Uber files : les eurodéputés doivent enquêter sur le lobbying anti-travailleurs auprès de l’UE

Suite aux révélations relatives aux activités de lobbying d’Uber qui interviennent alors que l’entreprise poursuit ses efforts pour affaiblir la directive sur les conditions de travail des travailleurs de plateforme, les syndicats demandent au Parlement européen d’enquêter sur le lobbying anti-travailleurs d’Uber auprès de l’UE.

Les documents qui ont fuité révèlent qu’Uber a, à 12 reprises, rencontré la Commission européenne sans que cela n’ait été au préalable rendu public et qu’une ancienne vice-présidente de la Commission responsable de la politique numérique, Neelie Kroes, a secrètement mené un lobbying en faveur d’Uber.

Les activités de lobbying d’Uber auprès de l’UE ont augmenté durant la période couverte par les fuites au point que ses dépenses de lobbying ont été multipliées par 16 depuis l’arrivée de l’entreprise à Bruxelles.

2013 : 50.000€

2014 : 50.000€ - 99.999€

2015 : 400.000€ - 499.999€

2016 : 700.000€ - 799.999€

2017 : 800.000€ - 899.999€

2018 : 800.000€ - 899.999€

2019 : 800.000€ - 899.999€

2020 : 700.000€ - 799.999€

Depuis 2015, Uber elle-même a tenu 70 rencontres, dont les archives sont ouvertes au public, avec la Commission européenne mais paie aussi jusqu’à 199.000 euros par an pour le lobbying externe d’Acumen Public Affairs qui compte 38 lobbyistes accrédités auprès du Parlement européen.

Selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à l’origine des fuites actuelles, les documents montrent que « Uber a, avec l’aide d’une firme de conseil, établi une liste de plus de 1.850 « parties prenantes », d’ex-fonctionnaires et de fonctionnaires en exercice, de groupes de réflexion et de groupements de citoyens, qu’elle avait l’intention d’influencer dans 29 pays ainsi qu’au sein des institutions européennes ».

Dans ce qui constitue clairement un conflit d’intérêts mettant en lumière l’influence continue d’Uber sur les institutions de l’UE, Zuzana Púčiková, Directrice en charge de la politique européenne chez Uber, joue un rôle comme l’une des ambassadrices pour le climat de la Commission européenne.

La directive sur les conditions de travail des plateformes

Les Uber files apparaissent alors que le Parlement et le Conseil européen se penchent sur le projet de directive relative à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs de plateforme. Uber et d’autres plateformes font pression sur les ministres conservateurs et libéraux ainsi que sur les eurodéputés afin d’édulcorer ce projet de directive.

La CES a écrit au ministre français du travail en juin plaidant pour que la Présidence française de l’UE présente une directive forte. La réticence de la Présidence française à avancer dans ce dossier est mise en perspective grâce aux détails fournis par les documents qui ont fuité sur les liens entre Uber et le Président français.

Les amendements à la directive présentés par le groupe Renew et les eurodéputés du PPE correspondent exactement aux demandes faites par Move EU, une plateforme de lobby dont Uber est membre.

Une directive forte, incluant une vraie présomption d’emploi, est nécessaire pour enfin assurer une rémunération et des conditions de travail équitables à des millions de chauffeurs, de coursiers, de soignants et d’autres travailleurs exploités par les plateformes.

Réagissant aux révélations des Uber files, le Secrétaire confédéral de la CES Ludovic Voet a déclaré :

« Ces fuites explosives interviennent alors qu’Uber mène une campagne soutenue pour tenter d’édulcorer la législation européenne sur les droits des travailleurs de plateforme. Les détails sur les relations secrètes entre Uber et des responsables politiques nuiront naturellement à la confiance des travailleurs dans le processus législatif. »

« C’est la raison pour laquelle la Présidente du Parlement européen Roberta Metsola doit d’urgence lancer une enquête sur les activités de lobbying d’Uber auprès de l’UE et suspendre les accréditations des lobbyistes concernés jusqu’à sa conclusion. »

« Les fuites montrent exactement quelle sorte d’entreprise Uber est vraiment avec ses lobbyistes prêts à tout pour réécrire les règles en sa faveur ou de simplement les ignorer lorsqu’ils n’y arrivent pas. Uber prétend avoir changé mais Pierre-Dimitri Gore-Coty qui est au centre de ce scandale est toujours à la tête d’Uber Eats qui fait pression contre les actions de l’UE pour les droits des travailleurs. »

« Si Uber veut démontrer avoir changé, elle devrait arrêter de faire pression sur les droits de ses propres travailleurs à une rémunération et à des conditions justes et s’engager dans une négociation collective avec les syndicats partout en Europe. »

 

Notes

Uber files : https://www.icij.org/investigations/uber-files/uber-global-rise-lobbying-violence-technology/

Source sur les dépenses et les réunions relatives au lobbying auprès de l’UE : LobbyFacts.EU

Source pour les membres d’associations d’entreprises : Registre de transparence de l'UE

 

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13.07.2022
Communiqué de presse