La législation relative au harcèlement sur les lieux de travail doit être actualisée afin de protéger les femmes travaillant de leur domicile contre le harcèlement en ligne rendu possible par les techniques de surveillance utilisées par certains employeurs.
C’est là le message que les syndicats ont adressé dans une lettre aux ministres nationaux à l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes et des filles.
Durant la crise, les femmes luttant en première ligne contre la Covid-19, singulièrement les soignantes, les travailleuses des transports, les vendeuses et les techniciennes de surface, ont été confrontées à un accroissement des comportements inconvenants sur leur lieu de travail.
Une part importante des cas de harcèlement dont les femmes sont victimes se sont toutefois déplacés pendant le confinement et se produisent maintenant en ligne à travers des outils de contrôle intrusifs utilisés par de nombreuses entreprises.
Face à cette nouvelle menace, les syndicats exhortent les pays à ratifier la nouvelle convention internationale de l’Organisation internationale du travail qui les engagerait à prévenir et combattre le cyberharcèlement. L’OIT explique :
« La Convention 190 protège contre toute forme de violence et de harcèlement dans le monde du travail. La Convention est basée sur le large concept de « monde du travail » qui tient compte du fait que, aujourd’hui, le travail n’est pas toujours presté dans un lieu de travail physique. Par exemple, elle couvre aussi les cas de violence et de harcèlement survenant durant les voyages liés au travail, lors des trajets domicile-travail, dans un logement mis à disposition par l’employeur ou à travers des communications professionnelles, y compris celles que permettent les technologies de l’information et de la communication. »
La convention, qui entrera en vigueur l’année prochaine, constitue la première norme internationale en matière de travail qui aborde la question des violences et du harcèlement dans le monde du travail. Des gouvernements et employeurs de pays membres de l’OIT ont approuvé la convention et se sont engagés à améliorer leur législation et leurs services et procédures afin de lutter contre la violence et le harcèlement.
Esther Lynch, Secrétaire générale adjointe de la CES, a déclaré :
« Bien que certaines lois, politiques et services existent, la question de la violence et du harcèlement au travail reste un problème majeur, en particulier pour les femmes. Il n’y a aujourd’hui pas suffisamment de mécanismes efficaces pour prévenir et combattre le cyberharcèlement et, notamment, pour prévenir la surveillance intrusive. »
« Généralement, les entreprises savent ou peuvent facilement trouver comment aborder le harcèlement au travail mais elles doivent mettre leurs procédures à jour pour que celles-ci s’appliquent aussi au harcèlement subi par leurs employés travaillant de chez eux. La tendance en faveur du télétravail se poursuivra après la pandémie du Covid, la convention de l’OIT arrive donc à point nommé et réclame une attention urgente. »
« Pour les gouvernements, la meilleure façon de progresser est de veiller au cadre juridique approprié pour aborder les problèmes tels que le cyberharcèlement et la cybersurveillance et encourager les employeurs à négocier des procédures avec les syndicats. Cela s’est déjà révélé être efficace puisque les entreprises avec un syndicat connaissent 60% de moins de cas de harcèlement sexuel. »
« La convention engage également les gouvernements et les employeurs à atténuer l’impact des violences domestiques lorsque le domicile devient lieu de travail comme c’est de plus en plus le cas avec la crise du Covid. Elle appelle aussi à des mesures telles que des congés pour les victimes, une organisation flexible du travail, une protection temporaire contre les licenciements et un soutien aux victimes de violences domestiques. »
Notes
Lettre aux Ministers: https://www.etuc.org/sites/default/files/press-release/file/2020-11/Letter%20to%20national%20ministers%20re%20cyber%20harrasment.pdf
Selon l’OIT : « Il semblerait également que l’augmentation du télétravail se soit accompagnée d’une progression de la cyberintimidation… Si le télétravail peut réduire les formes de violence et de harcèlement qui supposent un contact direct, une généralisation du télétravail peut entraîner un risque accru des actes de violence et de harcèlement liés aux technologies (souvent dénommés «cyberintimidation»).
Selon l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne :
- 16% des femmes de l’UE ont déclaré que les violences les plus graves perpétrées par une personne autre que leur partenaire ont eu lieu au travail ;
- 11% des femmes de l’UE ont connu des violences physiques et/ou sexuelles perpétrées par un(e) collègue au travail.