Des États membres échouent à protéger la négociation collective : 3,3 millions de travailleurs sont perdants

D’après les derniers chiffres, on estime que le nombre de travailleurs bénéficiant aujourd’hui d’une convention collective de travail au sein de l’Union européenne a chuté d’au moins 3,3 millions par rapport au début du siècle.

Depuis l’an 2000, la couverture de la négociation collective a diminué dans 22 des 27 États membres de l’UE en raison de politiques délibérées mises en place par ces États et soutenues par la Commission européenne mais qui, souvent, sont basées sur l’idée erronée selon laquelle un niveau élevé de négociation collective est mauvais pour l’économie.

En réalité, les faits attestent du contraire et montrent que des systèmes forts de négociation collective contribuent à des salaires plus importants, à de meilleures conditions de travail ainsi qu’à une société plus juste et à de meilleures performances économiques.

La chute la plus spectaculaire du pourcentage de travailleurs couverts a été enregistrée en Roumanie (de 100% à 23%), en Grèce (de 100% à 25%) et en Bulgarie (de 56% à 23%) selon les chiffres de l’Université d’Amsterdam.

Ces chiffres révèlent également que le nombre de travailleurs couverts a diminué dans 9 des 15 pays pour lesquels ces données sont disponibles, y compris la Grèce (-1,2 million), l’Allemagne (-884.000) et la Hongrie (-439.000).

On observe aujourd’hui dans toute l’UE une énorme disparité entre pays avec, par exemple, à peine 7% des travailleurs bénéficiant de la négociation collective en Lituanie contre 98% en Autriche.


Source : Jelle Visser, ICTWSS Data base, version 6.1. Amsterdam: Amsterdam Institute for Advanced Labour Studies AIAS. October 2019; OECD Stat.

Les chiffres montrent une chute de la couverture dans les pays suivants :
 

État membre % Couverture 2000-2002 % Couverture 2016-2018 Différence du nombre de travailleurs couverts
       
Lituanie 15% 7%  
Lettonie 18% 14%
  • 59.000
Pologne 25% 17%  
Grèce 100% 25%
  • 1,263 million
Estonie 23% 19%  
Hongrie 38% 21%
  • 439.000
Bulgarie 56% 23%
  • 254.000
Roumanie 100% 23%  
Slovaquie 51% 25%  
Tchéquie 35% 30%  
Irlande 44% 34%  
Chypre 65% 44%
  • 10.000
Croatie 64% 45%
  • 120.000
Malte 57% 50%  
Allemagne 68% 54%
  • 884.000
Luxembourg 60% 59%  
Espagne 75% 68%  
Portugal 78% 74%  
Pays-Bas 82% 78%
  • 80.000

Source : Jelle Visser, ICTWSS Data base, version 6.1. Amsterdam: Amsterdam Institute for Advanced Labour Studies AIAS. October 2019; OECD Stat.
 

La Confédération européenne des syndicats (CES) souligne ces chiffres dans le cadre de la consultation de la Commission européenne sur le salaire minimum équitable.
Le document de la Commission relatif à la première phase de consultation mentionne : « La négociation collective est un élément essentiel de l’économie sociale de marché encouragée par l’UE et constitue une base solide pour fixer les salaires dans de bonnes conditions ».

La CES estime que la Commission doit mettre cette initiative sur le salaire minimum équitable à profit pour protéger la négociation collective dans les pays où la couverture est déjà importante et pour l’étendre à ceux où elle est faible afin de réduire les inégalités, améliorer les conditions de travail et augmenter la productivité.

La Secrétaire générale de la CES, Esther Lynch, a déclaré :

« Relever le salaire minimum légal est le strict minimum nécessaire pour maintenir les gens au-dessus du seuil de pauvreté mais la négociation collective est le meilleur moyen de garantir que les travailleurs reçoivent un salaire vraiment équitable, de combattre l’écart salarial entre les femmes et les hommes et d’assurer de bonnes conditions aux travailleurs atypiques. L’échec des États membres à agir pour promouvoir le droit et la capacité des travailleurs en matière de négociation collective fait obstacle à toute amélioration salariale. Une négociation collective faible entraîne également un faible salaire minimum. Un salaire minimum équitable ne peut se concrétiser que dans les marchés du travail où des systèmes forts de négociation collective garantissent une couverture adéquate. »

« C’est une bonne chose que la Commission ait reconnu que la négociation collective est essentielle pour une économie équitable. Il est donc logique qu’elle doive maintenant promouvoir la négociation collective, en particulier là où le nombre de travailleurs couverts est faible. L’UE ne doit cependant pas interférer là où il n’y a pas de problème à ce sujet. »
« Cela pourrait commencer par l’allocation d’une partie du montant annuel de 2 billions d’euros (14% du PIB) de dépenses publiques pour des services, des travaux et des fournitures à des entreprises signataires d’une convention collective de travail. »