Services publics - services d'intérêt (économique) général - SI(E)G

Mars 2007

Les services publics - connus dans le jargon de l'Union européenne sous l'appellation services d'intérêt général (SIG) ou services d'intérêt économique général (SIEG) - répondent aux besoins quotidiens des gens et sont indispensables à leur bien-être. La qualité de vie des citoyens dépend de ces services, qui sont essentiels à un développement économique durable et à une cohésion sociale et régionale en Europe. C'est pourquoi la CES considère l'accès universel aux services publics comme un droit fondamental et un pilier du modèle social européen.

La CES estime que les services dans l'UE ont besoin de règles claires, afin de garantir à tous la continuité de l'approvisionnement et un accès équitable. Les S(I)EG doivent être du niveau le plus élevé qui soit, être accessibles à tous à un prix abordable et faire l'objet d'un contrôle démocratique et d'une obligation de rendre des comptes impliquant tant les consommateurs que les travailleurs de ces secteurs cruciaux.

Aussi la CES demande-t-elle à la Commission européenne de proposer une directive-cadre afin de garantir ces services et de leur permettre d'évoluer et de se moderniser. Pour soutenir cette demande, la CES a lancé une campagne en novembre 2006 afin de recueillir 1 million de signatures dans une pétition exigeant "des services publics de haute qualité et accessibles à tous".

{{Que sont les services d'intérêt général ?

Les services publics }}diffèrent des autres services en ce sens que les pouvoirs publics ont la responsabilité de garantir leur approvisionnement, qu'ils soient ou non rentables sur un marché libre. Bien qu'il soit difficile de définir précisément les S(I)EG en raison des variations d'un État membre à l'autre, ils couvrent, par exemple, la fourniture d'eau et d'énergie, la gestion des déchets, les services sociaux et de santé, l'enseignement et les services postaux.

La distinction entre SIG et SIEG est tout aussi difficile à établir, et elle fait également l'objet d'une interprétation de la Cour européenne de justice (« toute activité consistant à offrir des biens et services sur un marché donné est une activité économique »). En général, les SIG peuvent se définir comme des services fournis directement par les pouvoirs publics comme l'enseignement obligatoire et la sécurité, par opposition aux SIEG qui impliquent une certaine relation économique entre un fournisseur et un consommateur.

Depuis la fin des années 1980, la Commission poursuit une politique d'ouverture du marché dans le but de créer une concurrence dans des secteurs tels que les télécommunications, le transport, l'électricité et le gaz. Souvent, la libéralisation a eu pour effet de remplacer des monopoles uniques et publics par un vaste groupe de quasi-monopoles privés. De plus, la libéralisation et l'externalisation ont tendance à réduire l'accessibilité et la qualité des services publics et ne bénéficient pas toujours aux consommateurs.

Par exemple, la Commission a adopté une série de mesures afin de parvenir à une libéralisation progressive des services postaux. Elle vient de faire un nouveau pas vers une libéralisation totale, en ouvrant ces services à la libre concurrence à partir du 1er janvier 2009, sans se soucier de garantir un service universel, accessible à tous.

{{Comment les S(I)EG sont-ils reconnus dans l'UE ?

}}Le traité instituant la Communauté européenne (TIC) reconnaît spécifiquement que les services d'intérêt économique général ont une mission de service public qui se distingue d'autres services commerciaux à l'intérieur du marché unique.

L'Article 16 stipule :
{....eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions.
}{{
L'Article 86}} stipule :
Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie[[ Texte en gras inséré par la CES]]. {Le développement du commerce ne peut être affecté d'une manière contraire aux intérêts de la Communauté.

}Les services d'intérêt général figurent également dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.{{

Article 36 -}} Accès aux services d'intérêt économique général :
L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel que prévu par les législations et pratiques nationales, conformément au traité instituant la Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union.

La CES a mené campagne avec acharnement afin de garantir une base légale aux services d'intérêt économique général dans le projet de constitution européenne. L'article III-122 stipule :
... eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l'Union et les États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les États membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.

Dans son Livre blanc de 2004 sur les services d'intérêt général[[ COM (2004) 374, 12.5.2004]], la Commission reconnaissait que l'accomplissement d'une mission d'intérêt général prévaut sur l'application des règles de concurrence du Traité, et que le caractère personnel de nombreux services sociaux et de santé entraîne des obligations très différentes de celles qu'entraînent les services offerts sur une base commerciale.
{{
Y a-t-il un lien entre les S(I)EG et la directive sur les services dans le marché intérieur ?
}}
La directive sur les services, anciennement appelée directive Bolkestein, a pour but de créer un marché unique des services au sein de l'UE, en supprimant les barrières administratives et économiques inéquitables et en créant des règles de jeu équitables pour les entreprises en Europe. Par conséquent, elle couvre une multitude de fournisseurs de services commerciaux, depuis les conseillers juridiques et les agents immobiliers jusqu'aux entreprises de location de voitures, les agences de voyages, les parcs d'attractions et la distribution commerciale, pour n'en citer que quelques-uns.

Le mouvement syndical européen a mené une campagne en faveur de l'amendement de certains éléments de la proposition, qui menaçaient les intérêts tant des travailleurs que des consommateurs dans l'UE, et en particulier l'exclusion des S(I)EG, parce qu'ils remplissent une mission différente de celle des services commerciaux et qu'ils ne peuvent être régis par les mêmes règles. Le texte proposé par la Commission et le Conseil et finalement approuvé par le Parlement européen en novembre 2006, excluait les services d'intérêt général non-économiques et ne couvrait les S(I)EG que « dans la limite où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement (en droit ou en fait) de la mission particulière qui leur a été impartie », selon la formulation du TIC. Il excluait également les soins de santé et des services sociaux spécifiques définis comme étant des « services sociaux ayant trait au logement social, à la garde des enfants et au soutien des familles et des personnes dans le besoin ».

La CES était satisfaite du résultat général du débat, bien qu'elle eût préféré une liste non exhaustive comportant des exemples, similaire à celle qui avait été proposée précédemment par le Parlement européen afin d'éviter l'inclusion involontaire de services ne relevant pas de la définition.

Néanmoins, cela signifie que ces services essentiels sont laissés désormais dans un flou juridique qu'il faut résoudre de toute urgence. C'est pourquoi la CES a lancé sa campagne en faveur d'une directive-cadre.

{{Les services sociaux d'intérêt général (SSIG)

}}Le 29 avril 2006, la Commission a publié une Communication sur 'la mise en œuvre du programme communautaire de Lisbonne : les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne'.[[ COM (2006) 177, 26.4.2006]] Les services sociaux ne sont qu'un élément des services d'intérêt général, mais il s'agit d'un élément très important.

La CES a accueilli favorablement cette communication qu'elle considérait comme une première étape vers la création d'un cadre européen pour les SSIG, mais elle estimait que l'approche de la Commission était trop restrictive. Elle insistait sur le fait que les services sociaux ne sont pas seulement fournis aux pauvres et aux exclus, mais aussi à de vastes couches de la société dans un but de solidarité et de cohésion sociale et territoriale. Dans une société vieillissante, par exemple, les personnes âgées et pauvres, ont besoin de soins compétents. Les services sociaux sont essentiels au maintien de leur inclusion dans la société.

Au cours de sa réunion des 18-19 octobre 2006, le comité exécutif de la CES a réaffirmé son soutien à des SSIG de haute qualité, tout en ajoutant : « la nature spécifique des objectifs poursuivis par les SSIG ne peut dépendre exclusivement des lois du marché intérieur. » La plupart de ces services « ne peuvent être qualifiés d'activités économiques aux termes du Traité, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être soumis aux règles de la concurrence. Si c'était le cas, cela créerait des conflits entre les objectifs sociaux poursuivis par ces services et le droit de la concurrence. »

La CES a demandé à ce que le caractère spécifique des services sociaux soit couvert dans le cadre de la sécurité juridique apportée par une directive-cadre sur les S(I)EG.

{{La position du Parlement européen

Le 13 janvier 2004, le PE a voté une résolution affirmant que}} « certains services d'intérêt général sont à exclure du champ d'application des règles de concurrence, tels que la santé et l'éducation, le logement social, mais aussi les services d'intérêt général visant à maintenir ou accroître le pluralisme de l'information et de la diversité culturelle. Il estime qu'il n'est ni possible ni pertinent d'élaborer des définitions communes des services d'intérêt général et des obligations de service public qui en découlent, mais que l'Union européenne doit établir des principes communs tels que: universalité et égalité d'accès, continuité, sécurité, adaptabilité, qualité, efficacité, accessibilité tarifaire, transparence, protection des groupes sociaux défavorisés, protection des usagers, des consommateurs et de l'environnement, et participation des citoyens... »

En septembre 2006, le PE adoptait un rapport demandant à la Commission de clarifier la relation entre les services publics et la législation européenne sur la concurrence et d'analyser l'impact des libéralisations et des privatisations dans les États membres.

{{La position de la CES
}}
Les principes directeurs régissant les services publics doivent être le maintien d'une excellente qualité, la continuité et la sécurité, l'égalité d'accès, une tarification abordable, la fourniture universelle, la transparence et des emplois de haute qualité.

Les S(I)EG ne doivent pas être seulement régis par les règles commerciales du marché libre, parce que cela signifierait que les plus faibles et les plus pauvres seront toujours les perdants. De même, il n'est pas souhaitable que les missions et responsabilités des services publics soient définies sur une base ponctuelle par la jurisprudence de la CEJ, étant donné que les jugements varient en fonction des circonstances individuelles et ne garantissent pas la continuité. La responsabilité en matière de services publics est partagée entre les autorités européennes et nationales et, par conséquent, un cadre européen est nécessaire afin de soutenir la cohésion régionale et sociale.

La CES n'a cessé de demander à la Commission de présenter une proposition de directive-cadre qui conférerait aux services publics la sécurité juridique indispensable, mais sans résultat. En l'absence d'une législation, la CES a proposé un moratoire sur la libéralisation.

Le 20 septembre 2006, le comité exécutif de la CES a adopté le texte d'un projet de directive-cadre européenne sur les services d'intérêt économique général, comme base de travail. D'autres organisations, dont le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général (CEEP) et le Parti des socialistes européens (PSE) au sein du PE, ont effectué la même démarche.

Les principaux points de la proposition précisent que les services d'intérêt général doivent prendre le pas sur les règles du marché, que la Charte des droits fondamentaux doit être appliquée et que le principe de subsidiarité et les responsabilités des pouvoirs publics doivent définir la manière dont ces services seront assurés à tous les niveaux.

Pour la CES, il est important que les utilisateurs, les syndicats et les consommateurs soient consultés et associés aux méthodes de réglementation et que l'on affirme l'implication et la consultation des travailleurs et de leurs représentants à tous les niveaux, dans le contexte d'un dialogue social.

{{Chronologie
}}
1996 et 2000 : communications de la Commission sur les services d'intérêt général[[ COM (1996) 443 et COM (2000) 580]]

15 juin 2000 : la CES et le CEEP adoptent une proposition pour une Charte des services d'intérêt général

Décembre 2001 : rapport de la Commission à l'intention du Conseil européen de Laeken - Services d'intérêt général[[ COM (2001) 598]] - sur le champ d'application des règles du marché intérieur et de la concurrence.

28-29 avril 2003 : le comité exécutif de la CES accueille favorablement la proposition de la Commission de publier un Livre Vert sur les services d'intérêt général.

21 mai 2003 : le Livre Vert de la Commission sur les services d'intérêt général[[ COM (2003) 270, 21.5.2003]] lance un débat sur le rôle de l'UE dans la définition des objectifs d'intérêt général. Le Parlement européen accueille favorablement le Livre Vert et demande à la Commission d'y donner suite pour le mois d'avril 2004 au plus tard.

12 mai 2004 : Livre blanc de la Commission sur les services d'intérêt général.

29 avril 2006 : communication de la Commission sur les services sociaux d'intérêt général.

6-7 juin 2006 : le comité exécutif de la CES adopte une déclaration - Vers une directive-cadre sur les services d'intérêt (économique) général.
Liste complète des résolutions de la CES sur les services d'intérêt général

20 septembre 2006 : la CES approuve le projet de directive-cadre européenne sur les services d'intérêt économique général.

28 novembre 2006 : la CES lance une pétition pour des "services publics de haute qualité, accessibles à tous".

6 mars 2007 : déclaration de la CES/du CEEP sur les S(I)EG.