Le soutien de l'UE aux salaires minimums et aux négociations collectives menacé par une opinion aberrante

Le plus important texte législatif sur les travailleurs au niveau de l'UE depuis une génération pourrait être menacé à la suite d'un avis non contraignant émis aujourd'hui.

M. Emiliou, qui agissait en tant qu'avocat général auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, a rendu aujourd'hui un avis très controversé [affaire C-19/23] sur l'affaire soutenue par deux États membres contre la directive sur le salaire minimum adéquat.

Une première évaluation de l'avis par la CES est qu'il ne prend pas en considération, non seulement l'objectif global de la directive d'éviter la concurrence déloyale sur la base de bas salaires, mais aussi un certain nombre de précédents juridiques soutenant la compétence de l'UE à réglementer les aspects de la protection des salaires. En outre, la Charte sociale européenne est ignorée dans son intégralité, alors qu'elle exige de l'UE et des États membres qu'ils promeuvent les salaires équitables et les négociations collectives.

La directive sur les salaires minimums adéquats, adoptée en 2022, a déjà encouragé un certain nombre de gouvernements nationaux à réexaminer l'adéquation de leurs salaires minimums, augmentant ainsi les salaires de millions de travailleurs faiblement rémunérés. Ce seuil de décence est aujourd'hui dans le collimateur de l'avis, qui plaide de manière choquante en faveur d'une concurrence au sein de l'UE fondée sur la baisse des salaires minimums.

L'avis appelle inexplicablement à l'annulation de l'ensemble de la directive, ce qui inclurait également la suppression de l'obligation pour les États membres de disposer d'un plan d'action visant à promouvoir les négociations collectives et de prendre des mesures pour empêcher le démantèlement des syndicats. Il s'agit déjà d'obligations pour les Etats membres découlant de la Charte sociale européenne et des conventions fondamentales de l'OIT.

La CES rappelle que la Cour de justice de l'Union européenne n'est pas obligée de suivre cet avis et qu'elle ne suit pas régulièrement les avis des avocats généraux. La CES attend de la Cour qu'elle maintienne sa jurisprudence de longue date et qu'elle confirme la directive dans son intégralité, conformément aux avis juridiques du Parlement, du Conseil, de la Commission et de la grande majorité des Etats membres.

Nous rappelons également à tous les Etats membres que la directive reste en vigueur et doit être transposée.

Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, a déclaré :

"Cet avis, s'il était confirmé, serait un coup dur pour les travailleurs et leurs syndicats et saperait complètement l'objectif de progrès social inscrit dans les traités de l'UE.

"Il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Une rémunération équitable est inhérente à des conditions de travail décentes. Le soutien des travailleurs au projet européen est en jeu. L'UE doit être en mesure de protéger les travailleurs contre un nivellement par le bas fondé sur la baisse des salaires minimums.

"Permettre aux entreprises de se concurrencer sur les salaires les plus bas, sans garantir un plancher de décence, et le démantèlement des syndicats est une voie à sens unique vers le dumping social.

"Valider cette argumentation aurait des conséquences dangereuses et profondes qui risqueraient d'anéantir des années de progrès social laborieux dans la législation européenne.

"Cette même vieille argumentation a été utilisée dans le passé pour tenter de saper le progrès social et elle doit être écartée une fois pour toutes.