Une directive pour protéger les entreprises ou les lanceurs d’alerte ?

Alors que la directive phare de l’UE sur la protection des lanceurs d’alerte entrera bientôt dans la phase finale des négociations entre gouvernements nationaux et Parlement européen, les syndicats mettent en garde contre le danger pour l’UE d’aboutir à une directive qui protège les entreprises plus que les lanceurs d’alerte.

« Certains États membres insistent sur le fait que les lanceurs d’alerte doivent d’abord passer par une procédure interne de déclaration d’incident » explique Esther Lynch, Secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats (CES). « Ce n’est pas dans l’intérêt ni de ceux qui dénoncent des actes répréhensibles, ni du public. Au contraire, cela donnerait aux entreprises la possibilité de dissimuler de tels actes et de faire taire les lanceurs d’alerte. »

« C’est une bonne chose que l’UE encourage les entreprises à mettre en place une procédure interne permettant aux travailleurs ou à d’autres de signaler plus aisément des situations ou comportements délictueux mais c’est une très mauvaise idée dans le chef de l’UE d’obliger les lanceurs d’alerte potentiels à y recourir ou, à défaut, de risquer de perdre leur emploi. »

« La directive rendrait également les lanceurs d’alerte vulnérables aux pressions des entreprises pour qu’ils abandonnent leurs plaintes parce qu’elle ne leur donne pas encore le droit d’être représentés par leur syndicat dans ce qui est une procédure extrêmement complexe. »

La procédure de signalement à trois échelons (signalement via canal interne, signalement aux autorités et signalement au grand public ou aux médias) a été proposée dans le projet de directive de la Commission européenne et est soutenue par plusieurs États membres, y compris l’Allemagne et la France. Le Parlement européen propose judicieusement de laisser aux lanceurs d’alerte le soin de juger par eux-mêmes de l’opportunité d’un signalement aux autorités compétentes ou au public.

« A moins que les États membres ne s’entendent pour l’améliorer, l’UE risque de se retrouver avec une directive qui protège les entreprises contre les personnes qui dénoncent des méfaits plutôt que les lanceurs d’alerte » ajoute Esther Lynch. « Ce serait là une véritable mascarade après les scandales Luxleaks, Panama Papers et Cambridge Analytica. »

La prochaine séance de négociation en trilogue est prévue le 4 mars.

Whistleblowing Directive
01.03.2019
Communiqué de presse