Bruxelles, 07-08 décembre 2006
Le 20 octobre 2006, la Commission européenne a consulté officiellement les partenaires sociaux sur la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale. Il s'agit de la première étape du processus de consultation et d'une des mesures de suivi proposées par la Commission dans sa récente Communication sur la démographie en vue de répondre au défi démographique auquel l'UE fait face.
Cette réponse reflète la position de la CES quant à la consultation spécifique relative à la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie de famille. Elle doit être lue conjointement avec notre position précédente sur le Livre Vert concernant les changements démographiques[[Face aux changements démographiques : une nouvelle solidarité entre générations
Contribution de la CES au débat entamé par le Livre Vert, 14 et 15 juin 2005
http://www.etuc.org/a/1427]]. La CES va également préparer, lors d'une étape ultérieure, une réponse à la communication de la Commission sur l'avenir démographique de l'Europe, en abordant la liste de questions plus larges concernées.
{{I. Consensus au niveau de l'UE sur l'importance des politiques de promotion de l'équilibre travail - vie
}}La question des soins et de la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle a été à l'ordre du jour politique européen pendant un certain temps et la Commission européenne a également consulté, préalablement, les partenaires sociaux sur cette question. Les initiatives récentes incluent :
- Le Conseil européen de Barcelone en 2002 - accord sur les objectifs spécifiques pour une offre de soin à l'enfance dans le cadre de la SEE.
- L'adoption d'une directive de conciliation dans les lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi adoptées en juillet 2005
- L'adoption de la feuille de route européenne de la Commission pour l'égalité entre les hommes et les femmes en 2006. Celle-ci souligne l'importance de concilier la vie professionnelle et la vie familiale et
- demande des dispositions de travail flexibles pour les femmes et les hommes.
- Ratification du Pacte européen pour l'égalité des sexes lors du Conseil européen de printemps en 2006, par lequel les EM se sont engagés à respecter des mesures qui incluent l'accomplissement des objectifs de Barcelone, l'amélioration de l'offre de structures de soin pour les personnes à charge et la promotion du congé parental pour les hommes comme pour les femmes. {{
}}En outre, les partenaires sociaux européens ont également entrepris des actions dans ce domaine. Ils ont négocié les directives relatives au congé parental et au travail à temps partiel dans le passé et, plus récemment, ils ont conjointement convenu du cadre d'actions sur l'égalité homme-femme qui place cette question parmi les 4 champs d'action prioritaires. On compte parmi les actions qui doivent être prises en considération : les dispositions de travail flexibles pour les femmes et les hommes, la promotion d'un choix d'options plus équilibré au niveau des offres, une approche conjointe des autorités publiques en vue de développer des instruments pour l'augmentation de la disponibilité et de l'accessibilité des structures de soin.
Le CES a donc accueilli chaleureusement la décision de la Commission visant à lancer une consultation sur le sujet. Même si pas mal d'initiatives ont déjà été prises jusqu'ici, aussi bien par les autorités publiques nationales et européennes que par les partenaires sociaux, il est nécessaire d'aller plus loin à différents niveaux, y compris au niveau de l'UE, et ce type de consultation pourrait faciliter le travail. La Commission a indiqué qu'en fonction des réponses reçues au cours de cette première étape de la consultation, certaines propositions concrètes seraient avancées pour des actions de l'UE en 2007. Ces actions seront à la base de la deuxième étape de la consultation des partenaires sociaux.
La réponse de la CES par rapport à cette consultation peut être divisée en plusieurs catégories :
- La nécessité de placer l'égalité des sexes et l'équilibre travail/vie au centre des débats sur les changements démographiques tout en reconnaissant la diversité des modèles des familles du 21ème siècle.
- Une évaluation de la législation existante (une partie étant basée sur les accords des partenaires sociaux) et des propositions pour moderniser et améliorer certaines parties et éléments (Directive sur le Congé Parental, Directive sur la Protection de la Maternité, Directive sur le Travail à Temps Partiel, Directive sur le Temps de Travail).
- La nécessité d'introduire une nouvelle législation et/ou de prendre d'autres mesures dans certains domaines (tels que le droit au congé de paternité et au congé d'adoption).
- L'intégration de l'équilibre travail/vie dans le règlement, les politiques et les accords relatifs au temps de travail.
- Des campagnes pour encourager les hommes à partager les tâches ménagères et familiales et à utiliser les accords et les dispositions.
- Des initiatives pour s'assurer du respect des engagements pris aux niveaux européen et national en vue d'atteindre certains objectifs liés à l'emploi, en abordant notamment la qualité d'emploi pour les femmes dans les services ménagers et de soins.
{{II. Les politiques en matière d'égalité des sexes sont essentielles au renouvellement démographique
}}Selon la récente communication de la Commission sur l'avenir démographique de l'Europe, l'âge de la population active va commencer à décroître au cours des dix prochaines années. Cependant, le nombre total de personnes actives au sein de l'UE va continuer à augmenter jusqu'aux environs de 2017, ce qui sera principalement dû au taux de participation croissant des femmes au travail, les femmes plus âgées étant progressivement remplacées par des femmes plus jeunes et plus instruites dont l'implication dans la vie professionnelle est plus forte. Selon la Commission, cela crée une fenêtre d'opportunités permettant l'application de réformes avant que les effets du vieillissement de la population se fassent complètement ressentir.
D'après la CES, il existe un besoin urgent de rassembler les forces à tous les niveaux pertinents afin d'utiliser cette fenêtre d'opportunités. Cependant, pour parvenir à le faire en obtenant des résultats positifs, les actuelles exigences contradictoires relatives aux femmes, aux hommes et aux familles, souvent accompagnées par des politiques et (un manque de) des mesures contre-productives, doivent être abordées de toute urgence et être remplacées par des politiques plus consistantes et proactives.
Pour ce faire, deux scénarii principaux sont possibles :
{{
a) Scénario 1 : « Intégrer les femmes dans le tableau » : }}
Priorité à la participation croissante des femmes dans les marchés du travail qui, selon un concept traditionnel, sont principalement destinés aux hommes, disponibles à temps plein et dont les besoins personnels sont pris en charge par des ‘mains invisibles' (les femmes) qui gèrent l'organisation de la famille et de la maison ; dans ce tableau, le travail bénévole n'est ni remarqué ni apprécié ;
Le choix d'avoir des enfants est considéré comme une question privée/individuelle, et c'est pourquoi les frais liés à leur éducation et la combinaison du travail avec la vie de famille sont essentiellement considérés comme une charge individuelle pour laquelle les gens peuvent recevoir de ‘l'aide';
La famille est généralement perçue comme la famille nucléaire traditionnelle (mari, femme et enfants) ;
La vie professionnelle est une biographie linéaire, basée sur le modèle masculin du travail dans lequel les personnes âgées sont généralement considérées comme une charge pour les systèmes de pension et où il faut les persuader de travailler plus longtemps ;
Priorité au fait de fournir aux femmes des solutions individuelles pour faire face à la conciliation, telles que des dispositions de travail flexibles ou des emplois à temps partiel, des structures d'accueil pour les enfants, etc., sans remettre en question la répartition fondamentale du travail entre les femmes et les hommes à la maison comme sur le lieu de travail.
La conséquence de ce scénario est : une poursuite de la répartition traditionnelle du travail entre les femmes et les hommes à la maison et ségrégation sur le lieu de travail. La charge de l'ajustement revient principalement aux femmes. A court terme, l'avantage semble être que les frais ou investissements visibles sont faibles.
Cependant, à long terme, le prix à payer est élevé, la fertilité est faible, on observe une stagnation au niveau de la participation sur le marché du travail et des manques sur le marché du travail, des écarts persistants entre les hommes et les femmes en matière de salaire, de droits de pension, etc., ainsi qu'une utilisation insuffisante du capital humain féminin.
b) Scénario 2 : « Opter pour des Changements structurels » :
La priorité est orientée sur la redéfinition du concept de travailleur "standard" en tant que personne qui, à différentes étapes de sa vie, devra prendre soin de ses enfants et/ou de sa famille et/ou de ses parents et qui n'est donc pas disponible "à plein temps" (c'est à dire pour un temps indéterminé) ; cependant, la mesure dans laquelle il incombe de telles charges au travailleur varie au cours de sa vie ; dans ce scénario, le travail bénévole s'applique à tout le monde et il peut être apprécié en tant que source d'expérience.
La famille est considérée comme un concept différent: cela inclut les familles monoparentales, les couples homosexuels, les familles sur trois générations, etc.
Le choix d'avoir des enfants est une question privée, mais, dans le même temps, il est reconnu comme étant dans l'intérêt public de créer un environnement qui facilite cette décision. C'est pourquoi les frais liés à l'éducation des enfants et la combinaison du travail avec la vie de famille sont perçus comme des investissements sociaux dans l'intérêt général ;
La vie active est une biographie flexible qui couvre potentiellement une variété de réalités avec une alternance de périodes de travail plus ou moins intensif ; les personnes âgées sont considérées comme une ressource potentielle qui doit être complètement exploitée ;
Priorité au fait de fournir un soutien aux hommes, aux femmes et aux familles. Cela inclut des motivations pour leur permettre d'avoir accès à diverses options dans le cadre d'un ordre public organisé et l'adaptation de l'organisation du travail selon leurs besoins.
La conséquence de ce scénario est : un changement progressif vers une répartition du travail entre les hommes et les femmes à la maison ; la réduction de la différence entre les sexes sur le lieu de travail. La charge de l'ajustement est mieux répartie entre les femmes et les hommes, les lieux de travail et les sociétés. A court terme, il est nécessaire que les investissements soient plus importants. Cependant, à long terme, des bénéfices plus importants seront obtenus avec une fertilité supérieure, une plus grande participation au travail, davantage d'égalité entre les sexes et une utilisation complète du capital humain masculin et féminin.
Le premier scénario est un scénario de "compromis", que l'on retrouve actuellement dans bon nombre d'Etats membres. Pour la CES, toutefois, le choix est clair : la préférence va au second scénario. Celui-ci signifie, selon nous, que l'égalité entre les sexes et la ‘conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie de famille' doivent être intégrées dans toutes les politiques en matière d'emploi, de sécurité sociale et de services publics et sociaux.
{{III. Commentaires généraux
}}Une condition préalable clé pour l'égalité des sexes est que les femmes puissent gagner un revenu qui leur permet une indépendance économique sans être pénalisées au niveau de leur situation potentielle de mère ou de responsable d'une personne à charge. Cela signifie, tout d'abord, qu'elles doivent avoir accès au marché du travail et à un emploi sûr décemment rémunéré. Cependant, nous savons qu'en réalité les femmes sont particulièrement soumises au risque de subir des inégalités au niveau de l'emploi et du revenu tant qu'elles restent essentiellement responsables de la reproduction et des personnes à leur charge. Cela a un impact négatif sur la participation des femmes à la vie active, sur la progression de leur carrière, sur leur capacité à travailler à temps plein, leur niveau salarial, leur droit à la pension, etc. Ce problème ne fait que s'accroître, particulièrement pour la génération sandwich - ceux qui doivent prendre en charge leurs enfants et leurs parents vieillissants tout en gardant une forme d'emploi rémunéré.
Les politiques de soin et la fourniture de services de soin sont intrinsèquement liées à l'accomplissement d'une égalité entre les hommes et les femmes. Le manque de services de soin accessibles, abordables et de qualité dans la plupart des pays européens, le fait que le travail de soin ne soit pas équitablement réparti entre les hommes et les femmes et le fait que l'organisation du travail ne s'adapte pas aux travailleurs qui doivent combiner travail et soin ont un impact négatif direct sur la capacité des femmes à participer, sur un même pied d'égalité, à tous les aspects de la vie sociale, politique, culturelle et économique.
Le fait d'offrir aux femmes de meilleures opportunités de participer, pleinement et équitablement, à la vie économique tout en leur permettant de combiner cela au fait de fonder et de bâtir une famille, avec la responsabilité partagée de leur partenaire, doit être considéré comme un atout et un investissement pour l'économie et pour la société dans son ensemble, particulièrement dans le contexte actuel des changements démographiques et des défis européens. Il existe un lien de cause à effet entre le manque d'options équilibrées au niveau de la vie professionnelle dans un contexte d'emploi intégré et la chute du taux de natalité.
Le document de consultation souligne ces différents aspects mais ne fait pas référence aux problèmes causés par les extrêmes au niveau des heures de travail - c'est-à-dire des horaires à temps plein excessifs (plus de 45 heures par semaine) et des horaires à temps partiel insignifiants (moins de 20 heures par semaine) - et au fait que les hommes occupent souvent les postes avec des horaires excessifs alors que les femmes disposent des contrats à temps partiel. Ce phénomène perpétue le cercle vicieux de l'inégalité et de la ségrégation à la maison et sur le lieu de travail. De plus, il occasionne un stress pour les familles.
La CES souhaiterait que plus d'efforts soient mis en œuvre pour mettre en avant des mesures en vue de promouvoir la convergence entre les horaires trop longs et trop courts, les horaires de travail des hommes et des femmes et en vue de promouvoir l'équilibre de la vie professionnelle pour les hommes et les femmes. Il est possible de réduire les horaires trop longs et d'augmenter les horaires à temps partiel insignifiants de différentes manières. Par exemple, de véritables options peuvent être offertes aux travailleurs pour adapter leurs horaires de travail à leurs besoins dans un cadre législatif ou collectif de protection. Le débat actuel quant à la révision de la directive sur le temps de travail devrait être utilisé pour moderniser et améliorer la protection des travailleurs à ce niveau également, comme cela a été proposé par le Parlement européen lors de sa première lecture.
Le document de consultation reconnaît également que des progrès ont été réalisés au niveau européen afin d'assurer aux travailleurs des droits en matière de congé parental ou de congé de maternité. Cependant, la situation est très variée à travers l'Europe en ce qui concerne les politiques qui soutiennent l'équilibre de la vie professionnelle et le niveau de protection fourni. Chaque pays dispose de son propre agencement au niveau des services de soin, des mécanismes de congé, des dispositions de travail flexibles et des indemnités financières. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne le revenu qui accompagne ces droits et la participation des hommes à leur part de responsabilités familiales[[Rapport n° 66 de l'ISE, Analyse de l'application de la directive sur le congé parental dans les Etats membres de l'UE, S. Clauwaert, 2000, Bruxelles
Rapport n° 73 de l'ISE, Etude de l'application de la directive / accord sur le travail à temps partiel dans les Etats membres de l'UE et certains pays candidats à l'adhésion, S. Clauwaert, 2002, Bruxelles]].
En Europe, seule une minorité de pays sont parvenus jusqu'ici à une responsabilité publique continue pour l'accueil des enfants de 0 à 10 ans. Alors que les services d'accueil pour les jeunes enfants (3-6) sont souvent, mais pas toujours, disponibles, on fait souvent face à un énorme manque lorsqu'il s'agit de services pour les enfants de 0 à 3 ans. Sans ces services, il est très difficile pour les parents, et particulièrement pour les mamans, d'équilibrer la vie professionnelle et la vie privée. Souvent, les femmes changent d'emploi, optent pour un contrat à temps partiel, fréquemment des emplois précaires, ou décident de prendre une « pause carrière » et se retirent du marché du travail pendant un certain temps.
Par conséquent, la fourniture de structures de soins de qualité pour les enfants de tout âge doit être un élément essentiel du modèle social européen. Ces structures devraient être présentes dans le secteur public ou dans un partenariat entre le public et le privé sous une responsabilité publique claire, et être abordables pour tous ceux qui en ont besoin.
Les données relatives aux soins prodigués aux personnes à charge sont rares et il existe un manque critique de structures de soins pour les personnes plus âgées. Cependant, nous savons qu'une grande majorité de ce travail est réalisé par les femmes et qu'il est soit bénévole, soit fourni dans des relations professionnelles informelles, ce qui inclut le travail non déclaré. La demande pour ce type de soin est en pleine croissance et continuera à l'être. C'est pourquoi il est essentiel de développer des politiques durables qui encouragent des opportunités d'emploi convenables pour les personnes qui prodiguent de tels soins tout en tenant compte du fait que ces soins formels ne remplacent pas les arrangements informels dans les familles et les communautés mais qu'ils les complètent.
L'engagement total des États membres de l'UE dans l'organisation et le soutien au soin pour toutes les personnes à charge ne peut pas être sous-estimé. Les États membres doivent engager suffisamment de fonds et de ressources pour fournir des services de soin et pour permettre la réalisation complète des politiques de conciliation. Une forte volonté politique n'est pas suffisante en soi, elle doit être soutenue par l'introduction d'une législation, de programmes et de ressources, y compris les budgets pour la mise en œuvre efficace de ses mesures.
Au regret de la CES, le document de consultation ne fait pas explicitement référence au contexte plus large de la fourniture de soin ainsi qu'à son effet sur les travailleurs sociaux et sur l'exclusion sociale. Il est essentiel que la restructuration et la privatisation en cours des services publics ne produisent pas un impact négatif sur les travailleurs et les utilisateurs des services de soin, dont la majorité sont des femmes. Par conséquent, une analyse sociale et sexuée des changements introduits par la privatisation est également nécessaire.
{
}{{IV. Réponse aux questions spécifiques posées aux partenaires sociaux.
}}(i) Considérez-vous qu'il faille entreprendre plus d'actions dans le cadre de la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale au sein de l'Union européenne ? Si vous considérez que des actions sont nécessaires, celles-ci doivent-elles être entreprises au niveau de la Communauté, au niveau national, au niveau des entreprises ou au niveau sectoriel ?
La CES considère qu'il faut entreprendre d'urgence davantage d'actions dans le cadre de la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale au sein de l'UE afin de permettre aux femmes et aux hommes de participer pleinement aux sphères professionnelle et privée de leur vie. La conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale est une condition préalable pour parvenir à une véritable égalité entre les hommes et les femmes. Elle est donc directement liée aux objectifs prioritaires de l'UE, à savoir aborder la discrimination entre les hommes et les femmes et promouvoir l'égalité des sexes.
Il est impossible d'atteindre les objectifs de Lisbonne en matière de taux d'emploi plus élevé chez les femmes, en termes de qualité et de quantité d'emploi, sans la promotion des politiques de conciliation au sein des États membres. L'UE a un rôle important à jouer dans la coordination et la stimulation des actions au niveau national ainsi que dans le contrôle de l'efficacité de ses actions.
L'UE doit éviter que l'égalité des sexes et les politiques de conciliation succombent face aux politiques nationales et européennes pour la promotion de la compétitivité et que les États Membres qui prennent des mesures proactives et élaborées soient désavantagés. En d'autres termes, il est nécessaire d'assurer un pied d'égalité entre les États membres par rapport aux frais directs et indirects des politiques de conciliation.
Au niveau européen, le cadre actuel des dispositions et des politiques législatives devrait être évalué, particulièrement dans le domaine de la protection de la maternité et du congé parental, au niveau du temps de travail et des contrats à temps partiel, au niveau de l'accueil des enfants et du soin aux personnes âgées ainsi qu'au niveau des autres services familiaux. Cette évaluation permettrait de déterminer où des adaptations et des améliorations sont nécessaires et d'explorer où les partenaires sociaux européens peuvent intervenir. Alors que l'UE était auparavant à la pointe en matière de promotion de l'égalité des sexes, le niveau de sa législation et de sa politique accuse actuellement un certain retard par rapport aux développements observés dans beaucoup d'États Membres.
L'UE doit intensifier ses actions afin de promouvoir la convergence au lieu d'accroître la différentiation et les écarts entre les États membres en ce qui concerne les politiques nationales de soutien à la conciliation. Un champ d'action prioritaire est d'aborder les grandes différences qui existent au niveau national en matière de fourniture de structures de soin accessibles, abordables et de qualité (pour les enfants, les personnes à charges et les personnes âgées) ainsi que les différences qui existent au niveau de la durée et du paiement octroyé pendant le congé pris pour s'occuper d'une personnes à charge.
De plus, il est urgent d'aborder l'investissement public (ou le manque d'investissements) pour les services publics de soin aux enfants et aux personnes âgées.
Le problème doit également être abordé du point de vue des conditions de travail pour les employés du secteur des soins. Á cet égard, il est important de tenir compte de la proposition de la Commission relative à l'examen de la classification des emplois dans les services de soin. Cette proposition se trouve dans la feuille de route 2006-2010 pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
La conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie de famille est également indispensable pour l'organisation du temps de travail. Toute révision de la Directive européenne sur le Temps de Travail devra dès lors prendre cette dimension en compte.
De manière plus générale, il y a une conscience croissante du fait que la question de la santé et la sécurité au travail, un domaine important de la compétence européenne, présente une importante dimension relative au sexe qui est liée à la division du travail rémunéré et non rémunéré entre les hommes et les femmes ainsi qu'à la double charge à laquelle les femmes doivent souvent faire face[[La santé des femmes au travail en Europe : des inégalités non reconnues, Laurent Vogel, Publication du Bureau Technique Syndical Européen pour la Santé et la Sécurité, BTS]].
Dans le prochain débat sur le Livre Vert relatif au droit du travail et la discussion connexe sur la flexicurité, il sera important d'aborder le problème de l'effet néfaste des interruptions de carrière et des stratégies de compromis pour combiner le travail et les responsabilités familiales, sur la sécurité de l'emploi des femmes. Ces problèmes entraînent des relations professionnelles précaires, voire la pauvreté.
Dans le même temps, un grand nombre de femmes procurent des services ménagers et de soins à d'autres travailleurs ou aux personnes malades et âgées dans un cadre informel, ce qui ne leur fournit pas une bonne protection sociale.
Ces problèmes ne peuvent être résolus si la question de la conciliation de la vie professionnelle, familiale et privée n'est pas traitée de manière plus compréhensive à tous les niveaux pertinents, y compris au niveau européen.
(ii) Quels sont les principaux domaines dans lesquels une amélioration pourrait s'avérer nécessaire, en tenant particulièrement compte : 1) du temps de travail et des dispositions de travail flexibles, 2) des nouvelles possibilités offertes par les technologies de l'information, 3) de la disponibilité et de l'accessibilité aux services d'accueil pour les enfants et aux services de soin pour les personnes âgées ou à charge, 4) des congés, y compris le congé de paternité et le congé pris pour s'occuper d'un parent âgé, d'un enfant ou d'un autre membre de la famille présentant une infirmité ?
1) Temps de travail et dispositions de travail flexibles : les travailleurs ont besoin d'un autre type de flexibilité
La réglementation des heures de travail est fondamentale pour nos sociétés et elle réside au cœur de l'Europe Sociale. Celle-ci reconnaît la nécessité de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de permettre aux personnes actives de fonder une famille (‘la reproduction à court et long terme de la main-d'œuvre') comme cruciale pour les intérêts des travailleurs, des sociétés et des économies.
C'est la raison pour laquelle la conciliation est une question clé qui étaye le débat relatif au temps de travail - à la fois en termes d'horaires de travail excessifs et en termes d'horaires de travail trop courts. Dans les deux cas, la capacité des hommes et des femmes à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale est altérée{[[Selon une récent enquête sur les conditions de travail de la Fondation de Dublin alors que 80% des travailleurs sont satisfaits de leur équilibre travail-vie, 44% de ceux qui travaillent plus de 48 heures par semaine se déclare insatisfaits de leur équilibre travail-vie
(http://www.eurofound.eu.int/pubdocs/2006/52/fr/1/ef0652fr.pdf)]][[D'après la nouvelle étude, publiée en octobre 2006 par la commission pour l'égalité des chances au Royaume-Uni, plus de 400.000 femmes pourraient être tentées de retourner au travail si les employeurs étaient enclins à offrir des horaires de travail plus flexibles. Quand on sait que plus de 2 millions de femmes britanniques sont des femmes au foyer, cela signifierait un bond de 400.000 personnes supplémentaires dans la main-d'œuvre. Les économistes affirment que le fait de persuader davantage de femmes à travailler sera crucial pour désamorcer la bombe à retardement démographique à laquelle une grande partie de l'Europe fait face, et pour stimuler le taux de croissance à long terme des économies vieillissantes. Selon l'étude récente, le bénéfice pourrait être d'environ 30 milliards d'euros pour le Royaume-Uni uniquement. Jenny Watson, présidente de la commission pour l'égalité des chances, a déclaré : « Beaucoup trop de femmes trouvent que leurs choix sont limités. Elles sont chassées des lieux de travail rigides aux horaires chargés qu'elles trouvent incompatibles avec une vie de famille ou le soin des proches. Notre approche désuète du travail - en particulier en matière de temps de travail - a un grand besoin de réforme.']]}.
Cependant, alors que, dans beaucoup de discussions jusqu'à récemment, l'accent a surtout été mis sur la quantité d'heures prestées en tant que telle, il est de plus en plus clair que l'irrégularité et l'imprévisibilité des horaires de travail (souvent désignées par le terme général de "flexibilité") deviennent une question encore plus problématique du point de vue de la conciliation. Les politiques et les règlements en matière de temps de travail devraient donc fournir explicitement des limites claires pour les horaires longs et irréguliers, tout en fournissant aux travailleurs des outils et des instruments pour avoir un mot à dire dans la programmation des heures de travail et pour adapter leur horaire à leurs besoins (ce qui est un autre type de flexibilité !).
Ces politiques devraient également fournir aux travailleurs de réelles options pour combiner un emploi à temps plein avec des responsabilités familiales et éviter ainsi que les travailleurs aient involontairement recours au travail à temps partiel.
Ces questions, qui sont la contrepartie logique des propositions actuelles d'introduire davantage de flexibilité pour les employeurs, doivent avant tout être abordées lors de la révision de la Directive sur le Temps de Travail (DTT)[[Dans sa première lecture de la révision de la DTT, le Parlement européen a proposé d'obliger les employeurs à informer les travailleurs au préalable en cas de changements dans leur temps de travail ainsi que d'accorder le droit aux travailleurs de demander des changements dans leurs heures et rythmes de travail.]].
Parallèlement, les politiques relatives au travail à temps partiel devraient être révisées afin de permettre aux hommes et aux femmes de choisir volontairement de passer d'un temps plein à un temps partiel et inversement. Dans plusieurs pays, le droit de demander un emploi à temps partiel existe, ce qui oblige les employeurs à différents niveau de prendre cette demande au sérieux et de motiver tout refus (Royaume-Uni, Pays-Bas et Allemagne). Au Royaume-Uni, ce droit est limité aux parents de jeunes enfants. Aux Pays-Bas, ce droit est accessible à tous sans exception, et il est possible de passer d'un temps plein à un temps partiel et vice versa, ce qui inclut le droit d'étendre le nombre d'heures et passer d'un temps partiel court à un temps partiel plus long.
La question a déjà été abordée en termes de recommandation dans l'accord sur le travail à temps partiel des partenaires sociaux au niveau européen. Cet accord est la base de la directive relative au travail à temps partiel. Les partenaires sociaux européens devraient être invités à développer cette approche.
Alors que, du point de vue de la CES, les horaires de travail maximum et la protection minimum devrait être régulé par la législation européenne, il existe énormément de possibilités pour les dispositions de travail flexibles au niveau sectoriel et au niveau des entreprises. Dans leur cadre d'actions pour l'égalité entre les hommes et les femmes, les partenaires sociaux ont établi des recommandations à cet égard. Du point de vue de la CES, ces dispositions de travail flexibles devraient être principalement encouragées sur la base des accords négociés entre les partenaires sociaux à différents niveaux, en prévoyant un cadre de protection et de soutien qui permet aux travailleurs d'adapter leur horaire et leur temps de travail sans perdre leur emploi ou leur protection sociale. Il est extrêmement important que de telles dispositions de travail flexibles soient accessibles aux hommes comme aux femmes. Il ne faut pas se concentrer uniquement sur les mères ou les parents de jeunes enfants et il faut que cette décision soit réversible.
La CES entend souligner que la "flexibilisation du travail" doit être clairement comprise comme un aménagement du travail qui offre aux travailleurs (hommes et femmes) de la flexibilité dans un contexte de relations de travail intégrées. Trop souvent les femmes paient cher le besoin d'adapter leur travail aux nécessités de conciliation, en acceptant des conditions de travail précaires (gardes, contrats "zéro heure", contrat à temps partiel avec heures de travail irrégulières et obligation d'effectuer des heures supplémentaires sans augmentation de salaire, etc.) souvent désignées à tort par "contrats flexibles".
Enfin, la CES met en garde contre l'encouragement du travail à temps partiel comme la panacée au besoin d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le travail à temps partiel est une chance mais aussi une menace pour la sécurité des femmes, selon la manière dont il est organisé et ancré dans des politiques sociales et d'emploi plus vastes. Il est une chance lorsqu'il offre une souplesse d'organisation permettant de concilier le travail et la vie de famille ou d'autres besoins privés, à la demande du travailleur, lorsqu'il est bien protégé par des règles d'emploi et de sécurité sociale et lorsqu'il est réversible. En revanche, il met en péril le bien-être présent - et futur - des femmes lorsqu'il devient un ghetto féminin, avec de bas salaires, sans opportunités de carrière, ni chance de passage à un travail à temps plein (aujourd'hui, dans certains secteurs très féminisés, il n'y a pratiquement aucune offre de temps plein...). Il ne constitue pas non plus une solution convenable pour les familles à un seul revenu professionnel (de plus en plus, les femmes qui travaillent à temps partiel deviennent les nouveaux actifs pauvres...)[[Cf. Jane Jenson “The European Social Model: Gender and Generational Equality”, in ‘Global Europe, social Europe', édité par Giddens, Diamond and Liddle, 2006 ]]. Qui plus est, il entraîne souvent des situations de sous-emploi chez les femmes (en termes de nombre d'heures de travail comme en termes de niveau de compétences pour l'emploi concerné) et de sous-exploitation du capital humain féminin.
Il convient donc de revoir les politiques actuelles en matière de travail à temps partiel, pour leur effet de ségrégation sexuelle sur le marché du travail, et de prendre des mesures pour contrer cet effet. Nous pouvons tirer des leçons de la grande diversité de bonnes et de mauvaises pratiques dans les pays où le travail à temps partiel est très développé (Pays-Bas, pays scandinaves, Royaume-Uni). La Commission pourrait encourager une étude comparative à cet égard et inviter les Etats membres et les partenaires sociaux à tous les niveaux pertinents à faire du travail à temps partiel un véritable choix de qualité, pour les hommes et pour les femmes.
2) Nouvelles possibilités offertes par les technologies de l'information
Les technologies de l'information peuvent jouer un rôle important dans l'octroi de formations, par exemple aux travailleurs en congé de maternité ou parental, de sorte qu'ils restent à la page ou qu'ils profitent de leur temps pour acquérir des aptitudes supplémentaires. Ces possibilités doivent être explorées et développées, en tenant compte du fait qu'elles doivent être privilégiées en tant qu'options volontaires.
Les technologies de l'information peuvent également fournir des outils sur les lieux de travail où les travailleurs ont le droit d'être plus impliqués dans l'organisation de leurs horaires, donnant ainsi la possibilité à la direction et aux travailleurs d'échanger des informations et de réagir rapidement à un changement soudain de disponibilité (par exemple, quand un enfant est malade etc.).
Les TIC peuvent offrir de nouvelles possibilité d'améliorer l'équilibre entre travail et vie de famille, tout en réduisant l'impact environnemental des déplacements professionnels, par des pratiques de travail plus intelligentes{[[Ainsi, un des plus grands employeurs du Royaume-Uni (British Telecom) a franchi le pas du télétravail et des horaires flexibles pour tous ses employés, ce qui a entraîné, entre autres, un taux remarquable de retour au travail des femmes en congé de maternité : 98%, attribué à un ensemble de mesures de travail flexible et des possibilités de télétravail pour les jeunes mamans.
]]}
Cependant, du point de vue de la CES, l'option du télétravail n'est pas une solution en soi par rapport aux besoins de l'équilibre travail/vie et elle pourrait entraîner des risques sur le plan de la protection sociale et des perspectives de carrière. Les partenaires sociaux européens ont abouti à un accord en 2002 pour améliorer la qualité du télétravail, pour fournir la protection nécessaire aux télétravailleurs et pour promouvoir le télétravail bénévole. Tout comme pour les dispositions du temps de travail et le travail à temps partiel, la capacité des travailleurs à exercer une influence digne de ce nom sur l'organisation de leur travail est un élément clé.
3) Disponibilité et accessibilité aux services d'accueil pour les enfants et aux services de soin pour les personnes âgées ou à charge
Il est clair que plus d'efforts doivent être réalisés en termes de disponibilité et d'accessibilité des services de soin fournis à travers l'Europe, non seulement pour les soins aux enfants, mais aussi pour les soins aux personnes âgées et à charges. Les objectifs de Barcelone introduits en 2002 en matière de soin pour les enfants n'ont pas encore été réalisés et la Commission doit remettre les États membres sur la voie en entreprenant des actions plus explicites et plus proactives contre les États membres qui n'entament clairement pas des démarches suffisantes et appropriées
Dans beaucoup d'États membres, les services de soin financés publiquement sont très rares voire inexistants. Il faut donc s'adresser à des services privés, souvent hors de prix, pour lesquels la demande dépasse souvent l'offre. Peu de pays - voire aucun - offrent la garde d'enfants comme un droit acquis aux parents et aux enfants, au même titre que le droit à l'éducation. La conséquence en est que les parents se retrouvent souvent face aux dilemmes de la disponibilité, de la qualité et du coût de la garde d'enfants et que ce coût est souvent considéré comme une charge grevant le revenu potentiel de la femme (ce qui, si ce coût est élevé, peut amener la femme à ne pas pouvoir s'offrir le luxe de travailler de manière salariée !).
Dans de nombreux États membres, les longues périodes de maternité et de congé parental apparemment généreuses (bien qu'elles soient souvent peu ou pas payées) camouflent l'absence de structures d'accueil pour les enfants en âge préscolaire et perpétuent un cercle vicieux dans lequel les femmes n'ont d'autre choix que de quitter le marché du travail pendant une longue période lorsqu'elles ont des enfants, après quoi elles ont de grandes difficultés à le réintégrer.
La CES pense qu'il est grand temps de considérer la garde d'enfants comme un intérêt général, au même titre que le droit à l'éducation primaire, et de demander aux Etats membres de la développer en tant que service public accessible à tous.
Simultanément, étant donné que la question de l'accueil des enfants est clairement perçue en Europe comme l'une des principales priorités, on pourrait envisager de demander aux partenaires sociaux européens de créer des recommandations sur la manière d'accroître la disponibilité, l'accessibilité et la qualité de cet accueil, tout en tenant compte du rôle positif que les partenaires sociaux jouent déjà aux niveaux national et sectoriel (par exemple, sur la base d'un échange de bonnes pratiques), souvent en collaboration avec les autorités publiques.
L'introduction de mesures légales et autres pour promouvoir l'octroi de soins aux personnes âgées ou à charge serait également un bon départ vu que les dispositions en la matière varient énormément à travers l'Europe. Elles sont parfois insuffisantes voire inexistantes. Pour commencer, un nouvel objectif pourrait être ajouté à ceux de Lisbonne. En octobre 2005, le Comité exécutif de la CES a adopté un appel aux institutions européennes et aux Etats membres "Pour une prise en charge pérenne et solidaire des personnes dépendantes dans le cadre de la Méthode Ouverte de Coordination : Pour la définition d'objectifs ambitieux à l'échelon européen”, demandant entre autres qu'ils reconnaissent le droit à des soins efficaces et de qualité, développent des services de base, fournissent du personnel qualifié et en nombre suffisant et, surtout, garantissent un financement approprié, solidaire et pérenne[[Site Internet de la CES : http://www.etuc.org/a/1775]].
4) Congés, y compris le congé de paternité et le congé pris pour s'occuper d'un parent âgé, d'un enfant ou d'un autre membre de la famille présentant une infirmité ?
En commentaire préliminaire, la CES souhaite mettre l'accent sur l'importance de combiner des congés convenables (ni trop court ni trop long) avec des structures d'accueil pour les enfants et des dispositions de travail flexibles liées aux besoins des travailleurs afin d'offrir une réelle perspective de conciliation de la vie professionnelle, familiale et/ou privée. Cela permettrait aux hommes et aux femmes de poursuivre une vie professionnelle et une carrière à part entière tout en menant une vie privée satisfaisante.
a. Congé parental
En ce qui concerne les congés, il existe de grandes différences entre les EM, à la fois en termes de longueur des congés parentaux et de paiement pendant ces congés. Il faut réaliser des efforts afin de standardiser cela et de trouver des moyens d'encourager les hommes à prendre ces congés, par exemple en rendant une partie du congé non transférable[[En Islande, de récentes expériences en matière de congé parental non transférable ont donné des résultats positifs en termes de congé paternel. Aux Pays-Bas, le Ministre de l'Emploi et des affaires sociales a récemment proposé de doubler le droit actuel au congé parental (de 26 semaines à temps partiel à 52 semaines à temps partiel) et de rendre ce droit supplémentaire non transférable, à fin d'encourager que le père et la mère puissent prendre chacun 26 semaines.]]. Aborder la différence de paiement entre les hommes et les femmes est un aspect important à considérer dans ce débat si nous voulons affaiblir l'argument selon lequel les hommes ne peuvent pas se permettre de prendre un congé parental car leur revenu est supérieur à celui de leur partenaire/épouse. Un point supplémentaire à aborder à cet égard est la nécessité de prendre en compte les périodes de congés pour le droit à la pension. Les partenaires sociaux européens devraient évaluer l'accord sur le congé parental, qui est à la base de la directive sur le congé parental, et améliorer ses dispositions, particulièrement en ce qui concerne le droit à un congé parental payé.
Une autre question insuffisamment traitée dans l'actuelle Directive sur le Congé Parental est l'octroi de congés pour les soins urgents des enfants ou autres membres de la famille malades. La question des congés plus longs (potentiellement à temps partiel) pour le soin de personnes handicapées ou de membres de la famille souffrant d'une maladie persistante, doit également être à l'ordre du jour.
b. Protection de la maternité
Les arguments visant la révision/l'amélioration de la Directive sur la Maternité sont forts. Premièrement, Cette Directive n'est pas totalement en accord avec l'objectif de compatibilité entre le travail et la grossesse. Elle est ambiguë par rapport à la nécessité d'investir dans la prévention (par exemple, enlever les substances dangereuses du lieu de travail plutôt que de dispenser les femmes enceintes) et à l'évaluation des risques. Par conséquent, les situations dangereuses pour les femmes enceintes ne sont pas systématiquement éradiquées dans la plupart des pays de l'UE. C'est pour cette raison que la CES encourage aussi complètement l'idée d'inclure les réprotoxiques dans l'actuelle Directive sur les Substances Cancérigènes.
Deuxièmement, le manque de garanties solides quant aux paiements durant le congé de maternité peut avoir pour conséquence négative le refus des femmes ayant les revenus les plus bas de s'octroyer leur congé afin de garder leur salaire. La grossesse et l'accouchement ne doivent pas justifier une perte de salaire. Les projets de la sécurité sociale doivent être utilisés dans cette voie et des protections plus fiables doivent être introduites dans la Directive sur la Maternité.
Troisièmement, la protection contre le licenciement dans la Directive n'est pas suffisamment forte. Quatrièmement, la Directive doit inclure une disposition sur les installations d'allaitement, comme celles qui figurent à la Convention ILO 103 telle que révisée en 2000. Et enfin, l'actuelle exclusion des travailleurs domestiques de la Directive doit être supprimée.
Le Parlement européen, encouragé par la CES, demande depuis l'année 2000 une révision de la Directive afin d'améliorer ses dispositions[[Rapport PE 30 mai 2000 sur le rapport de la Commission sur la transposition de la directive 92/85/CEE, A5-0155/2000]]!
c. Congé de paternité et d'adoption
Les congés actuels doivent être étendus au congé de paternité, c'est-à-dire la possibilité pour les pères (ou les partenaires pour les couples homosexuels) de prendre congé au moment de la naissance d'un enfant afin d'aider la maman et leur permettre d'établir une relation avec le nouveau-né, par exemple deux semaines à temps plein qui peuvent être agencées de manière flexible (autre exemple : pendant une période plus longue avec un travail à temps partiel).
L'introduction d'un congé d'adoption et des dispositions pour faciliter l'accueil temporaire ou permanent en famille adoptive doivent être prises en considération, comme cela a déjà été demandé par le PE dans son rapport de 2000 relatif à la Directive sur la Maternité.
d. Congé d'éducation/sabbatique
Pour des raisons diverses (formation tout au long de la vie, promotion d'une main-d'œuvre qualifiée et adaptable, prévention contre le surmenage, etc.), il faut promouvoir l'introduction d'infrastructures et d'incitations à l'apprentissage, y compris le congé d'éducation ou sabbatique. Ces périodes de congés permettraient aux travailleurs de s'investir dans leur vie privée et leurs capacités pour des raisons personnelles autres que familiales. Cela permet également d'éviter que seules les infrastructures pour les parents et les personnes ayant quelqu'un à charges soient visées au détriment des travailleurs qui n'ont pas de telles obligations.
5. Services familiaux et ménagers essentiels
Dans un nombre croissant de pays, les familles, les personnes malades et les personnes âgées se fient aux services familiaux essentiels fournis par des travailleurs, principalement des femmes, souvent issues d'un milieu d'immigrés ou de minorité ethnique, qui travaillent généralement sous des dispositions très informelles et peu protégées. Il est maintenant indéniable que ces services sont devenus indispensables dans la plupart des cas et qu'ils représentent une quantité impressionnante d'emplois de femmes invisibles, y compris des situations d'emploi fondées sur la dépendance et parfois sur l'exploitation.
Selon la CES, cette question devra être abordée, aussi bien du point de vue de l'octroi d'une protection de base et d'une égalité des chances aux travailleurs, que du point de vue d'une organisation plus viable des services familiaux. Cette question est étroitement liée aux efforts de la Commission de transformer le travail non déclaré en emploi régulier, avec la consultation récente sur la modernisation du droit du travail.
En novembre 2000, le Parlement européen a adopté une résolution sur la "normalisation du travail domestique dans l'économie informelle", demandant à l'UE et aux États membres d'accepter une série de mesures, y compris la reconnaissance de ce type de travail en tant que profession, l'établissement de normes de protection minimales, etc.[[PE 30 novembre 2000, PE A5-0301/2000]]. Il est grand temps d'accorder un suivi convenable à la résolution du PE au niveau de l'UE.
En avril 2005, la CES a organisé une conférence afin d'étudier et de débattre des expériences de bonnes pratiques en matière d'organisation et de protection des travailleurs domestiques en Europe. Cette conférence a démontré que de bonnes pratiques avaient été développées dans de nombreux États membres et que celles-ci pouvaient servir de base[[Sortir de l'ombre: organiser et protéger les travailleurs domestiques en Europe, le rôle des syndicats, rapport de la conférence organisée par la CES (voir le site web de la CES http://www.etuc.org/a/2027)]].
Un aspect important à explorer est l'utilisation des incitants fiscaux et mesures fiscales pour encourager à la fois la transformation de travail non déclaré en travail déclaré et le développement d'un secteur de services individuels/aux personnes. Des expériences de titres-services ont été menées avec succès dans certains pays. Il serait aussi intéressant d'envisager des dispenses de TVA sur de tels services (à condition que de telles dispenses ne soient pas considérées par l'UE comme des aides d'état !).
6) Modernisation de la protection sociale
Les plans de sécurité et de protection sociales jouent un rôle important en assurant aux travailleurs et à leurs familles des filets de sécurité et de sûreté. Néanmoins, leur conception peut avoir un impact significatif sur la vie des personnes. Il peut soit renforcer un schéma traditionnel de répartition des tâches entre hommes et femmes, soit promouvoir une plus grande diversité de choix et d'opportunités. Ce texte n'est certes pas l'endroit adéquat pour entrer dans le détail de ce sujet hautement complexe. Toutefois, la CES souhaite attirer l'attention sur la nécessité d'accompagner toutes les mesures susmentionnées d'un cadre moderne de protection sociale, en tenant compte qu'il est de plus en plus rare qu'une seule et même personne fasse vivre sa famille en conservant toute sa vie le même emploi à temps plein. Au lieu de cela, les systèmes de protection sociale doivent être conçus pour reconnaître et soutenir les aménagements du temps de travail et les congés temporaires, dans un contexte plus large d'aide aux travailleurs qui doivent s'adapter aux divers changements de leur vie professionnelle.
(iii) Par quels moyens considérez-vous qu'une meilleure conciliation de la vie professionnelle, de la vie familiale et de la vie privée serait possible ?
Il existe un certain nombre de domaines dans lesquels la CES pense qu'une action au niveau européen, par les institutions européennes et/ou les partenaires sociaux, serait bénéfique et cela inclut :
La révision de la directive européenne sur la maternité (92/85/CE) afin de la rendre conforme à la convention 183 de l'OIT (2000), en tenant compte des demandes de la CES et du PE depuis 2000.
L'introduction d'une directive européenne sur le congé de paternité (ou la révision et l'extension de l'actuelle Directive sur le Congé Parental à cet égard) octroyant un congé payé au père (au partenaire pour les couples homosexuels) pour une période fixe (par exemple 2 semaines à temps plein ou 1 mois à temps partiel).
La prolongation de la durée du congé parental non transférable de 3 à 6 mois et l'assurance d'un paiement grâce à la sécurité sociale / arrangement fiscal, ainsi que le renforcement du droit au congé pour soins à un proche (enfant malade ou autre personne à charge).
Initier et soutenir des campagnes et des politiques pour encourager les hommes à prendre leur congé parental et de paternité ; procurer des motivations en réservant par exemple une partie du congé parental au père.
Assurer un temps de travail maximum pour tous et fournir aux travailleurs des outils et des instruments afin d'influencer la programmation de leur horaire (dans la Directive sur le Temps de Travail).
Assurer le droit à des dispositions de travail flexibles et le droit à la réduction ou l'augmentation des heures de travail (basés sur la clause 5 de l'accord intersectoriel sur le travail à temps partiel).
Promouvoir la qualité et réversibilité du travail à temps partiel au cours de la vie.
Promouvoir un engagement renouvelé des EM en vue d'accomplir les objectifs de Barcelone en matière d'accueil des enfants.
Créer un nouvel objectif Lisbonne axé sur les soins aux personnes âgées ou à charge et encourager les initiatives de l'UE dans ce domaine en mettant des ressources financières à disposition
Suivi des recommandations du PE en ce qui concerne le travail domestique et étude d'incitants destinés à transformer le travail informel / non déclaré dans le secteur de l'aide à domicile et les services aux personnes en travail régulier.
(iv) Considérez-vous que la législation communautaire existante (notamment en matière de congé parental et de protection de la maternité) est adéquate pour aider à rencontrer les besoins pour la conciliation des obligations professionnelles, familiales et privées et pour créer des conditions de partage plus égal des responsabilités professionnelles, familiales et privées entre les hommes et les femmes ?
La législation communautaire existante (notamment au niveau du congé parental et de la protection de la maternité) est un pas dans la bonne direction, mais la CES pense qu'elle pourrait et devrait être renforcée. Comme cela a déjà été mentionné, il existe de nombreux aspects où nous sentons que plus d'actions peuvent être entreprises - par exemple, la révision de la directive sur la maternité, le paiement des congés parentaux, l'introduction d'une nouvelle directive sur le congé de maternité.
L'exercice d'amélioration par excellence doit être la manière de persuader les hommes de profiter de ces droits. Une répartition plus équitable des responsabilités entre hommes et femmes nécessite un bouleversement culturel et un changement profond des mentalités, non seulement dans le chef des hommes et femmes eux-mêmes, mais aussi sur le lieu de travail et au niveau de la direction, pour que le fait que les travailleurs s'intéressent à autre chose que leur emploi soit considéré comme un atout et non plus comme un handicap. A cet égard, la culture des longs horaires de travail, dans certains pays ou dans certaines professions (cadres et personnel de direction) devrait être considérée comme dépassée et contre-productive.
{{ {(v) Comment atteindre le meilleur équilibre entre les coûts et les bénéfices - pour les particuliers et les entreprises - au niveau des mesures permettant la conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale ?
} }}{
}La question principale est de savoir comment les coûts et les bénéfices sont définis. Rubery, Humphries et al. (2003) ont conceptualisé l'égalité entre les sexes en tant que facteur productif. En fait, la réponse à cette question variera selon qu'on opte pour une approche très étroite uniquement axée sur les coûts ou qu'on intègre les effets de répercussion pour ainsi étendre cette approche à la qualité de vie.[[Jill Rubery, J. Humphries, C. Fagan, Damian P Grimshaw et Mark J Smith « Equal Opportunities as a Productrive Factor », in Systems of Production : markets, organisations and performance (éd. Burchel, S Deakin, J Michie & J Rubery), Routledge : Londres, 2003.]]
Aujourd'hui, les conséquences directes de ne rien faire sont assez claires aux yeux des décideurs européens : le capital humain et la participation des femmes au marché du travail ne sont pas utilisés de manière optimale et il n'y a pas assez d'enfants pour remplacer les travailleurs qui vont quitter leur poste. Cependant, la question reste de savoir ce qui doit être fait et par qui cela va être fait. La réponse dépend de l'approche choisie: la conciliation en tant qu'investissement ou en tant que consommation.
De nos jours, beaucoup de partisans bien en vue (par exemple, Prof. Esping Andersen, Prof. Van Praag) d'un accueil de qualité pour les enfants à un prix raisonnable, fourni ou contrôlé publiquement, indiquent que l'accueil des enfants n'est pas seulement le problème principal à résoudre mais que des calculs simples démontrent également que les coûts sont très peu élevés, voire nuls. La raison principale est que l'accueil d'enfants permettra aux femmes d'être sur le marché du travail et cela réduira le besoin de congés à long terme. Ainsi, l'état va percevoir des taxes sur les revenus des femmes et il évitera, directement ou indirectement, de payer pour ces congés. En outre, étant donné que les femmes sont moins entravées dans leur vie professionnelle et que cela doit avoir un effet sur leur situation professionnelle globale, elle gagneront beaucoup plus sur toute une vie vu qu'il y a un effet double sur les recettes fiscales. Si on regroupe la diminution de bénéfices payés pour les congés destinés aux soins d'une personne à charge et le revenu généré par l'augmentation des recettes fiscales, on obtient un montant plus élevé que le coût entraîné par l'accueil des enfants. Il existe donc déjà suffisamment d'arguments purement économiques pour un accueil d'enfants de qualité et peu onéreux, voire gratuit.
De plus, la création d'infrastructures pour l'accueil des enfants ou autres soins va générer de l'emploi, donc davantage de revenus, de recettes fiscales et de consommation, ce qui contribue à l'expansion de l'économie (un effet qui peut être clairement observé en étudiant le développement historique des systèmes d'aide sociale suédois et des autres pays scandinaves).
Cela dépend également de l'horizon temporel dans lequel on raisonne, soit une perspective à court terme, soit une perspective à long terme. A court terme, il peut y avoir des frais liés à l'investissement dans la conciliation, mais à long terme, les résultats seront probablement positifs grâce à une meilleure affectation des ressources et aux effets de répercussion. A part cela, les travailleurs heureux sont de bons travailleurs.
Il est important que les coûts à court terme ne soient pas directement liés à l'emploi de la femme car cela va entraver leur participation au marché du travail. La question de la conciliation n'est pas une "question féminine" mais une "question sociétale" car, quels que soient les coûts engendrés par l'accroissement des soins et autres services, ils doivent être mis en commun et être partagés par la société au sens large.
Néanmoins, cette question est l'une des positions les plus répandues allant au-delà de la norme actuelle, ce qui dans beaucoup d'esprits reste un travail à plein temps sans interruption (congé). Tout ce qui en dévie est perçu comme des coûts de production. Mais il n'est pas certain que cela coûtera plus chère d'avoir des hommes en congé plutôt que des femmes, tout comme on ignore si cela coûtera davantage de repenser la façon dont les heures de travail sont organisées. Il est possible qu'il y ait des coûts initiaux liés à la remise en question de la façon dont les choses sont établies, mais ceux-ci devraient tendre vers zéro à moyen et long terme.
Un problème se pose également par rapport à l'individu : vu la différence de salaire entre les hommes et les femmes, l'impact sur le revenu familial sera plus important si c'est l'homme qui travaille moins ou qui prend congé. Cependant, en distribuant de manière égale le travail non rémunéré entre les hommes et les femmes, nous devrions voir l'écart des salaires diminuer.
Mais la principale question est : quels seront les coûts si rien n'est fait... ?