Discours de Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la CES
Le texte prononcé fait foi
Chers amis,
Merci de m'avoir invitée à vous parler ce matin. Je vous apporte un salut chaleureux et fraternel du syndicat européen, la Confédération européenne des syndicats. Je suis la première femme au poste de Secrétaire générale. Oui l'égalité a fait des progrès dans les syndicats aussi.
Cinq ans et plus de crise ont eu pour résultat de désunir les européens. Les travailleurs, ont moins envie d'Europe; ils divergent sur l'Europe. Et pourtant, le projet européen est un projet de convergence.
Après cinq ans de crise les divergences sociales, les inégalités, le chômage et la précarisation de l'emploi ont considérablement augmenté.
Une autre chose a progressé, c'est l'injustice: alors que beaucoup d'entreprises, avec l'aide des banques, se débrouillent pour ne pas payer leurs impôts, ou, carrément fraudent, on a réussi à faire payer les plus modestes; cela s'est traduit par des baisses des salaires, des pensions de retraite, des allocations de chômage et de la protection sociale.
Tout cela est une plaie douloureusement et même dangereusement ouverte au sein du syndicat européen.
Tout cela signifie que nous avons besoin de vous, aujourd'hui et surtout demain, après les élections européennes.
Nous avons besoin de vous pour arrêter le dumping social sauvage;
La concurrence salariale et sociale qui s'est développée ces dernières années est un moteur extraordinairement puissant contre l'Europe.
Le problème du dumping social ne sera pas réglé uniquement par une directive de mise en œuvre du détachement des travailleurs; quelque soit son sort dans les semaines à venir.
Nous avons besoin de vous pour que le secteur financier soit maîtrisé, contrôlé, pour qu'il retrouve sa fonction essentielle qui est de servir l'économie réelle, et pas la spéculation, pour que les banques ne soient pas une entreprise de service anti-taxe comme le crédit suisse qui a récemment été démasqué.
Nous avons besoin de vous pour mettre fin à la différence de traitement entre les plus modestes et les plus riches. C'est une insupportable honte pour nos sociétés et c'est viscéralement inacceptable pour les travailleurs et travailleuses que je représente ici.
Nous avons besoin de vous pour qu'une promesse soit tenue:
Chers amis, la taxe sur les transactions financières doit devenir une réalité.
Nous avons besoin de vous pour que la rhétorique de l'austérité aveugle soit enfin oubliée. Il faut sortir de la pensée unique. Nous avons besoin de vous pour que soit mis en œuvre un plan sérieux d'investissements et de croissance soutenable pour enfin revenir à une Europe de l'emploi et de l'égalité.
Jusqu'à présent il n'y a eu aucun plan de croissance digne de ce nom. La CES propose un plan sur dix ans, permettant d'investir jusqu'à 2% du PIB européen; c'est possible s'il y a une volonté politique derrière. C'est la seule manière de retrouver une croissance créatrice d'emplois de qualité.
Nous avons besoin de vous pour qu'un dialogue social sérieux et constructif puisse se développer à tous les niveaux et dans tous les pays, j'insiste, à tous les niveaux et dans tous les pays. La participation réelle des partenaires sociaux au semestre européen, leur implication dans les décisions prises est essentielle.
Les liens sociaux essentiels en démocratie ont été attaqués, voire détruits dans certains pays. Je le rappelle ici, l'UE n'a pas d'avenir si elle s'impose de haut en bas.
Chers amis, vous avez aussi besoin de nous.
Les travailleurs se sont éloignés de l'Europe. Et il faut regagner leur cœur, et leur raison.
Pour cela, vous avez besoin d'un mouvement syndical solide, revendicatif, démocratique, représentatif.
Vous avez besoin d'une Confédération européenne des syndicats qui puisse continuer, comme elle l'a fait par le passé, à dire que l'Union Européenne est un projet qu'il faut soutenir; car ni aujourd'hui, ni demain, l'avenir n'est à un retour en arrière.
Vous avez besoin de nous pour faire entendre le message que dans un monde globalisé, nous devons unir nos forces, nos économies, mais surtout promouvoir notre modèle social.
Notre modèle social, ce sont des relations sociales solides et responsables, notre modèle social, ce sont des services publics de qualité, notre modèle social c'est la protection sociale qui fait l'envie des citoyens du monde entier.
Chers amis, pour cela, nous devons avoir des signaux d'espoir. La CES reste convaincue que fermer les frontières n'est pas la solution pour les emplois d'aujourd'hui et de demain; nous ne sommes pas contre le marché intérieur, ni contre des négociations commerciales avec les USA ou le Canada ou d'autres; mais nous voulons que ces marchés servent à améliorer la vie de tous et n'attaque pas notre modèle de société; c'est aussi simple que cela; le marché n'est pas une raison pour mettre tout en concurrence: salaires conditions de travail, protection sociale et services public. Nous voulons une véritable économie sociale de marché;
Nous avons besoin du soutien de ceux et de celles qui, dans les partis politiques démocratiques, partagent cette approche;
Fin mai, je l'espère, un grand nombre de socialistes européens seront élus.
Nous attendons alors des actes, des actes politiques courageux pour inverser les tendances actuelles. Martin, je suis certaine que tu as compris ce message.
Nous continuerons alors comme nous l'avons fait jusqu'ici à travailler avec vous.
Je vous remercie pour votre attention.