Elles sont parfaitement conscientes du fait que les bonus scandaleux qu’elles continuent à octroyer (en dépit du chômage et des difficultés économiques dont souffre quotidiennement la population et bien que ce soit l’argent des contribuables qui leur ait permis d’éviter la faillite) vont provoquer la colère des citoyens.
C’est pour cette raison qu’elles mettent au point, d’une part, des arguments visant à justifier les bonus (et la taille de ceux-ci) et, d’autre part, des « trucs et astuces » destinés à contourner la législation et les plafonds qui leur sont imposés.
La Confédération européenne des syndicats dénonce l’immoralité de telles pratiques et considère comme inacceptable et scandaleux qu’une poignée d’individus se voie accorder des bonus faramineux alors que la majorité des Européens doit se contenter de revenus qui ne leur permettent pas de joindre les deux bouts. C’est pourquoi la CES a appelé les décideurs internationaux, européens et nationaux à prendre des mesures visant à mettre fin à ces injustices.
Et c’est aussi la raison pour laquelle la CES a l’intention d’attaquer les principaux « arguments » qu’utilisent les lobbies bancaires pour défendre et préserver les bonus et d’en démontrer la logique perverse.
I. Les banques et les grandes entreprises affirment : « Cette année, les montants des bonus seront moins élevés, cela suffira »
Bien que la British Banking Association (BBA) évalue en interne la possibilité de plafonner les bonus de fin d’année à 4 milliards de livres (4,7 milliards d’euros), les enquêtes menées auprès des banquiers montrent que la majorité d’entre eux s’attendent à recevoir un bonus plus important que l’an dernier.
Parallèlement, les dirigeants des entreprises cotées à l’indice FTSE 100 (les 100 entreprises britanniques affichant la plus grande capitalisation sur la bourse de Londres) ont vu leurs revenus augmenter de 55 % en moyenne au cours de l’année écoulée. Parmi les entreprises du FTSE 350, ce chiffre étant encore de 45 %.
Dans tous les cas, malgré ces prévisions, les banques et les entreprises affirment que les bonus seront plus faibles, plus contrôlés et plus « humains » cette année. A les croire, elles jouent donc leur rôle dans la diminution des excès et comprennent la colère de l’opinion publique.
En réalité, en dépit d’un possible plafonnement, les bonus restent scandaleusement élevés. Lorsque des personnes ont du mal à satisfaire les besoins les plus élémentaires et à rembourser leurs prêts et qu’à contrario, une poignée d’ultra-riches peut s’acheter une maison à l’aide d’un seul bonus, il est évident qu’il y a de l’argent à redistribuer.
II. Les banques disent : « Il s’agit d’un problème purement britannique »
Selon un porte-parole de la British Banking Association, « en dehors du Royaume-Uni, les bonus ne posent pratiquement pas de problème, voire pas du tout », l’argument étant qu’il serait contreproductif de chercher à appliquer des solutions au niveau international ou européen alors qu’au final, celle-ci ne pénaliseraient pratiquement que les opérateurs britanniques.
Ceci est une tentative de détourner l’attention des décideurs et des citoyens du cœur du problème : les travailleurs européens, qui paient au quotidien les conséquences négatives de la crise et des mesures d’austérité, ne sont pas indifférents aux salaires des dirigeants. Ils perçoivent très clairement la différence de traitement qui existe entre eux-mêmes et ceux qui sont responsables de la crise tout en en profitant.
Il s’agit d’une préoccupation partagée par l’ensemble des travailleurs européens ; la question des bonus scandaleusement élevés n’est absolument pas limitée au Royaume-Uni. Les travailleurs savent qu’une inégalité reste une inégalité, même si elle a lieu dans un pays voisin, et qu’il est nécessaire de mettre en place des règles européennes et internationales plus strictes si l’on veut mettre un terme à ces excès.
III. Les banques disent : « Plafonner et taxer les bonus va amplifier les délocalisations »
Les banques européennes affirment que, si les lois européennes en matière de bonus sont plus strictes que celles du reste du monde, cela faussera la concurrence entre l’Europe et les États-Unis et l’Asie.
Selon elles, les banquiers talentueux quitteront l’Europe afin de travailler dans des banques qui continueront à leur garantir les énormes bonus auxquels ils se sont habitués. Cela entraînerait inévitablement une délocalisation des grands groupes hors de l’Europe, et le continent finirait par perdre le rôle majeur qu’elle tient actuellement sur le marché international des capitaux financiers.
En réalité, l’Europe reste un marché gigantesque, tant en termes de population qu’en termes de capital financier, et les banques n’ont aucun intérêt à abandonner une telle mine d’or. De fait, malgré la crise, les banques et les grands groupes continuent à faire des affaires très profitables.
Une législation à même de limiter concrètement ces bonus insensés ne ferait aucun tort aux chiffres des banques en Europe.
Le véritable problème est celui de l’injustice sociale : les salaires de banquiers, même plafonnés ou taxés, sont infiniment plus élevés que ceux de millions de travailleurs européens.
IV. Les banques disent : « Moins de bonus, c’est moins de recettes fiscales pour l’État »
Les défenseurs des banques affirment qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’État de réglementer les bonus, car le « le plus gros des pachas » (comme ils appellent l’État !) verrait ses recettes fiscales diminuer.
En réalité, l’État a entièrement le droit et même le devoir de taxer les revenus, et plus particulièrement les plus exorbitants, en vue d’assurer la redistribution sociale. Le simple fait que ces bonus existent est inacceptable ; ils sont symptomatiques des énormes inégalités qui affectent la société actuelle. L’un des rôles de l’État est de prendre les mesures nécessaires pour réduire ces disparités.
{{V. Les banques affirment : « En 2010, les bonus profitent plus à l’État qu’aux banquiers »
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Les banques britanniques considèrent comme scandaleuse la possibilité que, si les nouveaux taux d’imposition sur les bonus étaient acceptés, le fisc perçoive une plus grande partie des bonus que les banquiers de la City. Elles soulignent que ces derniers en profiteraient moins que les coffres publics.
Il n’y a strictement aucune raison de se sentir gêné par une telle possibilité, et ce, pour une raison toute simple : si cet argent va dans les poches d’un banquier, celui-ci s’achètera probablement un appartement de luxe ; s’il se retrouve dans le budget de l’État, il permettra de financer quelque chose qui profitera à tous les citoyens, comme la sécurité sociale. La différence est de taille.
Il est tout à fait correct et juste d’imposer plus fortement les revenus plus élevés ; si l’État renonçait à ce principe, les injustices sociales ne feraient que s’accentuer.