Février 2007
Parmi les priorités sociales de la CES figure le maintien d'un environnement sain pour les travailleurs et leur famille. Les syndicats ont le devoir de prendre une part active dans la résolution des problèmes provoqués par le changement climatique.
Cette question n'appartient plus au seul domaine des experts environnementaux. Elle affecte les droits des citoyens et la démocratie, et doit être abordée également au niveau du dialogue social et de la négociation collective.
Les faits concernant le changement climatique
Au cours des 100 dernières années, la température moyenne mondiale a augmenté de 0,7°C, et même plus en Europe, d'environ 1°C. La décennie débutant en 1990 a été la plus chaude des 150 dernières années [[ Source : Agence européenne pour l'environnement ]], certaines années ayant connu les températures les plus chaudes jamais enregistrées. Si aucune mesure n'est prise et que la tendance continue, les températures sont susceptibles d'augmenter d'1,4 à 5,8°C d'ici 2100, les accroissements les plus élevés se situant en Europe orientale et méridionale. Dans les pays méditerranéens, les pluies d'été pourraient diminuer de 20 à 40% d'ici 2080.
Il existe, à l'heure actuelle, une accumulation de preuves et un très large consensus sur le fait que ce processus est dû à l'activité humaine, et principalement à l'émission des gaz à effet de serre. Ces gaz s'accumulent dans l'atmosphère de la terre, piégeant la chaleur du soleil.
Les six principaux gaz à effet de serre sont les suivants :
• le dioxyde de carbone (CO2) - représente 75% des émissions
• le méthane (CH4)
• l'oxyde nitreux (N2O)
• trois gaz mis au point pour des applications industrielles : les hydrofluorocarbones (HFC), les perfluorocarbones (PFC), et les hexafluorures de soufre (SF6).
Si ce réchauffement persiste, il influencera la disponibilité de l'eau, la productivité agricole et la biodiversité, et génèrera un nombre croissant d'événements atmosphériques extrêmes tels que des ouragans, des feux de forêt et des inondations.
L'élévation de la température de la mer fait fondre des glaces maritimes dans les régions artiques - mettant en danger la faune de ces régions. Les scientifiques du British Antarctic Survey (Étude britannique de l'Antarctique) prédisent que les ours polaires pourraient disparaître dans 50 ans. À mesure que les niveaux des eaux s'élèveront, elles inonderont de vastes zones dans les pays de faible altitude comme les Pays-Bas.
Il est largement prédit qu'une augmentation supérieure à 2°C des températures mondiales constituerait le « point de non-retour », où le réchauffement apporterait des changements irréversibles aux écosystèmes, à la production alimentaire et à l'approvisionnement en eau. Pour éviter d'atteindre ce point, il faut réduire les émissions mondiales d'au moins 50 % d'ici 2050, disent les experts - beaucoup plus que les 5% pour lesquels les pays développés se sont déjà engagés.
Le coût du changement climatique
Le récent rapport de l'ancien économiste de la Banque mondiale, Sir Nicholas Stern, rédigé pour le gouvernement britannique, prédit que les conditions météorologiques extrêmes pourraient réduire le PIB global jusqu'à 1%. Une élévation de 2 à 3°C de température pourrait réduire la production économique mondiale de 3%, atteignant 10% si les températures s'élèvent de 5° C. Dans le scénario le plus défavorable, la consommation mondiale par habitant pourrait diminuer de 20%.
Ces chiffres sont renforcés par les estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). En effet, peu de scientifiques ont été capables de mettre une valeur monétaire sur le coût du changement climatique, mais un modèle de l'université de Cambridge (PAGE 2002) prévoyait des dommages de 74 trillions d'euros si les gouvernements poursuivent leurs activités et affaires et cela pour les deux siècles à venir.
Le coût de la réalisation de réductions drastiques des émissions
Les coûts augmenteront à mesure que le monde abandonnera la filière du combustible à haute teneur en carbone pour une filière plus sobre. Mais il y aura aussi des possibilités de profits au fur et à mesure que les marchés des biens et services d'une économie sobre en carbone et à haute efficacité se développeront. Dans le rapport Stern, le coût annuel de la stabilisation des concentrations de CO2 [équivalant dans l'atmosphère à 500-550ppm (parties par millions)] afin de rester sous l'objectif de 2°C, est estimé à environ 1% du PIB d'ici 2050 - un niveau qui est « important mais gérable ».
Cependant, une grande partie des investissements nécessaires pour combattre le changement climatique est récupérable. A titre d'exemple, selon une estimation, les économies en matière de santé et concernant les contrôles de la pollution de l'air pourraient couvrir 50% du coût nécessaire pour atteindre les objectifs de Kyoto.
Le protocole de Kyoto
Le protocole de Kyoto à la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) a été signé en décembre 1997 et est entré en vigueur le 16 février 2005. Il oblige, d'ici 2008-2012, les 15 pays de l'UE et la plupart des 10 États membres les plus récents à réduire leurs émissions de 8%, comparativement aux niveaux de 1990.
Les données d'émissions récentes (2004) montrent que l'UE collectivement, et un grand nombre d'États membres de l'ONU, sont encore loins de leurs objectifs de réduction de Kyoto.
Cependant, la communauté internationale est encore en train de négocier l'orientation du protocole de Kyoto après 2012, mais les progrès sont très lents.
Source : Commission européenne
L'impact sur l'emploi
La CES estime que le changement climatique offre de réelles opportunités pour créer de l'emploi dans les nouvelles industries et technologies nécessaires pour relever ce défi.
L'innovation environnementale peut encourager la création d'emplois en Europe, tout en favorisant le développement durable dans le monde.
Par exemple :
Dans le rapport Environnement et emploi 2006 des Amis de la terre en Allemagne, il est estimé que le secteur environnemental emploie 1,5 million de personnes dans la seule Allemagne: soit 3,8% de la population active. Ce chiffre pourrait doubler d'ici 2020 si l'industrie exploite son potentiel complet.
En Espagne, le nouveau code de construction adopté en mars 2006 impose le recours aux ressources en énergie thermique dans les constructions nouvelles et réhabilitées. Cette mesure est appelée à créer 5.000 nouveaux emplois d'ici 2010.[[ Source : Plan d'action en faveur des écotechnologies (PAET) ]]
Le rapport Stern lance un appel pour la création de 100.000 nouveaux emplois grâce aux investissements en technologie verte.
En 1998, l'industrie européenne fondée sur l'énergie éolienne employait 25.000 personnes. En 2005, celle-ci avait atteint le chiffre de 72.000 [[ Source : Commission européenne ]] personnes. Les entreprises de l'UE fournissent 90% du marché global de l'énergie verte, dont la valeur est estimée à 80 milliards d'euros d'ici 2020.
Les éco-industries se développent à un rythme annuel de 5% dans l'Union européenne. D'ici 2010, on estime que le marché global des produits et services favorables à l'environnement atteindra environ 700 milliards d'euros.
La CES appelle à une nouvelle stratégie de l'UE
La CES considère le changement climatique comme une des menaces les plus sérieuses auxquelles la planète est confrontée. Elle préconise une politique européenne ambitieuse qui fasse preuve de solidarité avec les pays du sud qui connaissent des problèmes de développement, ces derniers étant aussi les principales victimes du changement climatique. Elle insiste auprès de la Commission européenne et des États membres pour qu'ils acceptent d'urgence de nouveaux objectifs de réduction des émissions dans l'UE après 2012, sans attendre d'accord international.
La CES demande une réduction d'environ 25% des émissions des gaz à effet de serre d'ici 2020 et d'environ 75% d'ici 2050, conformément aux conclusions du Conseil Environnement et du Conseil européen, de mars 2005. Pour que les pays plus pauvres puissent se développer dans l'avenir, il est indispensable que les pays riches déploient des efforts à une telle échelle.
En octobre 2006, le Comité exécutif de la CES a adopté une résolution établissant les éléments essentiels d'une future politique européenne en matière de changement climatique, à savoir :
- Les mesures devraient être appliquées pour couvrir tous les gaz à effet de serre ainsi que tous les secteurs, y compris l'aviation, le transport par route et le transport maritime;
- L'UE doit continuer à mettre la pression sur les pays développés qui n'ont pas signé le protocole -notamment les États-Unis et l'Australie - et trouver les moyens d'inclure les pays en développement dans le processus.
- La charge doit être partagée équitablement entre tous les différents secteurs, non seulement celui de la fabrication mais aussi du résidentiel et du transport, où les émissions grimpent de manière abrupte.
- La recherche et l'innovation doivent être renforcées pour accélérer les progrès technologiques.
- Les nouvelles stratégies pour le transport durable doivent être coordonnées au niveau de l'Union européenne, en accordant la priorité aux projets écologiques comme le transport combiné route-rail et les voies navigables, financés éventuellement par des taxes sur le frêt de l'aviation civile ou maritime.
- Une législation visant à limiter les emissions de CO2 des voitures doit être adoptée.
- Une stratégie européenne en faveur de la mobilité durable des travailleurs, dans le cadre de plans de mobilité des entreprises.
- Accroître les efforts pour diversifier les sources d'énergie, et spécialement les énergies renouvelables (en se conformant à la demande du Parlement européen que 20% de l'énergie provienne de sources renouvelables d'ici 2020).
L'implication des syndicats et des travailleurs
La CES craint que le changement climatique ainsi que les décisions politiques nécessaires pour freiner celui-ci auront inévitablement un impact sur les emplois, les conditions de travail et les revenus dans de nombreux secteurs.
Pour cette raison, les partenaires sociaux doivent être impliqués. La CES a lancé un appel en faveur d'un nouveau cadre européen de dialogue tripartite sur le changement climatique, impliquant les partenaires sociaux et la Commission.
Selon la CES, les changements radicaux nécessaires offriront également de nouvelles opportunités. A titre d'exemple, une moindre dépendance à l'égard des ressources naturelles peut être couplée à une utilisation plus intensive de la main-d'œuvre. Davantage de recherches sont nécessaires concernant l'impact du changement climatique sur l'emploi, afin que les décisions politiques correctes soient adoptées.
Les travailleurs et leurs représentants doivent être impliqués dans la négociation et la mise en œuvre des politiques en matière d'énergie et de climat, aux plans sectoriels et multisectoriels, dans les entreprises et sur les lieux de travail, au plan national et de l'Union européenne, au niveau des conseils d'entreprises européens et des comités sectoriels de dialogue social.
La CES propose en particulier:
- de recentrer la stratégie européenne de l'emploi sur la création d'emplois engendrés par les technologies du changement climatique;
- de veiller à ce que « la transition sociale vers une économie sobre en carbone » fasse partie du mandat du Groupe de travail de restructuration de la Commission;
- de réviser la directive sur les conseils d'entreprises européens afin de donner aux travailleurs le droit à l'information, la consultation et la participation concernant les questions liées à l'environnement au niveau de l'UE.
Le CES accueille avec satisfaction le Livre vert programmé sur l'adaptation au changement climatique et demande qu'il mette l'accent sur les emplois et les populations qui sont particulièrement vulnérables.
En février 2007, la CES tiendra une importante conférence sur le thème L'emploi dans une Europe sobre en carbone, en coopération avec la Commission européenne, un certain nombre de ministres de l'environnement des États membres et d'autres partenaires. Au cours de cette conférence, la CES présentera les résultats d'une recherche montrant l'impact du changement climatique sur l'emploi et les politiques en matière de changement climatique.