La Confédération européenne des syndicats (CES) a lancé une alerte d’urgence sans précédent identifiant les pays et les situations dans lesquels la possibilité pour les travailleurs européens d’obtenir des salaires décents est menacée.
« Il existe au cœur du projet européen un contrat social qui offre aux travailleurs l’occasion de bénéficier de salaires et de conditions de travail décents », explique Luca Visentini, Secrétaire général de la CES, « mais la base même sur laquelle repose ce contrat social a un besoin urgent d’entretien et de rénovation. »
« Le mouvement syndical européen lance ce message d’alerte parce que le rapport de forces entre travailleurs et employeurs s’est par trop déplacé en faveur de ces derniers. Les droits durement acquis de négocier avec les employeurs sont en danger dans de nombreux États membres de l’UE. »
Cette alerte se fonde sur un tableau d’indicateurs de rémunérations équitables compilés par la CES à partir de sources officielles, y compris l’OCDE et Eurostat, qui ne traduisent toutefois pas les graves problèmes qui pèsent actuellement sur les droits à la négociation collective, notamment au Danemark et en Roumanie. Une analyse plus détaillée sera publiée à ce sujet plus tard cette année.
« Tous les États membres de l’UE doivent veiller à ce que les employeurs respectent le droit des travailleurs à négocier à travers leurs syndicats », prolonge Esther Lynch, Secrétaire confédérale de la CES. « Cette alerte est un appel à l’action, un avertissement aux gouvernements de la nécessité de discuter avec les syndicats sur ce qui doit être fait pour remettre la négociation collective et le dialogue sur les rails, sur la manière d’accroître la part des richesses consacrée aux salaires et d’augmenter le nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives portant sur les salaires et les conditions de travail – avec, si besoin en est, le soutien de l’UE. »
« Dans nombre d’États membres, les travailleurs gagnent aujourd’hui encore moins qu’avant la crise. C’est ce qui résulte du démantèlement de la négociation collective et du nombre d’emplois précaires qui progressivement abaissent le niveau du chômage. Mais aussi parce que, bien trop souvent, les gouvernements permettent aux employeurs d’ignorer ou de bafouer le droit des travailleurs à s’organiser et à négocier collectivement. Revitaliser la négociation collective améliorera le sort de davantage de personnes et renforcera la croissance économique au profit de tous. »
Même sans tenir compte des différends en cours, le tableau de la CES révèle 35 cas d’alerte rouge qui concernent 17 États membres de l’UE. Les pays présentant le plus grand nombre de ces cas sont l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie, la République tchèque et le Royaume-Uni.
Parmi les raisons qui déclenchent les alertes d’urgence, le tableau montre que :
- Dans au moins 8 États membres, les conventions collectives sont principalement conclues au niveau de l’entreprise et non au niveau sectoriel, ce qui donne lieu à d’importantes différences salariales entre entreprises du même secteur ;
- Moins de 35% des travailleurs dans au moins 6 États membres sont couverts par une convention collective ;
- Les mécanismes destinés à étendre la couverture des conventions collectives à un plus grand nombre de travailleurs ne fonctionnent pas, sont rares ou inexistants dans au moins 12 États membres ;
- Les salaires constituent moins que la moyenne de 45,3% du PIB dans 10 États membres, ce qui veut dire que 55% du revenu national de ces pays ne sont pas générés par le travail salarié.