Les syndicats ouvrent la "boîte noire" de la gestion algorithmique dans un nouveau guide

La Confédération européenne des syndicats (CES) lance aujourd'hui un guide pour aider les travailleurs à prévenir les abus de la gestion algorithmique et à redonner le contrôle à l'humain sur leur lieu de travail.

Négocier l'algorithme : Un manuel syndical" est un guide complet pour les syndicats sur la manière de garantir la protection des droits, des salaires et des conditions de travail des travailleurs à l'ère de la gestion algorithmique.

La gestion algorithmique - l'utilisation de procédures programmées par ordinateur pour gérer les travailleurs - est de plus en plus répandue dans l'économie européenne. Une étude de l'OCDE publiée au début de cette année a révélé que 79 % des lieux de travail ont adopté au moins un outil de gestion algorithmique.

La technologie est de plus en plus utilisée pour fixer les salaires, évaluer les performances et prendre des décisions en matière d'embauche et de licenciement. Les travailleurs des entrepôts de distribution d'Amazon font l'objet d'une surveillance intensive et sont soumis à un vaste système de mesures et d'évaluations algorithmiques des performances, ce qui met effectivement les travailleurs en concurrence les uns avec les autres.

Cependant, le manuel "Négocier l'algorithme" documente le nombre croissant de cas en Europe où les travailleurs négocient avec succès l'utilisation de systèmes de gestion algorithmiques par le biais de conventions collectives, notamment :

Un accord entre la plateforme de livraison de nourriture Just Eat et les syndicats CCOO et UGT en Espagne, qui inclut le droit pour les travailleurs d'obtenir des informations sur les "paramètres" du système d'intelligence artificielle, et une "commission algorithmique" composée de représentants syndicaux et patronaux supervise la mise en œuvre de l'accord.

Un accord entre la plateforme de nettoyage à domicile Hilfr et le syndicat 3F au Danemark, qui garantit que Hilfr donne une explication complète des décisions déterminées par des algorithmes, et que si une explication ne peut être fournie, la décision est invalidée. L'accord comprend un "clubhouse numérique" permettant aux travailleurs d'accéder à leurs représentants syndicaux par l'intermédiaire de l'application Hilfr.

Le manuel de la CES identifie également diverses façons dont les travailleurs utilisent les outils et techniques de récupération des données pour accéder à leurs propres données, depuis l'utilisation de leurs droits en vertu du GDPR pour faire des demandes d'accès à l'information jusqu'au développement de "contre-applications", qui sont des outils numériques permettant aux travailleurs d'agréger et de comprendre leurs données.

La publication du manuel intervient alors que les travailleurs de l'économie de plateforme de toute l'Europe se préparent à se rencontrer au "Platforum", un rassemblement annuel de la CES, à Chypre les 25 et 26 septembre.

À l'ordre du jour figurera la directive de l'UE sur le travail sur les plateformes, qui entrera en vigueur dans les États membres d'ici décembre 2026 et comprendra un nouvel ensemble de droits en rapport avec la gestion algorithmique. Il s'agit notamment du droit à une explication de toutes les décisions automatisées et du droit des représentants des travailleurs à être consultés sur les changements apportés aux systèmes d'IA.

L'introduction de la directive sur les plateformes de travail accroît l'urgence pour les syndicats de se préparer à négocier l'algorithme, et le manuel comprend une section sur la manière dont les syndicats peuvent développer leur capacité dans ce domaine, y compris par la formation et la construction de leur infrastructure de données.

Tea Jarc, secrétaire confédérale de la CES, a déclaré :

"Les systèmes de gestion algorithmique sont déjà utilisés pour embaucher et licencier des travailleurs, ainsi que pour fixer leur salaire et leurs conditions de travail.

"Trop d'entreprises tentent de garder secrets les algorithmes qui sous-tendent ces décisions afin de priver les travailleurs de leur pouvoir et d'éviter d'avoir à rendre des comptes.

"Cela permet aux entreprises de contourner les responsabilités que tout autre employeur doit respecter et de créer une culture de surveillance orwellienne sur le lieu de travail.

"Il est essentiel que les syndicats disposent des outils nécessaires pour ouvrir ces boîtes noires et veiller à ce que les décisions affectant les travailleurs soient prises de manière transparente par le biais de la négociation collective.

"Les syndicats européens ont déjà réussi à négocier des accords sur l'utilisation de la gestion algorithmique et ce guide contribuera à redonner le contrôle aux humains sur un plus grand nombre de lieux de travail.

Couverture du guide "Négocier l'algorithme" de la CES
Publié le23.09.2025
Communiqué de presse