Chute record de la valeur des salaires minimum légaux

Selon une étude de la CES des données Eurostat, les travailleurs les moins bien payés d’Europe ont vu la valeur de leurs salaires chuter jusqu’à 19% cette année, ce qui représente la plus importante baisse des salaires minimums réels de ce siècle.

L’année dernière, le salaire minimum légal a, en moyenne, augmenté de 7,6% dans les 21 pays européens où il existe. Toutefois, dans ces mêmes pays, le taux d’inflation a, en moyenne également, augmenté de 12,4%.

Cela signifie que la valeur réelle des salaires minimums légaux a diminué de 4,8% en moyenne, obligeant ainsi des millions de travailleurs à lutter pour faire face aux coûts de la vie les plus essentiels comme l’alimentation, le loyer et l’énergie.

Ce n’est que la deuxième fois depuis 2000 que la croissance des salaires minimums légaux réels est passée sous la barre de zéro pour cent mais cette chute est considérablement plus importante. En 2012, au plus fort de l’austérité, la croissance des salaires minimums légaux était de -0,7%.

Les pays ayant enregistré la chute la plus spectaculaire du salaire minimum légal depuis l’été dernier sont la Lettonie (-19%), la Tchéquie et (-8%) l’Estonie et la Slovaquie.

Ces évolutions ont fortement aggravé la situation des travailleurs payés au salaire minimum dans toute l’Europe alors qu’ils n’avaient déjà que trop de difficultés à joindre les deux bouts. Avant le début de la crise du coût de la vie, près d’un travailleur sur dix dans l’UE27 était déjà confronté au risque de pauvreté et 7 travailleurs au salaire minimum sur 10 disaient éprouver des difficultés à terminer le mois.

Les 18 États membres de l’UE où le salaire minimum légal a chuté entre le T2 2021 et le T2 2022

Pays

Croissance en % du salaire minimum légal nominal

Taux d’inflation en %

Variation du salaire minimum légal réel en %

Lettonie

0

19,2

-19,2

Tchéquie

6,5

16,6

-10

Estonie

11,9

22

-10

Slovaquie

3,6

12,6

-8,9

Lituanie

13,7

20,5

-6,7

Pologne

7,5

14,2

-6,7

Irlande

2,9

9,6

-6,6

Pays-Bas

3,2

9,9

-6,6

Slovénie

4,9

10,8

-5,8

Bulgarie

9,2

14,8

-5,5

Luxembourg

5,0

10,3

-5,2

Malte

0,9

6,1

-5,1

Espagne

5,2

10

-4,7

Portugal

6,0

9

-2,9

Roumanie

10,8

13

-2,1

Grèce

9,6

11,6

-1,9

Croatie

10,2

12,1

-1,8

France

5,8

6,5

-0,6

 

Cette analyse par la CES des données Eurostat intervient alors que le vote final sur la directive relative aux salaires minimum adéquats dans l’UE aura lieu demain au Parlement européen.

Elle précède également le discours de la Présidente de la Commission européenne sur l’état de l’Union dont la CES espère qu’il contiendra un engagement à prendre des mesures d’urgence supplémentaires pour lutter contre la crise du coût de la vie sur base du plan en six points de la CES.

La crise du coût de la vie a rendu la directive encore plus nécessaire. Les États membres ne peuvent invoquer aucune excuse pour attendre deux ans pour la transposer, ils doivent agir maintenant.

La directive impliquera que :

  • Les États membres devront vérifier l’adéquation des salaires minimums légaux en tenant compte du pouvoir d’achat et du coût de la vie ;
  • Les États membres auront le devoir de promouvoir la négociation collective, de combattre l’antisyndicalisme et, pour les pays où la couverture de la négociation collective est inférieure à 80%, d’établir un plan d’action pour la soutenir ;
  • L’implication des syndicats soit renforcée en ce qui concerne la fixation et l’actualisation des salaires minimums légaux ;
  • L’obligation pour les entreprises adjudicataires de marchés publics de respecter le droit d’organisation et de négociation collective conformément aux conventions 87 et 98 de l’OIT.

S’exprimant avant le vote, la Secrétaire générale adjointe de la CES Esther Lynch a déclaré :

« Dans la plupart des pays où un salaire minimum légal existe, celui-ci est fixé à un niveau tellement bas qu’il exposait déjà les travailleurs au risque de pauvreté bien avant le début de la crise du coût de la vie. »

« Aujourd’hui, l’inflation, notamment alimentée par les énormes augmentations des marges bénéficiaires, s’ajoutant aux problèmes d’offre, a fait chuter la valeur des salaires minimums à un niveau bas record. »

« Cela signifie que les personnes qui travaillent de longues heures dans des métiers pénibles doivent se battre pour pouvoir payer nourriture et loyer, sans même parler de ces choses que beaucoup considèrent acquises comme, par exemple, passer du temps entre amis ou en famille. Souvent, ces personnes ont même des difficultés à se rendre à leur travail en raison des coûts de transport. »

« Les membres du Parlement européen doivent montrer qu’ils sont aux côtés de ces personnes qui travaillent dur et voter pour faire en sorte que les salaires minimums ne puissent jamais les faire basculer dans la pauvreté. »

« L’étendue et l’urgence de la crise du coût de la vie ne sont pas rencontrées par le choix approprié de mesures des institutions européennes. Il est contreproductif dans le chef de la BCE d’augmenter les taux d’intérêt. Cela ne fera qu’encore aggraver la crise du coût de la vie pour les travailleurs. »

« Cette directive est essentielle pour venir en aide aux plus vulnérables. Des initiatives urgentes supplémentaires basées sur le plan en six points de la CES sont nécessaires, y compris des augmentations de salaire et des paiements ciblés en faveur des familles en difficulté. »

 

Notes

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