Travailleurs détachés : Les coûts sociaux du plan de la Commission l'emportent sur les économies

Le coût social des projets de la Commission européenne visant à affaiblir les règles sur le détachement des travailleurs sera bien plus élevé que les petites économies réalisées par les entreprises, avertissent les syndicats.

La Commission européenne a publié aujourd'hui une proposition visant à créer un système européen unique de déclaration des travailleurs détachés, dont l'objectif aurait dû être de garantir un meilleur respect et une meilleure application des règles.

Cependant, la proposition de règlement privilégie clairement la réduction des coûts pour les entreprises au détriment du groupe de travailleurs le plus vulnérable d'Europe et intervient après une consultation minimale avec les syndicats ou les inspections nationales du travail.

Le document de travail des services de la Commission indique clairement que l'objectif du règlement est de "réduire les exigences en matière d'information" des employeurs sur les travailleurs détachés.

Une économie de 11 euros

Cela rendrait encore plus difficile pour les inspections du travail, déjà débordées, de savoir quels lieux de travail elles doivent visiter pour lutter contre les abus endémiques auxquels sont confrontés les travailleurs détachés, tels que le non-paiement des salaires et les conditions de travail dangereuses.

Les États membres participant au système ne pourraient pas exiger des employeurs qu'ils fournissent d'autres informations nécessaires au suivi des entreprises et à la prévention des abus.

Selon la Commission, le coût actuel pour les employeurs de la déclaration d'un travailleur détaché s'élève à la modique somme de 10,78 euros. Même si tous les États membres mettaient en œuvre cette initiative, les économies totales pour les entreprises européennes ne s'élèveraient qu'à "environ 13 945 000 euros", selon la Commission.

La Confédération européenne des syndicats (CES) a écrit à la Commission avant la proposition pour lui faire part de ses inquiétudes quant aux conséquences sociales négatives qui dépassent de loin cette petite économie.

En réponse à la proposition d'aujourd'hui, la secrétaire générale adjointe de la CES, Isabelle Schömann, a déclaré :

"La Commission européenne a manqué l'occasion d'introduire un système de déclaration des travailleurs détachés qui permettrait aux employeurs d'enregistrer correctement les travailleurs détachés et aux inspecteurs du travail de faire respecter les droits des travailleurs.

"Malheureusement, la Commission a préféré donner la priorité à une réduction des informations que les employeurs devront fournir sur les travailleurs qu'ils envoient dans d'autres pays, afin d'économiser seulement 11 euros par fois.

"Il est hautement irresponsable de déréglementer davantage ce processus alors que les travailleurs détachés sont déjà confrontés à des abus généralisés, allant du non-paiement des salaires à des conditions de travail dangereuses qui ont conduit à des accidents mortels.

"Le coût social de cette proposition dépasserait de loin les petites économies réalisées par les entreprises. C'est un exemple clair de la fausse économie du programme de déréglementation à la Trump de la Commission.

"Au lieu de cela, la Commission doit de toute urgence prendre des mesures législatives pour réglementer les intermédiaires du travail et limiter les longues chaînes de sous-traitance qui permettent aux entreprises d'échapper à leurs responsabilités en matière d'exploitation des travailleurs détachés."

Le secrétaire général de la FETBB, Tom Deleu, prévient que cette initiative conduira à davantage de dumping social, de criminalité du travail et de concurrence déloyale :

"Cette initiative ignore totalement les signaux inquiétants émis par le secteur de la construction, qui indiquent que le faux détachement, en particulier dans les chaînes de sous-traitance longues et complexes, est devenu un modèle d'entreprise qui exploite les travailleurs.

"Le récent rapport de l'ELA sur le secteur de la construction, le rapport Letta et le rapport de mise en œuvre de la Commission sur la directive révisée relative au détachement de travailleurs insistent tous sur le besoin urgent d'une mise en œuvre meilleure et plus efficace, en particulier dans un contexte transfrontalier.

"La proposition actuelle ignore complètement ces rapports importants et se fonde sur une vision unilatérale qui ne tient compte que des coûts et de la charge administrative. Telle qu'elle est formulée, la proposition sapera les bonnes pratiques existantes en matière de systèmes de notification préalable qui existent dans plusieurs États membres.

"Cette proposition permettra aux sociétés de boîtes aux lettres de poursuivre et même d'accroître leur modèle commercial de faux envois. Un modèle commercial qui nuit à la concurrence loyale et aux entreprises de construction authentiques qui détachent des travailleurs. La nouvelle Commission devrait revoir ses priorités et se concentrer sur une stratégie qui limitera la sous-traitance, promouvra des emplois de qualité et une concurrence loyale.

Notes

Lettre de la CES sur la déclaration électronique sur le détachement et la nécessité d'une meilleure application des droits des travailleurs détachés

Voici quelques exemples de problèmes rencontrés par les travailleurs détachés :

- Le non-paiement des salaires: Une entreprise enregistrée dans un bureau comptable en Slovénie a détaché 391 travailleurs, presque tous originaires de Bosnie, en Allemagne depuis 2011. Il semblerait que les travailleurs n'aient pas reçu le salaire minimum ni les congés payés. La société n'a enregistré aucune activité économique en Slovénie. Source.

- Non-paiement des cotisations de sécurité sociale : Les autorités françaises ont jugé que 12 millions d'euros auraient dû être versés en cotisations sociales pour 460 employés polonais et roumains détachés dans le secteur de la construction par une société irlandaise qui a établi leurs contrats avec un bureau fictif dans un autre État membre. Source.

- Non-respect de la santé et de la sécurité : Le 18 juin 2021, un bâtiment scolaire en construction s'est effondré dans la ville belge d'Anvers. L'accident a causé la mort de cinq ouvriers et en a gravement blessé neuf autres. Tous les travailleurs concernés étaient des travailleurs détachés non belges. Source : ..