mai 2008
Adoptée le 22 septembre 1994, la directive sur les comités d'entreprise européens (CEE) a donné à des millions de travailleurs de l'union européenne le droit d'être informés et consultés sur les décisions de leur entreprise au plan communautaire, par le biais de leurs représentants au sein des CEE. Toutefois, 14 ans plus tard, certains progrès restent encore à faire pour que la législation atteigne pleinement ses objectifs.
La directive 94/45/CE sur les CEE s'applique à toutes les sociétés comptant 1 000 travailleurs ou plus et au moins 150 employés dans deux États membres ou plus de l'Union européenne.
Elle les contraint à créer des CEE pour permettre aux représentants des travailleurs (en général, des délégués syndicaux) de tous les États membres de l'UE dans lesquels la société est active de se réunir, de rencontrer la direction, de recevoir des informations et de donner leur point de vue sur les stratégies et décisions actuelles qui touchent l'entreprise et ses travailleurs.
Sur les 2 264 entreprises concernées par la législation, 828 (soit 34 %) ont mis sur pied un CEE, bien que le nombre de CEE actifs soit plus élevé parce que certaines entreprises en ont créé plus d'un. Nombre de ces entreprises sont de grandes multinationales, de sorte que la proportion d'employés représentés par les CEE est bien plus élevée : plus de 64 %, soit 14,5 millions de travailleurs dans l'ensemble de l'Europe. 125 CEE supplémentaires ont été crées mais ont cessé leur activité suite aux fusions, aux reprises ou aux faillites.
- La majorité des sociétés concernées par la directive emploient moins de 5 000 travailleurs - mais seulement 23 % ont un CEE.
- 61 % des multinationales qui emploient 10 000 travailleurs ou plus ont un CEE.
Le taux de couverture actuel - un peu plus d'un tiers des sociétés ayant un CEE - pourrait être perçu comme un résultat peu satisfaisant. Toutefois, les syndicats le considèrent comme un exploit, sachant que les travailleurs ont dû batailler ferme pour en arriver là. Il n'empêche qu'il reste manifestement insuffisant. Les sociétés qui, jusqu'à présent, ont omis de créer un CEE sont généralement de petites entreprises, qui ont souvent un taux de pénétration syndicale faible et dont la direction est hostile à l'idée d'associer les travailleurs à la prise de décisions. Il peut aussi s'agir de sociétés qui ont connu de profondes restructurations au cours des dernières années. Une organisation syndicale active et représentative est une condition essentielle au bon fonctionnement du CEE.
Calendrier et mise en œuvre
La directive de 1994 a accordé deux ans aux États membres pour transposer ses dispositions dans leur législation nationale. En vertu de l'article 13, les sociétés avaient jusqu'au 22 septembre 1996 pour atteindre un accord volontaire sur l'institution d'un CEE. Passé ce délai, l'article 6 entrait en vigueur, lequel prévoyait l'institution de groupes spéciaux de négociation et fixait les règles relatives aux procédures et au calendrier.
En 1996, plus de 300 accords ont ainsi été conclus, les sociétés s'empressant de passer des accords volontaires avant l'expiration du délai. Depuis, la cadence a ralenti : entre 40 et 50 nouveaux CEE sont créés chaque année.
Bien que le nombre de CEE augmente chaque année, ayant doublé depuis 1996, le rythme de progression est trop lent et constitue un problème important pour la mise en place de procédures européennes d'information et de consultation.
Actuellement, peu de sanctions sont infligées, voire aucune, aux sociétés qui ne respectent pas la directive. La CES souhaite certains changements de manière à ce que :
- les États membres établissent un cadre de sanctions proportionnées et dissuasives ;
- si les sociétés prennent des décisions qui ont une incidence importante sur les travailleurs sans les informer ou les consulter, ces décisions soient légalement non valides. Dans le cas contraire, l'employeur serait tenu à des compensations spéciales.
L'élargissement de 2004 a amené 300 entreprises supplémentaires susceptibles d'entrer dans le cadre de la directive sur les CEE. 31 d'entre elles ont leur siège dans les Etats membres entrants. Tous ces pays avaient déjà transposé la directive en droit national. En mai 2004, plusieurs filiales dans les dix États, ainsi que dans les trois pays candidats, avaient conclu des accords volontaires sur l'institution de CEE, les nombres les plus importants étant atteints en Pologne, en République tchèque et en Hongrie. Sur les 1 242 entreprises couvertes par la directive, 32 % ont des CEE, mais seulement le moitié ont intégré des représentants des travailleurs de ces pays dans leurs activités.
Structure
La majorité des comités d'entreprise européens se réunit une fois par an, une réunion extraordinaire pouvant être convoquée si nécessaire. Leur structure correspond généralement à l'un des deux modèles suivants : représentation exclusive des travailleurs, ou représentation conjointe des travailleurs et de la direction. Elle est influencée par les pratiques professionnelles du pays d'origine de la société.
Les CEE peuvent traiter de toute une série de questions économiques, financières et sociales, y compris la recherche, l'environnement, les investissements, la santé et la sécurité ainsi que l'égalité des chances.
La CES recommande vivement que les CEE aient de petits comités de direction qui puissent se réunir rapidement. Ces petits comités existent dans 66 % des CEE. La formation est très importante, car elle permet aux membres des CEE de remplir leur rôle, mais seulement 28 % des accords donnent ce droit aux membres, avec une formation linguistique.
La directive doit être mise à jour d'urgence
Depuis 1994, le paysage des relations professionnelles a considérablement changé. L'agenda de Lisbonne (2000) a instauré un nouveau cadre en vue du renouveau économique. La directive de 2001 sur le statut de la société européenne et celle de 2002 sur l'information et la consultation des travailleurs ont révélé la nécessité urgente d'harmoniser la législation de l'UE.
L'article 15 de la directive prévoyait qu'une révision serait nécessaire, sur la base de l'expérience de la mise en oeuvre, et devrait être mise en route pour le 22 septembre 1999.
La CES a longtemps réclamé des mesures urgentes afin de renforcer la législation. Au cours des dernières années, de nombreuses entreprises, telles que Renault-Vilvoorde (Belgique) et Nokia (Finlande) ont procédé à des restructurations importantes sans consulter les travailleurs, violant ainsi l'esprit de la directive.
La CES propose un certain nombre de changements importants :
- Une définition plus claire de l'information et de la consultation.
- Un seuil moins élevé quant à la taille des entreprises, afin d'inclure celles de moins de 1 000 travailleurs.
- Une redéfinition de la notion de confidentialité afin de garantir que les membres des CEE ne soient pas empêchés de communiquer avec leurs syndicats, par exemple.
- Une réduction de la période accordée pour négocier des accords, qui passerait de trois à un an.
- Un cadre de sanctions pour les sociétés qui enfreindraient la loi, et le droit légal, pour les représentants des travailleurs, de contester les violations des accords.
- Le droit à la formation des membres des CEE - y compris en langues et dans les questions économiques, financières et sociales.
- Un meilleur accès aux avis d'experts.
- Le droit de tenir des réunions préparatoires et de suivi.
- Le droit, pour les membres des CEE, de pénétrer les sites des sociétés.
En avril 2004, la Commission européenne a lancé la première phase de consultation avec les partenaires sociaux européens (syndicats et employeurs). En mars 2005, elle a publié une communication sur la restructuration et l'emploi (COM/2005/120) afin de connaître l'opinion des partenaires sociaux sur les CEE et la restructuration. Le document ne faisait cependant pas référence à la révision de la directive. La CES a reproché à la Commission d'essayer de fusionner deux questions séparées et de ne pas procéder à une deuxième phase de consultation.
En février 2008, la Commission a publié une communication afin de lancer la deuxième phase de consultation, et demandé aux partenaires sociaux européens s'ils seraient prêts à entamer des négociations bilatérales sur la révision de la directive.
La CES a accueilli cette initiative avec satisfaction, conjointement avec un grand nombre des points couverts dans la communication, y compris la référence explicite à l'information et la consultation qui sont des droits sociaux fondamentaux. Elle imposait cependant le respect d'un calendrier serré en vue de la conclusion rapide des négociations, afin qu'une décision soit adoptée dans le cadre de la présidence française, au cours du deuxième semestre de 2008, et que la révision soit terminée lors du mandat de la Commission et du Parlement européen actuels.
Pour sa part, BusinessEurope, représentant les employeurs européens, s'est fortement opposée à la révision de la directive. Cependant, en février, elle a changé de position et informé la Commission qu'elle était disposée à négocier.
Le 11 avril 2008, le Secrétaire général de la CES a annoncé que les efforts intensifs déployés afin de trouver une base d'examen des questions essentielles avaient échoué et que BusinessEurope n'était pas disposée à s'engager dans le cadre d'un calendrier de moins de trois mois. Au vu de cette position, la CES a informé la Commission que les négociations dans le cadre du dialogue social européen n'étaient “pas praticables”.
Parlement européen
A plusieurs reprises, le Parlement européen a fait part de son opinion sur les CEE. En mai 2007, dans sa résolution sur le Renforcement de la législation européenne dans le domaine de l'information et de la consultation des travailleurs, il incitait vivement la Commission à fixer un calendrier pour la “révision de la directive sur les CEE attendue de longue date” afin d'offrir un cadre juridique plus fort.
Comité économique et social européen
Le CESE a également donné plusieurs avis sur les CEE et, en 2006, il a vivement recommandé une “mise à jour rapide” de la directive.
Prochaines étapes
La CES a demandé à la Commission de donner suite à son document de consultation en publiant un projet de directive révisé qui pourra être adopté rapidement, afin de permettre aux travailleurs et aux syndicats européens d'exercer leur droit fondamental à l'information et la consultation à travers les CEE.
Le 1er mai 2008, la CES a lancé la campagne : A l'offensive pour des Comités d'Entreprise Européens plus forts, en vue d'obtenir une directive révisée plus efficace le plus vite possible. Veuillez trouver les détails de la campagne sur le site web de la CES.
Législation communautaire concernée :
Directive 94/45/CE concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen.
Directive 2001/86/CE complétant le statut de la société européenne.
Directive 2002/14/CE établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs.
Sources :
ETUI-REHS base de données (seulement en anglais)
<em>European Works Council facts and figures 2006</em>, (Comités d'entreprise européens - Faits et chiffres 2006), ETUI-REHS. (seulement en anglais)
<em>European Works Councils in practice: Key research findings</em>, European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions. (Les comités d'entreprise européens dans la pratique: Principaux résultats des recherches, Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail), (seulement en anglais).