La proposition de la Commission européenne de faire payer la note de la transition verte par les travailleurs en augmentant le prix de l’essence et de l’énergie des ménages risque de provoquer des réactions hostiles de type Gilets jaunes contre une action pour le climat pourtant urgente.
Les travailleurs confrontés à une fréquence et une intensité croissantes d’événements climatiques extrêmes reconnaissent mieux que quiconque la nécessité d’une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre. Les syndicats européens soutiennent donc l’action pour le climat plus ambitieuse telle que définie dans le paquet législatif « Fit for 55 » lancé aujourd’hui.
Toutefois, ce sont les ménages à faible revenu qui auraient à supporter le poids de la transition climatique du fait de la proposition de la Commission de créer un régime d'échange de droits d'émission (SEQE) séparé pour le transport routier et les bâtiments à usage d’habitation.
Alors que 50 millions de ménages européens souffrent déjà de précarité énergétique :
- plusieurs études avancent qu’un prix de 170 euros la tonne de carbone se traduirait par un coût annuel de 373 euros par ménage pour le transport et de 429 euros par ménage pour le logement ;
- le développement d’un nouveau SEQE pour le transport routier et le chauffage des bâtiments demanderait beaucoup de temps et pourrait mener à une tarification du carbone inadéquate affectant les régions et pays d’Europe de manière différente et donc accroître encore les inégalités ;
- l’introduction d’un prix du carbone pour le transport routier et le chauffage des bâtiments n’entraînerait pas de changements rapides de la consommation sauf pour les ménages à revenu élevé qui peuvent investir dans des solutions bas carbone.
Un sondage effectué par le Parlement européen révèle que les personnes ayant des difficultés à payer leurs factures constituent déjà le groupe le moins susceptible de donner priorité à l’action pour le climat.
La Commission a proposé un nouveau mécanisme social d’action pour le climat pour compenser les ménages vulnérables qui serait toutefois insuffisant pour neutraliser les effets distributifs régressifs du nouveau SEQE sur le transport routier et les bâtiments.
Ludovic Voet, Secrétaire confédéral de la CES, explique :
« L’extension du régime européen d'échange de droits d'émission au transport routier et aux bâtiments alimentera des réactions sociales hostiles comme celles du mouvement des Gilets jaunes partout en Europe, et tout cela pour une efficacité environnementale quasi nulle. »
« Une augmentation de 5 euros du prix à la pompe et de 35 à 40 euros par mois de la facture d’énergie des ménages aura un impact négatif sur le revenu de tous les travailleurs alors que les alternatives renouvelables permettant une modification de leurs habitudes de consommation ne sont pas encore disponibles. »
« Il est également tout à fait injuste que tous les revenus de l’extension du SEQE ne seront pas utilisés pour compenser les conséquences sociales négatives de cette mesure. Les travailleurs dont la vie a été rendue plus précaire en raison du Covid-19 ne peuvent pas et ne doivent pas payer la note de la crise. Les syndicats se sont clairement prononcés quant au fait que les revenus de toute taxe ou politique climatiques doivent être investis pour atténuer les conséquences sociales de la crise climatique à travers une transition juste ou pour financer les actions en faveur du climat. Le mécanisme social d’action pour le climat tel qu’il a été présenté aujourd’hui reste insuffisant à cet égard. »
« Fondamentalement, le mécanisme social d’action pour le climat est une solution à un problème que la Commission s’est créée pour elle-même en élargissant le SEQE au transport routier et aux bâtiments. Cette mesure risque de remettre en cause le soutien des citoyens aux politiques pour le climat ce qui est particulièrement regrettable étant donné l’absolue nécessité de s’attaquer à l’urgence climatique et de mettre en œuvre les autres bonnes propositions du paquet Fit for 55. »
Photo: Patrice CALATAYU / Flickr