liquidité de ce nouvel instrument financier, les marchés financiers et les agences de notation de Wall Street auront du mal à provoquer des vagues de spéculation auto-réalisatrice contre une euro-obligation unique.
- L’Europe doit emprunter seulement pour investir. Les ressources financières produites par l’euro-obligation doivent soutenir une relance basée sur les investissements visant à développer les infrastructures pour un verdissement de l’économie européenne (par exemple, un réseau électrique européen intelligent, des investissements dans les énergies renouvelables,…).
- Les investissements et la relance économique doivent en retour être consacrés à une réduction progressive mais continue des déficits nationaux. Une relance, basée sur des investissements européens, produira de nouvelles recettes pour les états membres tout en réduisant leurs dépenses liées aux prestations sociales. Cela permettra aux états membres de commencer à réduire leur déficit et à contrôler leur dette publique tout en évitant le piège de l’austérité de faire échouer la relance économique et de détruire l’emploi.
- En même temps, l’Europe doit ajuster le rythme de la réduction du déficit. Il faut en effet qu’elle soit réaliste et reconnaisse que l’objectif de réduire les déficits de plus de 3% du PIB d’ici à trois ans n’est pas possible, d’autant que les taux d’intérêt sont déjà à un niveau proche de zéro. L’Europe devrait revoir son horizon de temps et fixer son objectif de 3% de déficit pour 2016-2017 au lieu de 2012-2014.
- Sauver la monnaie unique. La crise met aussi une pression énorme sur la zone euro. Ni la politique monétaire (et son taux d’intérêt unique pour toute la région), ni les diminutions de salaires (qui provoquent une déflation) ne sont capables de préserver les pays ‘déficitaires’ d’un ralentissement continu et sévère de leurs économies. Pour rééquilibrer l’économie et sauvegarder la cohésion économique, la zone euro a besoin d’un nouvel outil. En favorisant la demande d’investissements supplémentaires dans les pays ‘déficitaires’, l’Initiative européenne pour la dette et les investissements agirait en tant qu’un tel outil de ‘rééquilibrage’. Les pays, forcés de poursuivre une politique plus sévère de réduction du déficit, ont besoin de davantage de demande et d’investissements pour les aider à mener cette tâche à bien.
- Des sources européennes de (nouveau) financement pour le service de la dette européenne. Certaines catégories de revenus échappent de plus en plus aux autorités fiscales nationales parce que le marché interne européen permet aux gouvernements d’être systématiquement mis en concurrence. S’attaquer à cette situation rétablira non seulement la justice fiscale en Europe, mais nous donnera aussi les moyens de nous sortir de la crise en faisant payer ceux qui ont systématiquement profité des politiques de libéralisation. Une taxe européenne sur les transactions financières et une taxe européenne minimum sur les bénéfices des entreprises sont deux des propositions.