novembre 2007
La CES a dégagé les cinq principes de base d’un travail décent :
- mettre la fin aux emplois précaires qui ne sont pas seulement défavorables aux travailleurs, mais aussi nuisent au marché du travail et à l’économie. Ils minent les conditions de travail, la santé et la sécurité, génèrent des salaires de pauvreté et compromettent la cohésion sociale ;
- une meilleure organisation de travail afin de créer un environnement où les travailleurs sont pleinement informés et consultés, capables de réaliser un équilibre entre les exigences du travail et de la vie familiale et ont la possibilité d’un apprentissage tout au long de la vie afin d’améliorer leurs compétences et leurs qualifications ;
- une forte législation en matière de protection de l’emploi, qui, loin d’être un obstacle à un marché du travail dynamique, peut engendrer l’investissement dans le capital humain et l’innovation ;
- des systèmes de protection sociale qui offrent la sécurité aux quatorze millions d’Européens qui changent d’emploi chaque année ;
- un dialogue social, des conventions collectives et l’implication totale des partenaires sociaux dans les décisions relatives à la réforme du marché du travail.
Beaucoup d’Européens n’ont pas d'emploi décent
Les gens souhaitent un emploi décent. La Fondation européenne pour
l'amélioration des conditions de vie et de travail a constaté dans sa Quatrième enquête européenne sur les conditions de travail que la sécurité d’emploi constitue le facteur le plus important de la satisfaction au travail. Un horaire de travail régulier est également important pour la qualité de la vie et l’équilibre entre les responsabilités professionnelles et familiales : 40% des travailleurs qui assument de longues heures de travail sont insatisfaits de leur situation.
En moyenne, 22% des travailleurs européens (35 millions de personnes) ont des contrats hors standard, le pourcentage le plus important se situant en Pologne et en Bulgarie. Dans toute l’Europe, presque la moitié des jeunes gens travaillent sous contrat temporaire avec une proportion importante en Espagne et en Pologne (depuis 33% en 2001 à 69% en 2006) – voir le tableau I.
Plus de la moitié des travailleurs employés dans le cadre d’un contrat à durée déterminée souhaiteraient un travail permanent alors que huit millions des travailleurs à temps partiel sont incapables de trouver un travail à temps plein.
Plus de 70% des employés déclarent n’avoir reçu aucune formation de leur employeur, et la proportion dépasse les 90% dans les nouveaux États membres et a encore augmenté les cinq dernières années – voir tableau II.
Tableau II : formation organisée par l’employeur
Dans les 12 derniers mois avez-vous suivi une formation payée ou organisée par l’employeur?
- 2000 UE 15 - 30,6%
- 2005 UE 15 - 27,3%
- 2005 UE 25 - 27,1%
- 2005 Europe du Nord - 40%
- 2005 nouveaux États membres et pays en voie d'adhésion - 6-10%
Nombre de jours moyen par travailleur
- 2000 UE 15 - 14,3
- 2005 UE 15 - 11,4
- 2005 UE 25 - 10,6
Le <em>Rapport conjoint sur l’emploi 2006-2007</em>[[Publié en février 2007]] confirme que la participation des adultes à un apprentissage tout au long de la vie a stagné ou a diminué dans 20 États membres de l’Union européenne et que les mesures pour concilier le travail et la vie familiale sont toujours inadéquates.
Dans certains États membres l’augmentation de certains “McJobs” – emplois peu qualifiés, mal payés, sans prestige et sans perspective d’avenir – servent à attirer les travailleurs illégaux et non qualifiés et à favoriser leur exploitation. Une réglementation sévère, renforcée par des systèmes d’inspection sur les lieux de travail, est nécessaire pour identifier et pénaliser les employeurs coupables et éliminer la concurrence déloyale qui mine les entreprises bien gérées.
Dans l’UE, il y a plus de 150.000 décès chaque année du fait d’accidents (8.900) ou de maladies (142.000) d’origine professionnelle[Source: <em>[Decent work - Safe work, ILO 2005]]. Les maladies professionnelles les plus fréquentes sont les douleurs lombaires (29%), les douleurs musculaires (28%), la fatigue et le stress (27%), dont souffrent principalement les travailleurs des secteurs de l’agriculture, de la santé et de l’éducation, et de la construction[Source: <em>[Quatrième enquête européenne sur les conditions de travail]]. Environ 340 millions de journées de travail sont perdues chaque année du fait de problèmes de santé provoqués par le travail[Source: <em>[Third European Working Conditions Survey]].
Sur le plan mondial, les données fournies par le Bureau international du travail (BIT) signalent 200 millions d’enfants ayant un travail rémunéré, plus de 12 millions de gens occupés à du travail forcé et deux millions de décès chaque année dus à des accidents et des maladies d’origine professionnelle.
La stratégie de Lisbonne
En l'an 2000, la Stratégie de Lisbonne a promis de « permettre à l’UE de devenir, d’ici à 2010, l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », capable d’une croissance durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. La CES a soutenu cette stratégie, croyant qu’elle offrait une approche équilibrée aux droits des travailleurs et à la croissance économique. Cependant, dans les années qui ont suivi, cet équilibre a été bouleversé, la croissance et la compétitivité prenant le pas sur le progrès social et le travail décent.
La politique de l’UE doit être recentrée de façon à donner la priorité au plein emploi, à un travail de meilleure qualité, à un apprentissage tout au long de la vie, à une protection sociale et à l’égalité des chances et aux droits des travailleurs. Le travail décent est nécessaire pour vivifier la productivité et encourager l’innovation. La recherche a prouvé que des modèles d’organisation reposant sur la « haute
fiabilité », des « compétences élevées », associés à une large implication des travailleurs dans le processus de décision, apportent aux entreprises des améliorations significatives sur le plan de la performance et de la productivité.
Le travail décent et la « flexicurité »
Les débats récents se sont concentrés sur une réforme du marché du travail par la «flexicurité ». La Commission européenne a publié une communication sur ce point en juin 2007.
La CES n’est pas opposée à la flexicurité sur les lieux de travail, mais celle-ci doit profiter autant aux travailleurs qu’aux employeurs, offrant de plus grandes possibilités de concilier le travail et la vie familiale en donnant aux gens plus de contrôle sur leur vie professionnelle, permettant aux travailleurs d’acquérir de
nouvelles compétences et de s’adapter aux technologies, et soutenue par des dispositions de protection sociale efficaces pour garantir les standards de vie.
Les pays nordiques, où la flexicurité fonctionne, les travailleurs sont protégés par des syndicats très représentatifs (78% des travailleurs affiliés en Suède, 73% au Danemark, 71% en Finlande) et à des conventions de négociation collective contraignantes.
Le contexte international
La position de la CES pour un travail décent n’est pas limitée à l’Europe. Il s’agit d’une revendication sur le plan mondial étant donné que des bas salaires et de mauvaises conditions de travail dans une partie du monde ont automatiquement une influence négative sur les travailleurs des autres régions.
Certains prétendent que l’Europe ne peut être concurrentielle sur le marché du travail mondial qu’en réduisant les salaires et la qualité des conditions de travail pour les aligner sur celles des pays en voie de développement : une spirale vers le bas avec des conséquences potentiellement catastrophiques pour les travailleurs dans le monde. La CES rejette totalement cette approche. L’Europe ne peut améliorer sa compétitivité dans le monde qu’en créant une économie de la connaissance avec une main-d’œuvre compétente et des emplois de haute qualité.
La définition du travail décent de l’Organisation mondiale du travail
L’agenda pour le travail décent de l’OIT identifie quatre objectifs stratégiques :
- création d’emplois décents et productifs ;
- promotion de l’accès aux systèmes de protection sociale ;
- respect des normes de travail fondamentales ;
- dialogue plus important entre les partenaires sociaux.
Ces objectifs s’appliquent à tous les travailleurs : femmes et hommes, salariés ou indépendants, les économies formelles ou informelles, les secteurs privés et publics, et toutes les activités économiques, y compris la manufacture, l’agriculture, le travail de bureau, le travail intérimaire ou à domicile.
Selon l’OIT, « un travail décent représente l’ensemble des aspirations des gens en ce qui concerne leur vie professionnelle » - aspirations concernant les possibilités et le revenu, les droits et la reconnaissance, la stabilité familiale, le développement personnel, l’équité et l’égalité entre les sexes.
La lutte pour un travail décent
L’implication totale des partenaires sociaux est fondamentale pour la réalisation du travail décent. Une forte présence syndicale sur les lieux de travail, des négociations collectives entre les travailleurs et les employeurs et le droit à l’information et à la consultation, permettant aux gens d’influencer la façon dont leur travail est organisé, devraient être renforcées par une protection sociale adéquate et des normes juridiques.
Dans le cadre du dialogue social européen, les partenaires sociaux ont conclu des accords autonomes sur le télétravail (2002), le stress lié au travail (2004) et le harcèlement et la violence au travail (2007) ainsi que les cadres d’action sur le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie (2002) et l’égalité des sexes (2005).
Néanmoins, l’augmentation récente des emplois précaires a eu pour effet de dégrader le travail décent en Europe, par exemple par l’insécurité, les horaires de travail, des bas salaires et le manque d’investissements dans la formation. La CES a répété ses avertissements concernant une augmentation du niveau de pauvreté et une inégalité entre et au sein des États, entre les hommes et les femmes, dans beaucoup cas le résultat de salaires de pauvreté et de la disparité de salaire entre les sexes. Lors de son congrès en mai 2007, la CES a exigé un salaire permettant à tous une vie décente, avec un salaire équitable. Il faut absolument éviter que les immigrés ne deviennent des travailleurs de seconde zone ou qu’ils soient utilisés pour niveler les salaires vers le bas.
La responsabilité sociale des entreprises doit jouer un rôle pour encourager les employeurs à relever les standards mais ne doit pas remplacer les accords négociés et les règlements légalement contraignants.
La charte des droits fondamentaux de L’UE
La CES souscrit aux principes clés de l’UE exposés dans le chapitre IV de la Charte des droits fondamentaux sur la solidarité. Ils sont en substance :
- les droits des travailleurs à l’information et à la consultation au sein de l’entreprise ;
- le droit à des conventions et des actions collectives ;
- le droit d’accéder à un service gratuit de placement ;
- la protection contre tout licenciement injustifié ;
- des conditions de travail justes et équitables ;
- l’interdiction du travail des enfants et la protection des jeunes au travail ;
- la réconciliation entre vie familiale et professionnelle ;
- la sécurité sociale et l’aide sociale.
En outre, la CES exige que tous les partenariats et conventions commerciales entre l’UE et les autres régions comportent une dimension sociale. C’est par le biais de négociations commerciales que l’UE peut le mieux utiliser son poids pour promouvoir le travail décent et les droits fondamentaux. Dans ses relations multilatérales et bilatérales, l’UE doit promouvoir les objectifs du développement du millénaire des Nations unies.
Le travail décent - étapes
Mai 2006
La communication de la Commission européenne « Promouvoir un travail décent pour tous » est accueillie favorablement par la CES.
Novembre 2006
Le conseil emploi de l’UE adopte les conclusions sur le travail décent, mettant en exergue l’emploi librement choisi, les respects des droits au travail, les normes de travail et le dialogue social, la protection sociale et l’égalité des sexes.
Décembre 2006
Conférence de haut niveau de la Commission européenne sur la promotion du travail décent dans le monde.
Mars 2007
Au sommet social tripartite de l’UE, la CES accentue la pression en faveur d’emplois décents et de salaires équitables.
Mai 2007
Le Parlement européen adopte le rapport « Promouvoir un travail décent pour tous ».
Juin 2007
Les dirigeants du G8 apportent leur soutien à l’agenda pour le travail décent de l’OIT et appellent à la mise en œuvre des normes fondamentales du travail.